L’impôt et le racket du contribuable selon Frédéric Bastiat, par Arthur Cyclops

L’impôt et le racket du contribuable selon Frédéric Bastiat, par Arthur Cyclops


Partager cet article

Les impôts sont-ils faits pour redistribuer les richesses, pour inciter à la croissance, pour diminuer les inégalités ? Ou visent-il simplement à financer les dépenses publiques que les citoyens choisissent. Dans la pensée libertarienne, l’Etat n’existe que pour remplir ses missions régaliennes, et, à cette fin, il prélève simplement les moyens nécessaires à l’atteinte de ses objectifs. Cette position, posée par Mirabeau à la fin de l’Ancien Régime, fut rappelée par le libertarien français Frédéric Bastiat autour de 1850.

Frédéric Bastiat, économiste et philosophe français du XIXe siècle, est surtout connu pour ses critiques vigoureuses de l’interventionnisme étatique et pour sa défense du libre-échange. Sa théorie de l’impôt s’inscrit dans cette vision plus large d’un État minimal et respectueux des libertés individuelles. Pour comprendre sa pensée fiscale, il est essentiel de se référer à ses ouvrages et articles, notamment La Loi (1850), Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas (1850), et Sophismes économiques (1845).

La Loi et la justification de l’impôt

Dans La Loi, Bastiat définit l’État comme une institution dont la seule mission légitime est de protéger les droits naturels des individus : la vie, la liberté et la propriété. Selon lui, l’impôt ne peut être justifié que dans la mesure où il sert à financer ces fonctions régaliennes. Il écrit : « La Loi, c’est la force organisée pour faire obstacle à l’injustice. » L’impôt est donc un mal nécessaire, mais il doit être strictement limité à ce qui est indispensable pour assurer la sécurité et la justice.

Bastiat critique sévèrement les dérives de l’État, qui, selon lui, tend à s’étendre au-delà de ses prérogatives légitimes. Il dénonce l’utilisation de l’impôt pour financer des projets qui ne relèvent pas de la protection des droits individuels. Pour lui, toute taxation qui dépasse ce cadre est une spoliation légale, c’est-à-dire une confiscation illégitime des biens des citoyens au profit d’intérêts particuliers ou de projets collectivistes.

L’impôt comme spoliation légale

Dans Sophismes économiques, Bastiat développe l’idée que l’impôt peut devenir un instrument d’injustice lorsqu’il est détourné de sa finalité première. Il utilise l’expression « spoliation légale » pour décrire cette dérive. Selon lui, lorsque l’État impose des taxes pour redistribuer les richesses ou financer des entreprises publiques, il viole le droit de propriété des individus. Il écrit : « La spoliation légale peut s’exercer d’une multitude de manières ; de là, une multitude de plans d’organisation : tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, droit au travail, droit au profit, etc. »

Bastiat s’oppose notamment à l’impôt progressif, qu’il considère comme une forme de discrimination fiscale. Il argue que ce système, qui impose davantage les riches que les pauvres, est contraire à l’égalité devant la loi. Pour lui, la justice fiscale implique que chacun contribue en proportion de ses moyens, mais sans que cette proportion ne devienne un prétexte pour punir les plus riches.

Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas

Dans Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, Bastiat développe une critique économique de l’impôt en mettant en lumière ses effets indirects et souvent invisibles. Il explique que lorsque l’État prélève des impôts, il prive les citoyens de ressources qu’ils auraient pu utiliser pour investir, consommer ou épargner. Ces ressources, une fois transférées à l’État, sont souvent gaspillées ou utilisées de manière inefficace.

Bastiat illustre cette idée avec l’exemple d’une vitre brisée. Si un citoyen doit payer pour réparer sa vitre, il ne peut pas utiliser cet argent pour acheter autre chose. De même, l’impôt prive les individus de choix économiques qu’ils auraient pu faire librement. Il écrit : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »

La limitation de l’impôt

Pour Bastiat, la solution à ces problèmes réside dans une stricte limitation de l’impôt. Il plaide pour un État minimal, dont les dépenses seraient réduites au strict nécessaire. Il propose également que les impôts soient proportionnels et non progressifs, afin de respecter l’égalité devant la loi. Enfin, il insiste sur la nécessité de transparence et de responsabilité dans la gestion des finances publiques, afin que les citoyens puissent contrôler l’utilisation de leurs contributions.

