Un ami me dit qu’en France tout le monde est préoccupé de Covid et de vacances. Pour le reste, me dit un autre, ils attendent impatiemment le rationnement de Le Maire et d’Ursula. Rien ne les préoccupe vraiment sauf le masque et la prochaine dose. Côté énergie, tout le monde ou presque est d’accord : il faut mourir pour l'Ukraine et BHL est son prophète. La situation est désespérée mais elle n’est pas grave : c’est que le peuple nouveau de Macron – si bien soutenu par Marine et consorts – répond au dernier homme de Nietzsche.
.
Relisons Ainsi parlait Zarathoustra alors (traduction Henri Albert) :
« Je vais donc leur parler de ce qu’il y a de plus méprisable : je veux dire le dernier homme. »
Nietzsche ajoute dans son insurpassable élan poétique et prophétique :
« Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même. Voici ! Je vous montre le dernier homme. « Amour ? Création ? Désir ? Étoile ? Qu’est cela ? » – Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil. »
Le grand rétrécissement mental
Nietzsche prévoit non pas le grand remplacement mais le grand rétrécissement mental, spirituel et cérébral :
« La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. Sa race est indestructible comme celle du puceron ; le dernier homme vit le plus longtemps. « Nous avons inventé le bonheur, » – disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil. Ils ont abandonné les contrées où il était dur de vivre : car on a besoin de chaleur. On aime encore son voisin et l’on se frotte à lui : car on a besoin de chaleur. »
Ah, cette durée de vie…
On est obsédé par les maladies et les médicaments :
« Tomber malade et être méfiant passe chez eux pour un péché : on s’avance prudemment. Bien fou qui trébuche encore sur les pierres et sur les hommes ! Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement. »
L’invention du bonheur
Les RTT ? Lisez Nietzsche :
« On travaille encore, car le travail est une distraction. »
Après on crée une société à la Jospin, une société un peu paresseuse :
« Mais l’on veille à ce que la distraction ne débilite point. On ne devient plus ni pauvre ni riche : ce sont deux choses trop pénibles. Qui voudrait encore gouverner ? Qui voudrait obéir encore ? Ce sont deux choses trop pénibles. »
La cancel culture est déjà là au sens strict (lisez l’admirable deuxième considération inactuelle sur l’anéantissement de l’histoire) qui consiste à ne plus supporter son passé ou son Histoire nationale ou autre (cf. Biden, Macron ou Bergoglio) :
« Point de berger et un seul troupeau ! Chacun veut la même chose, tous sont égaux : qui a d’autres sentiments va de son plein gré dans la maison des fous. « Autrefois tout le monde était fou, » – disent ceux qui sont les plus fins, et ils clignent de l’œil. On est prudent et l’on sait tout ce qui est arrivé : c’est ainsi que l’on peut railler sans fin. On se dispute encore, mais on se réconcilie bientôt – car on ne veut pas se gâter l’estomac. On a son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit : mais on respecte la santé. « Nous avons inventé le bonheur, » – disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil. »
Le plus froid de tous les monstres froids
Voilà pour le dernier homme dont a si mal parlé Fukuyama (sans doute parce que le piteux bureaucrate hégélien Kojève en avait mal parlé lui-même). Puis survient l’Etat dans le fabuleux chapitre : De la nouvelle idole. Quelques citations rafraichissantes alors dont la plus connue sur le monstre froid :
« L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. »
L’Etat s’est renforcé avec les guerres, avec l’Europe, avec les banques centrales, et les dettes immondes, avec le sozial comme disait Céline. C’est le Warfare state et le Welfare State de Rothbard. Tout cela est lié à des « appétits » :
« Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits. Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’Etat et il le déteste comme le mauvais œil et une dérogation aux coutumes et aux lois. »
Nietzsche rappelle justement que l’Etat moderne a tout volé :
« Mais l’État ment dans toutes ses langues du bien et du mal ; et, dans tout ce qu’il dit, il ment – et tout ce qu’il a, il l’a volé. Tout en lui est faux ; il mord avec des dents volées, le hargneux. Même ses entrailles sont falsifiées. »
La culture de la mort, la volonté de mort sont liées à l’Etat :
« Une confusion des langues du bien et du mal – je vous donne ce signe, comme le signe de l’État. En vérité, c’est la volonté de la mort qu’indique ce signe, il appelle les prédicateurs de la mort ! Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus ! Voyez donc comme il les attire, les superflus ! »
Cette notion d’homme superflu fait penser aux mangeurs inutiles (nous tous ou presque) que les mondialistes veulent exterminer maintenant. Ils ont fait pulluler sur les plages ou devant les télés ce troupeau et maintenant ils veulent l’éliminer. Et le troupeau se laisse liquider sans regimber, surtout en occident. Il ne se sent ni très utile ni très sûr de lui-même il est vrai.
Nietzsche voit que l’Etat-providence va remplacer la Providence (à cet égard lisez l’australien Charles Pearson qui rivalise avec Nietzsche ou Tocqueville en ce roi des siècles analytiques – le dix-neuvième) :
« Certes, il vous devine, vous aussi, vainqueurs du Dieu ancien ! Le combat vous a fatigués et maintenant votre fatigue se met au service de la nouvelle idole ! »
La vie moderne devient un lent suicide – sensible au niveau des nations comme des personnes. Thoreau parle de désespoir tranquille dans Walden. Et Nietzsche :
« L’État est partout où tous absorbent des poisons, les bons et les mauvais : l’État, où tous se perdent eux-mêmes, les bons et les mauvais : l’État, où le lent suicide de tous s’appelle – « la vie ». Voyez donc ces superflus ! Ils volent les œuvres des inventeurs et les trésors des sages : ils appellent leur vol civilisation – et tout leur devient maladie et revers ! Voyez donc ces superflus ! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et appellent cela des journaux. »
C’est que ces journaux, subventionnés à 100% comme on sait…
On me reproche mon pessimisme. C’est que Nietzsche, Thoreau ou Tocqueville, ça ne date pas d’hier. Et rappelons aux distraits que Marx voulait la fin de l’Etat.
