Loi Duplomb: une discussion emblématique de la crise politique française
LE 23 FEVRIER 2024 / A PARIS SALON DE L’AGRICULTURE 2024 / PH Guillaume Bonnaud / LA COORDINATION RURALE PLACE VAUBAN AUX INVALIDES

Loi Duplomb: une discussion emblématique de la crise politique française


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LE REGARD DES STRATEGES –  Veut-on une illustration flagrante de la crise politique française? Une pétition déposée sur le site de l’Assemblée Nationale,  pour demander une rediscussion de la loi Duplomb  – destinée à « simplifier l’exercice de l’activité des agriculteurs » – a dépassé le million de signatures. Belle occasion de revenir sur le parcours chaotique d’un texte dont les modes de discussion soulignent la tendance de l’actuelle classe politique française à substituer de faux débats aux vraies questions.

Quelle histoire emblématique de la crise politique française!  Un projet de loi destiné à « lever les contraintes visant l’exercice du métier d’agriculteur » est présenté par deux sénateurs, dont l’un, qui a donné son nom courant à la loi, Laurent Duplomb, est un ancien responsable local de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, favorable à une agriculture moderne de type productiviste.

Ce projet réautorise certains pesticides reconnus dans l’UE mais interdits en France. Il passe outre les objections fréquemment faites aux « mégabassines ». Il renforce le pouvoir discrétionnaire des préfets pour autoriser des projets favorables à la productivité de l’agriculture française.

Un texte qui divise et dont le débat a été contourné

Sans se prononcer sur le fond, remarquons que le projet de loi a été étonnamment poussé en évitant des débats approfondis au Sénat et à l’Assemblée Nationale. Après avoir été adopté en procédure accélérée au Sénat, le moins qu’on puisse dire, c’est que son adoption a été chaotique (Source Grok, à qui j’ai demandé de me retracer l’histoirique):

Parcours législatif mouvementé (mai – juillet 2025) :

Soutiens et oppositions :

Une pétition pour rien?

Faut-il s’étonner qu’une pétition destinée à protester contre la loi ait réussi à recueillir un million de signatures? Certes, le chiffre est inédit pour une tentative de saisine de l’Assemblée par l’opinion. Certes aussi, l’on a le droit d’être sceptique sur la belle histoire de l’étudiante bordelaise de vingt-trois ans, qui fait trembler le Parlement. La gauche écologiste, des ONG et des associations ont largement relayé l’appel lancé par Eléonore Pattery.

L’objectif n’est pas de faire revoter la loi, puisqu’une pétition de ce genre oblige, au-delà de 500 000 signatures, à une discussion parlementaire mais ne remet pas en cause la loi votée. En revanche, il s’agit plutôt de peser sur la décision du Conseil constitutionnel, qui doit se prononcer, fin août, sur la saisine, datant du 11 juillet, par une soixantaine de députés.

La pétition aura donc bien un impact. Constatons que ce texte, peut-être spontané, a été magistralement exploité par les opposants au texte.

Est-il nécessaire d’être anti-écologiste pour simplifier la vie des agriculteurs?

En réalité, le débat nous plonge au cœur de la crise politique française. Elle n’est pas seulement partisane ou parlementaire: elle est beaucoup plus profonde:

+ Premièrement, remarquons que des gouvernements sans légitimité se cachent derrière des manœuvres parlementaires pour faire adopter une loi favorable à l’agriculture « productiviste ».

+ Deuxièmement, constatons l’absence du président de la République, dont le rôle d’arbitre pourrait être essentiel: on a parlé durant la discussion parlementaire, malgré son escamotage, de contribuer à la « souveraineté alimentaire française ». Voici le président devant deux camps irréductibles, les uns arguant que la France doit être compétitive en matière agricole et garantir l’indépendance alimentaire du pays; les autres mettant l’accent sur les dangers que courent la santé des Français et l’environnement.

Le rôle du chef de l’Etat, tel que la Vème République l’a héritée du Général de Gaulle, qui prenait modèle sur la tradition capétienne, est de permettre au pays de sortir de la guerre de tranchées, en imaginant non pas un « en même temps stérile », mais un chemin original.

+ Depuis que je suis le débat, je me demande par quelle absurdité on arrive à défendre le point de vue que, pour simplifier l’activité des agriculteurs, il faudrait mettre en danger la santé des Français. Une meilleure sécurité sanitaire n’est-elle pas un atout pour vendre les produits français? Oui mais cela fera monter le prix, diront certains. Vraiment? Ou bien n’y a-t-il pas un problème que personne ne veut regarder en face: l’hyperréglementation de l’agriculture française est due d’abord à l’empilement de trois couches bureaucratiques: celle des Chambres d’agriculture, celle du Ministère de l’Agriculture. Et enfin celle de la Commission Européenne!

Pour en avoir le cœur net, j’ai interrogé à nouveau le moteur d’IA Grok:

1. Chambres d’Agriculture en FranceLes Chambres d’Agriculture sont des établissements publics qui jouent un rôle clé dans l’accompagnement des agriculteurs et la mise en œuvre de politiques agricoles au niveau local. Selon les informations disponibles :

2. Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire supervise les politiques agricoles nationales, y compris la mise en œuvre de la PAC en France, via ses directions centrales, régionales (DRAAF), départementales (DDT), et ses opérateurs comme l’Agence de services et de paiement (ASP) et FranceAgriMer.

3. Commission européenne – Direction générale Agriculture et développement rural (DG AGRI)La Direction générale Agriculture et développement rural (DG AGRI) de la Commission européenne, basée à Bruxelles, est responsable de la gestion et de la coordination de la PAC à l’échelle européenne.

Limites et précisions

Cela méritera  bien entendu une analyse plus détaillée. Mais n’est-on p)as frappé d’emblée par l’empilement des fonctionnaires européens, nationaux et territoriaux?

Un bon moyen de simplifier l’exercice de l’activité agricole en France ne serait-il pas dans un dégraissage massif des effectifs du Ministère de l’Agriculture, du Ministère de l’Environnement et du Ministère de la Santé qui touchent aux questions dont nous parlons?

Pourquoi ne serait-il pas possible d’envisager un enchaînement vertueux où l’Etat diminue la pression fiscale sur les agriculteurs en ayant lui-même réduit les dépenses allouées à son ministère, aux effectifs bien plus nombreux (même en faisant la part de la gestion forestière et des lycées agricoles) que ceux de la Commission Européenne et des Chambres locales?

La loi Duplomb est en partie une mauvaise solution aux problèmes de l’agriculture française; elle suscite un débat légitime, même si les opposants ne veulent pas plus ds’attaquer que les partisans de la loi au mal qui ronge la France: la dépense publique inutile.


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