Dans La Loi, il résume sa position en ces termes : « L’impôt, c’est la portion de chaque citoyen mise en commun pour le maintien de la force publique. » Mais il ajoute aussitôt : « Si chacun de nous est tenu de sacrifier une partie de son temps, de ses efforts, de ses ressources pour maintenir la force publique, il est juste que cette force soit strictement limitée à sa fonction : protéger nos personnes, nos libertés, nos propriétés. »

Conclusion

La théorie de l’impôt de Frédéric Bastiat repose sur une conception minimaliste de l’État et une défense intransigeante des droits individuels. Pour lui, l’impôt ne peut être justifié que s’il sert à financer les fonctions régaliennes de l’État. Toute taxation qui dépasse ce cadre est une spoliation légale, une violation du droit de propriété et une entrave à la liberté économique. En mettant en lumière les effets indirects de l’impôt et en dénonçant les dérives de l’interventionnisme étatique, Bastiat offre une critique puissante des politiques fiscales de son époque, critique qui reste pertinente aujourd’hui. Ses idées continuent d’influencer les débats sur le rôle de l’État et la justice fiscale.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Par quoi voulons-nous remplacer la démocratie représentative?

Par quoi voulons-nous remplacer la démocratie représentative?

Ce pont du 10 novembre, moment de répit dans l'agitation nationale, offre une occasion de prendre du recul sur le spectacle de notre propre impuissance. La France est paralysée. Le chaos parlementaire, les blocages institutionnels et la déconnexion béante entre le pays légal et le pays réel ne sont plus des accidents de parcours ; ils sont le symptôme d'une maladie chronique. La tentation est grande, comme toujours, de personnaliser la crise. On accuse volontiers l'hyperprésidentialisation


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

PLFSS 2026 : l'art de la pyrotechnie parlementaire, par Vincent Clairmont

PLFSS 2026 : l'art de la pyrotechnie parlementaire, par Vincent Clairmont

L'adoption, samedi 8 novembre 2025, de la première partie du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026 n'aura trompé personne au sein de l'Hémicycle. Le score étriqué de 176 voix pour contre 161 ne signe en rien une adhésion au projet du gouvernement, ni même une improbable lune de miel sur l'autel des finances sociales. Ce vote, fruit d'un calcul politique aussi cynique que nécessaire, est avant tout une manœuvre. Une partie de l'opposition, notamment le Parti


Rédaction

Rédaction

Pourquoi votre stratégie Barbell est incomplète sans la bonne banque privée digitale

Pourquoi votre stratégie Barbell est incomplète sans la bonne banque privée digitale

L’année 2026 semble promise, comme les précédentes, à une volatilité extrême et à des chocs imprévisibles. Les modèles d'investissement classiques, qui misent sur la « diversification moyenne » et l’optimisation du risque au milieu du spectre, sont non seulement fragiles, mais destinés à être pulvérisés à l’occasion du prochain « cygne noir » que l'Histoire ne manquera pas de nous servir. Face à ce chaos qui se déploie sous nos yeux, nous vous avons présenté dimanche 2 novembre la seule philoso


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

Elise Rochefort a évoqué pour nous les controverses officielles sur l'emploi du temps de Dick Cheney le 11 septembre 2001. Peter Dale Scott, diplomate canadien devenu professeur à l'Université Berkeley, en Californie, a prétendu documenter le contexte de cette affaire explosive. Et voici les thèses qu'il a défendues, accompagnées de leurs critiques, bien entendu... Peter Dale Scott (né en 1929) représente une figure intellectuelle singulière et complexe dans le paysage académique nord-améri


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe