L’abstention détient la clé du scrutin dimanche 7 juillet, pour le second tour des élections législatives. Elle restera sans aucun doute le premier parti de France. Mais de son ampleur dépend l’avance du Rassemblement National et de ses alliés. Si les électeurs gauchistes et centristes restent aussi mobilisés qu’au premier tour – en acceptant les consignes de vote du pacte de brigands passé entre Macron et Mélenchon pour pouvoir continuer à vivre sur le dos des Français, alors le Rassemblement National restera éloigné de la majorité absolue. Plus l’abstention augmentera, plus le Rassemblement National et ses alliés se rapprocheront du gouvernement.
Pour comprendre le pronostic d’un Rassemblement National et ses alliés entre 200 et 230, retenons les résultats anticipés des reports de voix:
Cette projection s’appuie notamment sur des enseignements extraits des reports de voix entre le 1er tour et les intentions de vote au 2nd :
Document sondage Elabe
- Chacune des principales forces politiques bénéficieraient d’excellents reports de voix de leurs électeurs de 1
er tour- Dans les duels NFP-DVG / RN, 50% des électeurs d’Ensemble s’abstiendraient, 32% voteraient pour le candidat NFP et 18% RN
- Dans les duels Ensemble / RN, 62% des électeurs du NFP voteraient pour le candidat Ensemble, 32% s’abstiendraient, 6% voteraient pour le candidat RN
- Dans les duels LR-DVD / RN, 57% des électeurs NFP iraient voter pour le candidat LR, 38% s’abstiendraient et 5% pour le candidat RN
La question des reports est plus complexe qu’elle n’en a l’air
Il vaut la peine de lire l’entretien accordé mercredi 3 juillet par Vincent Pons, chercheur français de Harvard, au média Le Grand Continent. Pons ne cache pas son arrogance de classe: tout doit être fait pour barrer la route au rassemblement National. Mais il réussit à ne pas éteindre sa conscience professionnelle de chercheur:
Les chercheurs mesurent les transferts de voix entre candidats à partir d’enquêtes interrogeant les électeurs sur leurs choix de premier et de second tours et à partir de l’examen des résultats d’élections passées. Avec mes co-auteurs, nous avons suivi la seconde approche, qui a pour avantage de n’utiliser que des résultats administratifs et, ainsi, d’être à l’abri de toute erreur de mesure. Notre conclusion est que le jeu électoral français se résume de façon assez satisfaisante par une ligne.
Lorsque le candidat le plus à gauche est éliminé (ou se désiste) à l’issu du premier tour, la plus grande partie de ses électeurs qui participent au second tour se reportent sur le candidat le plus proche sur sa droite — par exemple sur un candidat centriste plutôt que d’extrême-droite. Lorsque le candidat le plus à droite est éliminé, ses électeurs se reportent principalement sur le candidat le plus proche sur sa gauche. Enfin, lorsqu’un candidat au centre de l’échiquier est éliminé, ses électeurs se reportent de façon à peu près égale vers la gauche et vers la droite. Je note que, par le passé, l’extrême-droite était rarement présente au second tour.
Ainsi, il faut extrapoler nos résultats avec prudence. Aujourd’hui, l’examen des positions des différents partis sur l’axe gauche-droite suggère que des électeurs de droite se reporteraient de façon à peu près égale vers un candidat Renaissance et vers un candidat RN, mais que des électeurs centristes se reporteraient davantage vers un candidat NFP que vers un candidat RN. Il faudra vérifier cette hypothèse à l’issue du second tour.
