L'Education Nationale est à bout de souffle. Et le coup de grâce lui est porté par un média au coeur du système macronien. La crise du recrutement a commencé il y a un peu plus de dix ans, après une réforme des concours de recrutement. Elle apparaît désormais au grand jour. C'est l'occasion de relancer la cause de la liberté scolaire, de son élargissement. Une question de vie ou de mort pour le pays.
Le coup est venu de la très macronienne chaîne d’information en continu BFMTV. Laissons de côté la question de savoir si le coup atteint le président en place, quelques jours après qu’il ait prononcé un discours devant les recteurs d’Académie rassemblés. On remarquera simplement que l’enquête a été menée dans une académie dont la rectrice est Charline Avenel, l’un des premiers recteurs à ne pas être universitaire, et surtout camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA.
De quoi s’agit-il? Une journaliste de BFMTV s’est fait passer pour une candidate à un poste d’institutrice – aujourd’hui on dit “professeur des écoles” mais ça ne fait pas venir les candidats pour autant.
Que voit-on dans cette vidéo?
- la même personne est invitée à trois entretiens.
- elle est prise, potentiellement, à l’issue des trois entretiens
- on est incapable de lui dire, quelques semaines avant la rentrée où elle serait affectée.
- On ne lui pose pas de questions sur le contenu des matières mais il s’agit de savoir si elle connaît les directives de l’Education Nationale.
- la seule formation, avant de mettre devant une classe les individus recrutés, c’est quatre jours à la fin du mois d’août.
Pour l’instant, le Ministre de l’Education Nationale Pap Ndiaye s’est contenté de nier ce dernier point, assurant que les nouveaux enseignants contractuels seraient suivis tout au long de l’année. Et qu’il y aurait “un concours pour les titulariser”.
Ce problème de recrutement est visible depuis plus de dix ans
Le reportage a ses limites (et c’est d’ailleurs ce qui est gage de son authenticité): la journaliste ne connaît pas les antécédents de son sujet. Sinon elle saurait que le problème remonte au moins à 2010. Cette année-là, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait modifié les conditions de recrutement au CAPES: jusque-là on pouvait s’y présenter avec une licence; désormais il faudrait obligatoirement un “master” avant de pouvoir se présenter. Cela avait immédiatement découragé des vocations. Mais surtout mis le doigt sur un problème jusque-là inavoué: dans plusieurs disciplines, en particulier scientifiques, il n’y avait déjà plus suffisamment de candidats et l’on admettait à l’oral (admissibilité) en-dessous de la moyenne. Voire de manière définitive.La situation n’a fait qu’empirer depuis lors.
Tous les problèmes ont commencé à remonter à la surface à cette époque, en particulier le sentiment de beaucoup de candidats potentiels qu’on allait, en rendant encore plus académique le recrutement, les préparer encore moins à affronter des classes où les élèves sont difficiles à tenir.
Or, loin de prendre le taureau par les cornes, ni François Hollande ni Emmanuel Macron ne se sont attaqués au point crucial: une Education Nationale sans enseignants n’a plus qu’à fermer boutique. Et imagine-t-on ce que pensent les personnes qui ont passé un concours d’enseignement , en plus d’un master, de voir arriver des “collègues” qui sont embauchés après un entretien de trente minutes – et avec juste une licence ?
L’échec de Jean-Michel Blanquer, le Gorbatchev de l’Education Nationale
Le plus étonnant, c’est que Jean-Michel Blanquer n’ait pas regardé le problème en face, lui qui se rêvait en nouveau Jules Ferry, refondateur de l’Ecole publique. Et qui en a été en fait le Gorbatchev!
Ce ministre star, qu’Emmanuel Macron avait pris à la droite, est arrivé en réformateur d’une administration sclérosée, avec des slogans; sa “glasnost”, c’était “l’école de la confiance”. Sa “perestroïka”, c’était le “dédoublement des classes”. En fait, rien n’a changé.
Ceux qui le connaissent savent en fait où est le problème: de Jean-Michel Blanquer comme son président, Jean-Michel Blanquer est un obsédé de la recentralisation pour résoudre la crise de l’Etat. Alors que la seule chance, pour le système, de se sauver en partie, c’est un maximum d’autonomie des établissements. La France possède de bons proviseurs et principaux de collèges. Beaucoup des professeurs, blanchis pour le harnais, ont une expérience très précieuse: il faudrait d’abord leur faire confiance pour trouver des réponses locales à une crise de l’Education Nationale qui est aussi hétérogène que les territoires français.
Mais la plus grosse faute commise par Jean-Michel Blanquer a été de limiter autant qu’il le pouvait, ce qu’on appelle le “privé hors contrat”.
Libérons l’Ecole de son blocage par “l’EducNat”
A côté de l’enseignement public, il existe, comme on sait, un “enseignement privé sous contrat”. Bien entendu, il dépend des financements que lui accorde l’Etat. Mais le seul fait que ce ne soit pas la rue de Grenelle (comme on appelle le Ministère) qui gère le système en direct lui assure une forme d’autonomie et de bonne gestion. La part d’élèves pouvant entrer dans ces établissements est limitée à 20% du total; mais comme me l’avait dit un inspecteur général il y a une quinzaine d’années: “sans ce quota, nous ne tiendrions plus rien”. Entendez: l’hémorragie hors du service public serait encore plus importante qu’elle n’est.
Dans tous les cas, le bon fonctionnement et les résultats remarquables des établissements d’enseignement supérieur privés sous contrat devraient encourager à imaginer cette autonomie des établissements dont nous parlions aussi, un peu plus haut, pour l’enseignement public. Et pourquoi ne pas introduire, pour un certain nombre des meilleurs lycées du public, situés dans les meilleurs quartiers des grandes villes, des possibilités de financement mixtes, par des fondations? Etendre ce qu’a déjà lancé à petite échelle le lycée Henri IV, qui accorde des bourses par l’intermédiaire d’un fonds de dotation?
Mais les régions moins favorisées, direz-vous, en particulier dans les villes moyennes et les campagnes? Eh bien, il faudrait accepter l’émergence d’initiatives privées – le plus souvent associatives – qui ne demandent qu’à exister, pourvu que l’Etat cesse de faire comme si la formation des jeunes Français était la seule affaire de l’Education Nationale. C’est là que Jean-Michel Blanquer s’est montré le plus jacobin, pour le pire, brimant autant qu’il le pouvait les initiatives privées “hors contrat”. Il n’est que lire les rapports de la Fondation pour l’Ecole et de la Fondation Kairos pour se rendre compte des bâtons dans les roues que met l’Etat.
Et les quartiers difficiles des métropoles et leurs banlieues, me direz-vous? C’est sans doute le type d’établissements et de milieux qui a le plus fasciné nos milieux dirigeants, ces dernières années, avec “égalité des chances”, “cordées de la réussites”, discrimination positive, “internats d’excellence” etc…Ne nous faisons pas de souci, si on remet de la liberté dans le système.
En tout cas, il faut absolument libérer l’Ecole de l’emprise mortifère d’un système centralisé sclérosé; rendre l’Ecole à la société; introduire de l’autonomie partout où c’est possible dans le système public; faire émerger des financements public/privé; faire sauter le quota qui limite le nombre d’élèves pouvant être affectés à des établissements privés; encourager le soutien, par des fondations, à ces dizaines de projets associatifs, qui pourraient devenir, demain, des centaines, et après demain, des milliers, pourvu qu’on les laisse s’épanouir et que l’on ne cherche pas à tout réglementer.
Oui, libérons l’Ecole et nous verrons que la question du recrutement des professeurs ne se posera plus!
Certes, mais l’enjeu de formatage de la jeunesse est si important pour un régime qui dérive vers le totalitarisme…
Et l’attention de beaucoup de parents est davantage focalisée sur la fonction “garderie” de l’école (comme l’explique bien Philipe Némo dans “La France malade du socialisme”) que sur les contenus et l’éveil de l’intelligence. De plus, les notes ont été adaptées à la baisse de niveau…
Certes, mais l’enjeu de formatage de la jeunesse est si important pour un régime qui dérive vers le totalitarisme…
Et l’attention de beaucoup de parents est davantage focalisée sur la fonction “garderie” de l’école (comme l’explique bien Philipe Némo dans “La France malade du socialisme”) que sur les contenus et l’éveil de l’intelligence. De plus, les notes ont été adaptées à la baisse de niveau…
La liberté, il faudra la reconquérir, elle ne viendra pas d’en haut… Peut-être que si la fonction “garderie” n’est plus assurée, les parents vont enfin réagir?
Tout a été fait pour couler l’Education Nationale et cela avec une rare constance depuis des dizaines d’années :
– Collège Unique,
– Bac explosé et abandon des maths pour certains lycéens
– Classes surchargées
– Hétérogénéité des élèves poussée à son comble ( mélange des niveaux, handicaps souvent ingérables en classe, classe à double niveaux ex CE2/CM1, aucune sanction réelle possible pour les perturbateurs, …)
– Formation des enseignants catastrophique aussi bien en IUFM, ESPE dont les Formateurs sont des universitaires ou des profs de lycées ne connaissant rien au métiers Professeurs des Ecoles qu’ils forment, contenus majoritairement sans rapport avec le métier, réforme catastrophique des Maîtres Formateurs, Auto-formation dans les classes et non acquisition d’expérience encadré …
– Absence de formation des Prof des écoles pour le niveau de la maternelle (2 semaines spécifiques en 2 ans)
– Programmes où tout est “une priorité” (donc, finalement, rien … ! ), infaisable dans le volume horaire et n’allant pas (au moins !) à l’essentiel, …
– Absence de moyens humains : Les classes sont abandonnées mais les Rectorats sont bondés d’administratifs ! Peu de moyens financiers (les classes ne tournent qu’avec les dons des parents (coopérative scolaire et fête de fin d’année)
– Salaires de misère, métier que les Enseignants “interdisent” à leurs propres enfants tellement il est épuisant ! (…30 enfants dans 40m2 pendant 6 heures )
– Remarque : On fait remarquer que les enseignants ont des “vacances”… notons qu’ils touchent moins annuellement que les autres fonctionnaires du même rang (catégorie A) … C’est comme si on avait lissé 11 mois de salaires sur l’année … Les congés des profs ne sont donc pas payés !
– Remarque 1 : Le secteur privé récupère juste la “crème” des élèves … il n’a donc aucun mérite ni aucune capacité particulière (… les enseignants du privé placés dans le public ne feraient pas mieux). Ils peuvent aussi (et ne s’en privent pas) de sortir les élèves perturbateurs …qui doivent être repris par le public ! Le privé reste juste la bouée de sauvetage des familles les plus lucides…
Non, tout ce que vous citez a été fait pour faire chier les parents concernés, et surtout les profs, enfin, ceux qui ont une haute opinion de leur métier et qui recherch(ai ?)ent l’excellence chez eux-mêmes avant tout ; quant’à l’ednat, cette machine à décérébrer les gamins qui réplique fidèlement les mécanismes de servilité et de médiocrité du capitalisme de connivence, tout particulièrement en laissant les programmes devenir d’une telle indigence (ET idiotie), tout le monde ayant encore en tête le référentiel bondissant ou le milieu aquatique profond issu de “la pensée” des trous du cul concoctant ses “programmes”) que les gamins ne sauront bientôt même plus lire tout en diligentant ses zinzinspecteurs pour que surtout les profs n’apprennent rien aux gamins – qu’elle crève comme elle a vécu, comme une merde (mais elle le fera sans aucun doute avec les doigts sur la couture du pantalon – vu l’époque, reste à savoir celui de qui ;-p)
Apparemment, F. di Vizio conduit une évolution avec son association et a déjà signé au moins un contrat avec une commune (pour les locaux) afin de créer des écoles hors-contrat qui tiennent bien la route – c’est notable, puisque lui au moins fait quelque chose.
De toutes façons, le salut des gamins ne pourra venir que de telles initiatives, le mammouth roulant sur la jante depuis 50 ans ne pourra que tenter de lui pourrir la vie, seule chose qu’il sache bien faire, mais cette fois-ci, il aura affaire à forte partie, qui plus est, juridique. Les choses promettent donc de prendre un tour “intéressant”, FDV étant du genre à exposer en plein centre de la place publique tout en faisant du foin ce que le mammouth voudrait tenir discret, tout en sortant les crocs et les assignations.
Tant mieux si Di Vizio crée des écoles libres. Mais cela fait longtemps que de telles initiatives existent. Voir la Fondation pour l’Ecole et la Fondation Kairos.
Je me demandais si les fameuses classes dédoublées (environ 13 élèves par classe) dans les zones REP d’éducation prioritaire n’étaient pas la cause de la pénurie de 4000 instituteurs/professeurs pour la rentrée 2022/23.
A la lecture de cet article, je crois que oui. Plus de 10 000 classes dédoublées en 2017 (!!) et la SNUIP qui s’inquiète du peu de recrutements de professeurs en affirmant “le personnel utile aux classes dédoublées est pris ailleurs” sous entendu, on déshabille les classes dites “normales” pour permettre aux classes d’enfants immigrés d’apprendre le français (car les familles le constatent d’elles mêmes, les enfants qui réussissent à l’école, sont ceux dont les familles les aident à faire leurs devoirs). Et vu que de nombreux immigrés sont quasi analphabètes (déjà dans leur pays d’origine, et qu’ils le restent chez nous) je comprends que nos politiciens immigrationnistes misent tout le budget sur les zones d’éducation prioritaire.
https://www.lemonde.fr/blog/luipresident/2022/04/24/education-dedoublement-des-classes-cp-et-ce1-promesse-tenue-au-bilan-mitige/
Vu le niveau de chômage actuel, les salaires proposés aux enseignants, le fait qu’ils ne peuvent choisir leur affectation (qui se fait à l’ancienneté), il est évident qu’un recrutement à bac+5 ne peut pas fonctionner. Même avec une vocation, la tentation du privé doit être évidente. Cela revient à embaucher des ingénieurs uniquement pour être professeur de physique …