Quelque chose est troublant dans la situation politique française actuelle : d’un côté, plus aucune décision politique n’est possible de façon sérieuse faute d’un gouvernement constitué. D’un autre côté, la préparation du budget suit son cours, sans stress apparent, consciencieusement menée par Jérôme Fournel, directeur de cabinet de Michel Barnier, au nez et à la barbe des parlementaires. Avons-nous, sans que cela ne soit annoncé officiellement, glissé sous un régime “flash” de troïka européenne, le temps d’adopter un budget qui convient à Bruxelles ?
Et si, sans que cela ne soit dit clairement, la France était, le temps de quelques semaines, sous la coupe d’une troïka européenne déguisée qui construit un budget aux petits oignons pour éviter une dérapage incontrôlé ?
On peut en tout cas noter plusieurs faits troublants :
- l’absence de gouvernement constitué n’empêche pas le déroulement de la préparation budgétaire dans des conditions à peu près satisfaisantes
- alors que des lettres de cadrage existent, Barnier a refusé de les communiquer aux parlementaires habilités à les consulter (en l’espèce le Président de la Commission des Finances Eric Coquerel et le rapporteur général Charles de Courson)
- tout indique que Jérôme Fournel, directeur de cabinet de Michel Barnier, prépare ce budget sans l’intervention du Parlement ni d’aucun gouvernement
- la question est de savoir si oui ou non la Commission Européenne est consultée sur ces travaux
- selon nos informations, c’est le cas : en réalité, le budget 2025 est préparé entre une équipe française très resserrée et la Commission, sans interférence des élus français…
- au fond, nous sommes dans la situation de la Grèce sous la troïka : les décisions stratégiques sont prises par des comités restreints de bureaucrates qui n’en réfèrent pas au peuple
- cette situation devrait durer le temps d’élaborer le budget et de rendre celui-ci applicable par-delà les gesticulations d’une Assemblée réduite à l’impuissance : les décisions sont désormais prises entre Bruxelles et ses fidèles représentants à Paris.
Sauf, bien sûr, si Michel Barnier ne parvenait pas à construire un gouvernement, ce qui ouvrirait une profonde crise de régime.
Le Courrier des Stratèges
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