Les génies solitaires & misanthropes ne sont pas célébrés de leur vivant. Finkielkraut lui est à l’Académie.
Mais il y a une limite à tout, même au désespoir au fond du trou de l’auteur, j’aurai pu ajouter malicieusement « ukrainien ». Pour un couple endetté, elle s’appelle la Banque de France. Pour un pays endetté rempli d’oisifs socialistes post soviétiques, où l’Etat contrôle 62% de l’économie (quand l’URSS la grande sœur de la 16ème RSS qu’est la France s’effondra sur elle-même à 70% du même ratio), cela s’appelle le FMI qui taille à la serpe et à la hache dans les dépenses improductives – l’Etat quoi ses fonctionnaires et ses obligés ! Donc l’espoir c’est la faillite qui arrive à grandes enjambées sous quelques mois maximum, c’est la débâcle qui s’en suivra et ses linéaires vides de denrées comestibles. Paradoxalement, l’espoir c’est cette Étrange (et sublime) Défaite si aimée et si désirée des Français (« de souche » parce que les autres, les « de papiers » bientôt « de retour » parce qu’il faudra bien les retourner de gré ou de force d’où ils sont venus, viennent là pour le salaire sans travail). L’espoir est là dans cette sublime banqueroute (au sens physique des trois états de la matière) après l’été 1939 si chaud et si beau – pardon 2022 pour le lapsus mais c’est tout comme ! Parce qu’après c’est la guerre civile où il faut se battre chaque jour pour un sac de farine ou un rutabaga. Le litre de sans plomb ou de diesel hors végétal on oublie ! Car Michel-Edouard n’a pas une vision plus profonde que ses trois jours de non stock, son flux tendu d’éjaculateur précoce, bientôt lui aussi pointant chez les précaires et les atroces… Car une monnaie de singe est simiesque, accumulée en banque européenne comme en paradis fiscal. Ses comptes remplis de zéro seront comme les autres, nuls. Alors l’espoir renaîtra là, instantanément, dans la vie. L’on sait depuis toujours que les gens sans enfants sont désespérés parce qu’ils n’ont pas eu d’enfants et n’en ont pas voulu par nihilisme, c’est pour cela qu’ils adulent Nietzsche, leur maître à penser du fond du trou même si Zarathoustra est un authentique chef-d’œuvre. Parce que l’on sait depuis toujours que les gens qui ont des enfants se projettent mieux et plus positivement que les autres dans la vie et dans l’avenir car il grandit tous les jours comme un arbre sous leurs yeux. Les parents n’ont pas besoin d’espoir puisqu’ils ont leurs enfants, et quand il n’y a pas d’espoir il n’y a pas de désespoir. Et ces parents de nombreux enfants (moi 4) issus eux-mêmes de familles nombreuses (5, 8 et 10) industrieuses et travailleuses aussi loin que la mémoire porte (des siècles imprimés sur des arbres généalogiques) pensent et savent qu’il y a toujours eu des calamités sur cette Terre mais que celles-ci trépassent rapidement comme les tempêtes. Il n’y a donc jamais lieu de désespérer puisqu’on enterre toujours les pessimistes sous leurs sacs de ciments des pensées auto limitatives de leurs vies sans enfants. Un enfant sur les épaules du père voit l’horizon que ce dernier ne peut voir, et ainsi de suite comme les « nains juchés sur les épaules des géants » si chers à Thomas d’Aquin. Maus les nihilistes stériles continueront pourtant d’écrire pour les siècles leurs pensées nihilistes, c’est tout ce qu’ils peuvent et savent faire ou ériger – de « érection » – quand ils n’ont pu se prolonger autrement… Ce sera toujours ainsi, de ces auteurs secondaires qui font leur miel des génies créateurs – le philosophe normand ou ici par exemple – car les suiveurs plumitifs font masse et doivent pointer à la pige ! Mais pourquoi chez eux ne pas lire « Comment se suicider ? » pour écourter leurs idées noires puisqu’il m’avait semblé – me suis-je fourvoyé ? – que le Courrier des Stratèges était une publication de combat et d’espoir, d’avenir et de solutions aux crises qui se profilent comme un mur devant une voiture lancée à 200 kilomètres heures. Cette publication remplie d’intelligence géopolitique, historique et prospective a-t-elle eu un vide idéologique ou psychiatrique à combler en publiant autant de noirceur accumulée ? On – est – en – droit – de – se – po – ser – la – ques – tion.
Pour résumer mon propos : les philosophes escathologues n’ont pas d’enfants. Leur vision de l’avenir est emprisonnée par les murs de leur atelier d’écriture sans fenêtres, donc sans horizon. La pensée est limitative quand le cœur est le principal organe, plus il est peuplé d’enfants, plus il s’agrandit. Un enfant qui babille, joue dans un jardin ou s’ébroue dans une piscine, et la vision de l’avenir en est tout chamboulé.
Proverbe chinois : « L’esprit a beau faire beaucoup de chemin, il n’ira jamais aussi loin que le cœur »
Aphorisme mozartien : « Le vrai génie sans cœur est un non-sens. Car ni intelligence élevée, ni imagination, ni toutes deux ensemble ne font le génie. Amour ! Amour ! Amour ! Voilà l’âme du génie. »
Pour conclure : « le dernier homme », qu’est-ce que c’est que cette connerie ?
C’est souvent le cri de désespoir du misanthrope : « hé, les copains, j’suis tout seul ! »