La Vie propose un intéressant panorama des “cathos” favorables à l’union des droites. Aussi courte soit la campagne, la perspective que le vote catholique aille au Rassemblement National et à ses alliés semble en préoccuper plus d’un. Que représente au juste ce “vote catholique”? Est-il vrai qu’il bascule progressivement vers la droite? Mais n’est-il pas en fait, aujourd’hui, stérilisé par les arrière-pensées, à droite comme à gauche?
La Vie dresse un panorama des réseaux catholiques qui travaillent à “l’union des droites”. Je recommande ce tableau, assez exhaustif, sur ce qui reste de réseaux catholiques au Rassemblement National, sur les réseaux proches de Zemmour, de Marion Maréchal, d’Eric Ciotti, de Vincent Bolloré etc….
On sent que les auteurs font partie de ceux qui regrettent ce qu’ils considèrent être une dérive des catholiques vers la droite, que dis-je?, la droite extrême….
On a vu passer la semaine dernière un appel de 10 000 chrétiens à voter contre le Rassemblement National (la part des protestants y est supérieure à celle des catholiques dans la liste des premiers signataires). La Vie, toujours elle, raconte un rassemblement avenue de Breteuil, à Paris, le dimanche 23 juin, de quelques centaines de personnes parmi les signataires.
Qu’en est-il, au fait, du vote catholique?
Regardons les chiffres de plus près: de combien d’électeurs parlons-nous?
L’INSEE nous dit que 29% des Français se déclarent comme catholiques. Parmi ceux-ci, 8% sont des catholiques pratiquants (allant à la messe une fois par semaine) et, si l’on inclut les pratiquants occasionnels et les catholiques français gardant une vie de prière régulière, on monte à 15%.
Rapporté à un corps électoral de 48 millions de personnes, on a donc la question du vote de 14 millions de personnes se déclarant catholiques, dont 1 million de pratiquants réguliers et un cercle plus large de 2 millions de personnes, si l’on inclut les pratiquants occasionnels.
En anticipant sur une participation de 60% aux élections législatives, on a la question du vote de 8,5 millions de catholiques. Les catholiques pratiquants votent proportionnellement plus que le reste de la population. Anticipons une participation de 75%: il y a 750 000 voix en jeu.
Une analyse du vote des catholiques à la dernière élection présidentielle (2022) arrive aux constats suivants:
Le vote des Français catholiques s’ancre de plus en plus à droite, selon un sondage réalisé dimanche 10 avril 2022 par l’Ifop pour La Croix , au premier tour de l’élection présidentielle. Au total, les candidats Marine Le Pen (RN), Éric Zemmour (Reconquête) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) totalisent ainsi 40% du vote des catholiques. En même temps, un vote catholique à gauche demeure (21% du total des candidats de gauche), avec une étonnante percée du candidat Jean-Luc Mélenchon chez les seuls pratiquants réguliers (19%).
Le «devoir de citoyen» semble en tout cas concerner particulièrement les catholiques : ils sont 78% à être allés voter dimanche, dont 86% chez les pratiquants réguliers – contre 75% pour la moyenne nationale.
Si d’une manière générale, le vote catholique en France s’ancre plutôt majoritairement à droite, aucun candidat n’arrive à monopoliser seul leur scrutin. L’étude Ifop montre ainsi que pour le premier tour de la présidentielle 2022, leur vote s’est largement exprimé sur un axe allant du centre à la droite nationaliste et souverainiste : ils sont 29% à avoir voté pour Emmanuel Macron (27,84 % au niveau national) ; 27 % pour Marine Le Pen (23,15 %) ; et 10 % pour Éric Zemmour (7,07 %).
La candidate LR Valérie Pécresse a remporté quant à elle 7 % des voix, un score également supérieur à sa moyenne nationale (4,78 %). En revanche, les catholiques dans leur ensemble ne sont que 14 % à avoir choisi Jean-Luc Mélenchon, contre 21,95 % au niveau national.
Par rapport à 2017, on constate toutefois que le vote des catholiques se déplace davantage vers la droite nationaliste souverainiste, au détriment du parti de droite LR. Ainsi, pour ce premier tour de l’élection présidentielle 2022, si l’on cumule les scores de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan, le vote des catholiques atteint un total de 40 % – contre 32,4 % pour l’ensemble des Français.
Au premier tour de 2017, selon une enquête Ifop réalisée pour l’hebdomadaire catholique Pèlerin , les catholiques avaient voté à 22% pour Marine Le Pen et à 6% pour Nicolas Dupont-Aignan : soit 28% de vote au total à la droite nationaliste souverainiste.