Le Grand Continent, 3 juillet 2024
Encore un peu plus de complexité:
Au niveau local, une seconde étude que j’ai menée avec Riako Granzier et Clémence Tricaud montre que le candidat qui arrive en tête au premier tour bénéficie d’un effet d’entraînement pour le second tour4. 1 à 2 % des électeurs rallient ce candidat simplement parce qu’ils souhaitent être dans le camp du vainqueur, ce qui augmente considérablement ses chances de victoire lorsque le second tour est serré. Les candidats RN qui étaient en tête au premier tour plus souvent que les candidats de tout autre parti seront les principaux bénéficiaires de cet effet d’entraînement. (…)
lors des élections législatives passées, nous avons établi que l’abstention est plus élevée de 4 points de pourcentage lorsque le troisième candidat est absent du second tour que lorsqu’il est présent. En outre, le vote blanc et nul est plus élevé de 3,7 points de pourcentage dans ce cas, autre manifestation du dépit des électeurs qui soutenaient le troisième candidat. Ces régularités montrent qu’il y a un risque qu’en cas de duel entre un candidat RN et un candidat démocrate de gauche ou du centre, les électeurs d’autres partis démocrates restent chez eux ou votent blanc plutôt que de soutenir l’opposant au RN.
Le Grand Continent, 3 juilet 2024
Le militant n’est jamais loin mais il doit bien avouer qu’il ne sait pas si le Rassemblement National sera à 220 ou à 270 sièges; voire au-dessus de la majorité absolue:
En 2017, En Marche a obtenu 61 % des députés avec 32 % des voix. De même, le RN pourrait remporter plus de 50 % des circonscriptions après avoir obtenu 33 % des voix dimanche dernier.
Le sort de la prochaine assemblée et l’avenir politique de notre pays pourraient se jouer à quelques circonscriptions près et, dans ces circonscriptions, à quelques dizaines de voix près.
Le Grand Continent, 3 juillet 2024
On comprend donc qu’il existe un redoutable adversaire pour le “front républicain”, c’est l’alliance du Rassemblement National et des abstentionnistes.
Un autre facteur peut entrer en jeu: la détestation de Macron.
Et aussi la détestation tout aussi réelle de Mélenchon chez les macronistes.
Du coup toutes les projections sont très aléatoires et nous aurons la surprise dimanche soir
Monsieur Husson, suggéreriez-vous en filigrane, que le RN ne dispose que de peu de réserve de voix dans ceux qui se réfugient encore dans l’abstention ?
Pour le futur, je ne doute pas que si la racaille social-démocrate devait être sauvée ce dimanche, ce qui semble se dessiner, nul doute que la loi SRU va être encore plus férocement appliquée dans les années à venir : on le voit déjà, on nous colle du futur naturalisé dans nos campagnes, qui finira par bien voter.
Incroyable aussi de voir qu’avec 33% des voix, le RN n’obtiendrait que 50% des sièges, alors que Renuisance, avec 31% en obtînt 62% en 2017 : bien sûr, tout dépend du nombre de voix par circonscription et des alliances, mais même si ceux qui suivent tout ceci sont habitués aux magouilles, cette tambouille anti-démocratique est à vomir.
Avec tout ce que notre pauvre pays s’est pris dans la figure depuis des décennies, ne voir que 33% voter pour le RN laisse songeur, ça n’est vraiment pas lourd : trop peu, trop tard.
Et sachez que suis loin d’être enthousiaste pour le RN, vu tous ses reniements récents.
Voir le NFP à 28-29%, vu les “outrances” de LFI (euphémisme), ne présage rien de bon, mais illustre bien la mutation démographique en cours, en plus d’être le relai électoral du fascisme gris. Mais Macron ne vient-il pas de la gauche, après tout ?
Comme vous, je pense que bien des idiots (il y a aussi de réels idéologues là-dedans), mais utiles quand il le faut pour faire barrage, dépendent du bon vouloir étatique à leur assurer leur pitance : pour info, en cinquante ans, la quantité de pognon en circulation gérée par l’État, est passée de 32% à 48%, soit +50% (un 1 euro sur 3, à 1 euro sur 2).
Quand l’État à besoin de ceux qu’il arrose, il les active : syndicats vendus (intéressez vous aux salaires au JO-Imprimerie Nationale, c’est édifiant), journalistes, chercheurs…
Et je ne parle même pas de l’école, et de ce qu’on y enseigne.
Ainsi donc, l’État à de plus en plus de droit de vie et de mort sur les cons-sommateurs, et surtout sur ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. Et les autres font ce qu’on leur demande de faire.
On aboutit à une forme d'”État-profondisation” ou ingénierie de la société civile, qui devient pavlovienne, atavique.
Ce pays a réellement besoin d’une épuration.