Depuis le mois d’octobre, la plus grande confusion règne sur le débat budgétaire en France. Si l’on se souvient que l’adoption d’un budget est le début de la démocratie, on ne peut que se poser des questions sur la profondeur de la crise politique qui nous frappe. Reste qu’en bon petit soldat de la Commission Européenne, prisonnier de la morgue bourgeoise dont il est issu, Barnier pourrait bien se condamner à la censure dans les quinze jours qui viennent…
Nous avons relaté hier les coulisses des discussions au sein de la caste pour préparer, à l’ancienne, un coup fumant contre Marine Le Pen et une neutralisation de toute opposition populiste sérieuse pour les élections présidentielles (“retournement” de Bardella compris). Et nous avons expliqué pourquoi Marine Le Pen avait tout intérêt à provoquer dès maintenant la chute du Premier Ministre.
En bonne lectrice du Courrier, Marine (et son entourage) ne devraient pas tarder à tirer toutes les conclusions qui s’imposent de la situation actuelle, et profiter de la première occasion (voire la créer) pour sanctionner un gouvernement qui supervise un Parquet qui a appelé à la mettre en prison et à la rendre inéligible.
Et les occasions ne manquent pas, désormais :
- l’Assemblée Nationale a confirmé son absurde rejet de la loi de règlement pour 2024, ce qui va obliger Barnier à déclencher l’article 49-3 de la Constitution
- le Sénat rogne sur les “allègements de charges” prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- l’Assemblée devrait par ailleurs remettre le couvert sur le budget en seconde lecture
Jusqu’ici, Barnier s’est montré particulièrement rigide avec LFI (ce qui peut se comprendre), mais aussi avec le Rassemblement National (en refusant tout amendement à la loi de finances venu de ce groupe), et, plus surprenant encore, avec les macronistes, qui ne veulent pas entendre parler d’une réforme des cotisations sociales défavorable aux entreprises. En revanche, Barnier fait des cadeaux à la droite républicaine, parti dont il est issu, et qui compte une nombre désormais infime de députés.
On peut quand même s’interroger sur le sens politique du bonhomme… Tout se passe comme si l’étiquette de la Cour et le mépris social (dont le mépris notable pour le blanc-bec Attal que Barnier avait humilié devant les caméras lors de son discours de passation) passaient avant le réalisme politique qu’exige la situation.
À son arrivée à Matignon, le style bourgeois hautain et bien élevé de Barnier avait pu susciter un certain engouement auprès de ceux qui n’en pouvaient plus de la vulgarité du macronisme. Il n’aura pas fallu un mois pour qu’il nous rafraîchisse la mémoire : la bonne éducation ne rime pas forcément avec l’intelligence politique.
Ne manquez pas notre papier du jour sur les risques en cas de censure du gouvernement avant le vote du budget, et ses conséquences patrimoniales possibles pour vous.
Le Courrier des Stratèges
Pensez par vous-même