Ils avaient été 28% à voter pour le candidat LR François Fillon (contre 7% pour la candidate LR Valérie Pécresse en 2022). Et 22% à voter pour Emmanuel Macron (contre 29% en 2022). En cinq ans, le vote Macron a donc gagné 7 points chez les catholiques. Même s’il reste minoritaire, le vote des «catholiques de gauche» se maintient en ce premier tour de la présidentielle 2022. Chez l’ensemble des catholiques, Jean-Luc Mélenchon réalise ainsi 14%. Si l’on additionne ces bulletins avec ceux du communiste Fabien Roussel (2%), de la socialiste Anne Hidalgo (2 %) et de l’écologiste Yannick Jadot (3%), on obtient ainsi un vote catholique de gauche à 21%.
Soit quasiment le même pourcentage qu’en 2017 : l’ensemble des candidats de gauche avait attiré 20% des catholiques. Chez l’ensemble des catholiques, Jean-Luc Mélenchon avait alors obtenu déjà 14%, Benoît Hamon 4%, Nathalie Artaud 1%, Philippe Poutou 1%.
Chez les pratiquants réguliers, on constate une véritable attraction pour les partis les plus à droite et les plus à gauche de l’échiquier politique. À gauche, le vote des catholiques pratiquants fait ainsi une véritable percée à l’extrême gauche, où Jean-Luc Mélenchon recueille… 19% des voix (contre 8% en 2017), soit un score presque équivalent à celui de la population globale (21,95%).
À droite, on observe par ailleurs un «survote» Zemmour (16%) et un «sous-vote» Le Pen (21%). Le rapport s’inverse chez les non-pratiquants (7 % pour le chroniqueur et essayiste et 29 % pour la candidate RN).
Le Figaro, 11 avril 2022
Un vote pris en otage
On constate donc chez les catholiques un vote à 20% pour la gauche, 30% pour le macronisme et environ 50% pour la droite, de LR au Rassemblement National. Anticipons lors des élections législatives, une baisse au centre et une poussée à droite, la gauche restant stable dans cet électorat.
Il se peut que les catholiques soient capables de faire basculer certains sièges, qui se joueront à quelques centaines de voix, en faveur du Rassemblement National, n’en déplaise aux “chrétiens contre l’extrême-droite”.
Notons cependant un paradoxe. Les catholiques ne peuvent, stricto sensu, se reconnaître complètement dans aucune des forces politiques en présence. Je prends trois exemples:
+ J’imagine un catholique qui se souvient de la condamnation stricte par les papes de la banalisation de l’avortement. Pour qui peut-il voter? Même s’il se dit que Marion Maréchal – la seule candidate qui a les idées claires sur le sujet – a retrouvé le chemin du Rassemblement National, il buttera rapidement sur le fait que Marine Le Pen a voté – horresco referens – l’inscription de l’avortement dans la constitution. Quant aux macronistes et à la gauche, ils sont encore moins recommandables, du point de vue catholique, sur le sujet.
+ Prenons maintenant un catholique qui se souvient de la doctrine sociale de l’Eglise et qui comprend que l’omniprésence de l’Etat est nuisible parce qu’elle tue à la fois le ressort de l’initiative individuelle, mise en nous par le Créateur, mais aussi, plus globalement, l’esprit de charité. Quand l’Etat s’occupe de tout, dépérit la charité, c’est-à-dire la libre initiative individuelle pour aider son prochain en difficulté. Comment voter pour les candidats de gauche ? Comment ne pas voir que le macronisme pratique le contraire de ce qu’il recommande, étant aussi étatiste qu’il prétend être libéral? Le catholique dont nous parlons se sentira à peine plus à l’aise au Rassemblement National – on dira que l’étatisme n’y est pas dogmatique.
+ Je m’interroge maintenant avec un catholique qui voit ses frères palestiniens de Gaza bombardés autant que les musulmans par l’armée israélienne et ses bombes américaines. Il n’aura pas envie de voter pour le Rassemblement National ni pour les macronistes, aveuglément pro-israéliens au point d’occulter tous les enjeux de la Terre Sainte. Puis-je voter alors pour la gauche? Mais n’est-elle pas porteuse d’un anti-christianisme insupportable?
Je viens de prendre trois exemples qui montrent combien les partis politiques, aussi inquiets soient-ils des conséquences du vote catholique, prennent en même temps ce dernier en otage: ta religion te dit que tu dois être un bon citoyen; donc je ne me préoccupe pas de ce que tu penses puisque je sais que tu as de bonnes chances de finir par voter pour moi…..
Il y a là un vrai sujet, à approfondir. Les relations entre la république et les catholiques sont beaucoup plus complexes qu’elles n’en ont l’air – et que ne le prétendent certaines simplifications historiques.
Oui, c’est plus complexe que ça en a l’air.
Néanmoins certains catholiques trouvent déplacé l’appel de quelques milliers (bien relayé… allez donc savoir pourquoi…) à faire barrage au RN:
https://lanef.net/2024/06/19/reponse-dune-catholique-aux-6000-chretiens-appelant-a-voter-contre-le-rn/
Excellent article