Nous avions annoncé la semaine dernière que Michel Barnier ferait l’objet d’une censure sur ses textes budgétaires, et nous ne nous étions pas trompés. Nous persistons à dire qu’Emmanuel Macron sera contraint de recourir à l’article 16 pour doter la France d’un budget… Manifestement, peu de gens prennent la mesure des effets mécaniques qui vont se produire à partir de jeudi, jour où la démission du gouvernement sera contrainte si la motion de censure est votée (ce qui sera sans doute le cas). Par exemple, il est très plausible que le paiement des retraites connaisse un méchant trou d’air dès le début du mois de janvier 2025, comme nous l’annonçons d’ailleurs depuis un an.
Les Français n’ont que le mot « sécurité sociale » à la bouche… mais à peu près aucun d’entre eux ne sait exactement comment elle fonctionne, ne serait-ce qu’à grands traits. Nous avons pourtant déjà dit combien elle était financièrement fragile, et comment elle pourrait provoquer un défaut de l’État. Avec le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce risque ne cesse de grandir pour des raisons que nous expliquons ici.
Simplement, la notion de défaut n’est pas ici abstraite. Il ne s’agira pas d’un remboursement à nous ne savons quel investisseur institutionnel que l’État manquerait, invisible, en quelque sorte, pour le commun des mortels. Le scénario auquel nous pensons est beaucoup plus tragique : il serait par exemple celui d’une impossibilité de payer les retraites en temps et en heure, du fait d’un problème de trésorerie. La situation serait redoutable pour beaucoup de Français, mais elle aurait le mérite de rappeler que les milliards dont les medias mainstream parlent à longueur de journée ne sont pas des inventions stratosphériques mais des espèces sonnantes et trébuchantes dont les Français ordinaires ont besoin pour vivre au jour le jour.
Un risque déjà soulevé par les agences de notation
Au demeurant, si peu de Français (y compris parmi la caste) croient vraiment à la matérialité d’un défaut, les agences de notation ont bien flairé le danger que la sécurité sociale préente pour l’ensemble du pays. Et si, depuis plusieurs mois, le cartel de la presse subventionnée se félicite que la note de la dette française ne soit pas dégradée, c’est en grande partie parce que personne ne parle de la dégradation de la note de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale, l’ACOSS.
Ainsi, Fitch attribue la note de AA- à l’ACOSS, comme Standard and Poor’s (qui a procédé à la dégradation de la note début juin 2024). Les deux agences soulignent les risques systémiques liés à notre financement de la sécurité sociale.
Fitch par exemple écrit ceci :
En soi, ce texte se passe de commentaire : Fitch décrit parfaitement la « contagion » qui pourrait ébranler la finance mondiale si, un matin, l’ACOSS découvrait qu’elle n’a pas la trésorerie pour payer les retraites.
La trésorerie de la CNAV : un enjeu sensible
Ici encore, beaucoup croient qu’il s’agit de scénarios de science-fiction. Pourtant, ce cas de figure s’est produit en février 2009, et le régime général fut sauvé grâce à une garantie directe de l’Etat, et, semble-t-il, en 2021, où la Caisse des Dépôts a tordu le bras à la réglementation pour éviter le naufrage en accordant un prêt exceptionnel de court terme à la sécurité sociale.
Le sujet est d’ailleurs parfaitement évoqué chaque année. Ainsi, pour 2024, l’ACOSS avait le droit de bénéficier d’un découvert de 45 milliards, et le PLFSS 2025 avait prévu de porter cette somme à 65 milliards. J’ai publié ci-dessus l’extrait du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de 2024 pour montrer comment cet argent sert à couvrir, avec une marge « d’erreur » ou de risque de 15 milliards les besoins de financement de notre système de protection sociale.
Il faut retenir ici une donnée essentielle : sans droit au découvert (généralement levé auprès des marchés financiers), les prestations de sécurité sociale ne peuvent plus être versées. Et ces découverts ne sont comblés que si et seulement si les marchés ont confiance dans la capacité de l’ACOSS à rembourser.
On comprend incidemment que, sans loi de financement de la sécurité sociale, l’ACOSS va se trouver dès le mois de janvier en difficulté. Sauf si une loi spéciale (mais la procédure n’est prévue par la Constitution que pour le budget de l’État) autorise exceptionnellement l’ACOSS à lever des fonds sur les marchés, il y a un sacré souci à se faire pour le paiement des prestations et en particulier des retraites.
C’est l’occasion de redire que la retraite par répartition peut tout autant faire faillite que la retraite par capitalisation. Mais les Français ont-ils encore une culture suffisante pour le comprendre ?
Dans tous les cas, ne manquez pas notre contenu « patrimoine » qui vous explique quelles manoeuvres d’urgence suivre pour éviter le désastre. Rendez-vous demain sur ce point.
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