Depuis plusieurs années, une co-gestion MEDEF-CFDT organise le paritarisme en France. Cette alliance tenace a permis un certain nombre de réformes fondées sur un donnant-donnant. Mais les prises de position récentes de la CFDT interrogent fortement la pertinence de cette stratégie. La CFDT se lance en effet à corps perdu dans des propositions qui imposeraient des contraintes étouffantes pour les entreprises.
Les 66 propositions que la CFDT vient de co-signer avec un corpus d’associations réformistes ne manqueront pas d’inquiéter les entreprises. Liée au MEDEF par une alliance de fait qui dure depuis plusieurs décennies, la CFDT entame une dangereuse dérive étatiste et coercitive qui risque d’être le coup de grâce pour beaucoup d’entreprises. Appelant à un virage social du gouvernement, ces propositions comportent quelques perles qu’on signalera ici:
10. Faire évoluer automatiquement les grilles salariales en fonction de l’évolution du smic dans le privé et le public.
16. Garantir une retraite par répartition avec un niveau de pension qui ne puisse pas être inférieur au smic pour une carrière pleine.
27. Adosser la rémunération variable des dirigeants à la performance sociale et environnementale, et pas seulement financière.
28. Rendre les stratégies climat des entreprises réellement compatibles avec l’accord de Paris.
29. Taxer plus fortement les dividendes et taxer le rachat par les entreprises de leurs propres actions.
30. Conditionner les aides publiques aux entreprises pour les rendre solidaires de leur territoire.
31. Soutenir l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles et associations) et des modèles d’organisation d’entreprises plus responsables.
32. Porter politiquement les spécificités du modèle non-lucratif français au niveau européen.
33. Définir des services sociaux d’intérêt général préservés des logiques de marché.
34. Plafonner les rémunérations des dirigeants d’entreprise, et encadrer les écarts entre les plus hautes et les plus basses rémunérations.
35. Négocier le partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises et avec les sous-traitants.
36. Revaloriser les minimas sociaux et les faire évoluer au même rythme que les revenus du travail.
38. Taxer les hauts patrimoines.
39. Mettre fin aux dérogations bénéficiant aux revenus du capital.
40. Evaluer, modifier et réorienter les dépenses (niches) fiscales et les aides publiques aux entreprises pour qu’elles profitent à l’emploi, à la transition écologique, à l’investissement social et à la qualité de vie.
41. Augmenter les moyens pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales, et promouvoir une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés au niveau européen.
42. Mettre fin aux exonérations de la taxe carbone française pour certains secteurs, en particulier le transport aérien et maritime, les entreprises du marché carbone européen et le transport routier de marchandises.
50. Garantir l’accompagnement des salariés et des entreprises quant aux conséquences de la transition écologique sur l’emploi.
63. Instaurer une représentation pour moitié des salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance.
64. Rendre obligatoire la négociation dans les entreprises sur leur « raison d’être » – finalités économiques, sociales, environnementales, sociétales.
Il est probablement temps, pour le MEDEF, de réexaminer sa stratégie d’alliance sociale… On voit mal en effet comment, alors que nombreuses entreprises sont usées par la complexité réglementaire qui ne cesse de proliférer, elles pourraient se reconnaître dans un syndicat patronal qui soutient, peu ou prou, ces demandes délirantes.
On remarquera en particulier que les négociations obligatoires sur la “raison d’être” des entreprises sont une étape dangereuse sur l’implosion de leur compétitivité. Lorsque Bruno Le Maire a inscrit la “mission” dans la définition de l’entreprise, dans le cadre de la loi Pacte, il a pourtant promis qu’il s’agissait d’une mesure sans suite…
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