Quelques lignes de Nicolas Bonnal pour rendre compte du vrai Godard, très loin des mièvreries de la bien-pensance qui se déversent depuis ce matin.
Godard pour moi n’a existé que dans les années soixante, au temps de la splendeur de Bardot, de Belmondo, de Marina Vlady. On vit à l’heure de la Conquête du cool décrit par Frank, et Godard incarne à la fois une révolte formelle – qui a totalement disparu depuis du cinéma – et politique, une révolte proche dans l’esprit de celle des situationnistes. En quelques films il remet en cause la réalité de la France bourgeoise, consumériste et gaulliste – et ne propose rien. Quand il va proposer quelque chose (la Chine maoïste, les Black Panthers, etc.), il va sombrer. Parvulesco confirmé par Antoine de Baecque me disait que dans sa jeunesse il était d’extrême-droite Godard, comme pas mal de cinéastes de cette époque étonnante ; et que lui Parvulesco lui servait de gourou. D’où l’extraordinaire interview de Melville grimé en Parvulesco dans A bout de souffle. L’homme a tout perdu, notamment par rapport à la femme en Amérique woke : tel est le message rigolard du maître goliard que je n’ai jamais contesté. Quel dommage qu’on ait perdu le cinéma de Hawks et de Hitch au passage (voyez mes livres).
La caméra prophétique de Godard
Aucune envie de polémiquer. Je rappellerai donc que :
- Dans A bout de souffle, Godard montre (et dénonce sans doute sans le vouloir) l’américanisation en profondeur et en surface de la France. La France est déjà un pays englouti par l’américanisation, peut-être plus que d’autres (d’où sans doute ce très inutile antiaméricanisme qui nous marque tous). La belle américaine mène notre voyou franchouillard à la mort (comme aujourd’hui ils nous remmènent à l’abattoir – on y a pris goût).
- Dans Alphaville Godard annonce le nazisme numérique de la Commission de Bruxelles. C’est la victoire du professeur Von Braun et de la machine. On a tant écrit sur ce sujet – pour rien encore…
- Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Godard filme l’horreur des banlieues et des HLM. Le grand remplacement a déjà eu lieu et il est dans les têtes et les paysages. Relire Virilio et mon texte sur ce très grand auteur, repris par son éditeur Galilée.
- Dans le Petit soldat Godard fait un film d’extrême-droite, peut-être le seul du cinéma français. C’est sur la guerre d’Algérie. Allez voir.
- Dans le Mépris, Godard lamente avec le thème sublime de Delerue la fin du cinéma, la Fin des dieux (il cite Hölderlin et nous montre Fritz Lang), et la fin de la Méditerranée. Le touriste va remplacer les héros odysséens. La crise du couple nous bassine un peu plus.
D’autres films pourraient être cités de cette extraordinaire époque anarchiste de droite, comme les Carabiniers, qui avaient enchanté Polanski. Finissons avec Hölderlin : « les dieux existent peut-être, mais au-dessus- de nos têtes, et dans un autre monde ».
Melville valait 1 000X mieux que Godard, du moins ses films; justement pour leur américanisme revendiqué. Godard était pénible et un goujat de première, paix à son âme. AMHA les Suisses qui pensent ce n’est jamais bon. De cette vague j’admire Louis Malle et l’œuvre de François Truffaut qui a très bien remis Godard à sa place, par écrit. Truffaut, mort trop tôt me rappelle Apostrophes de Bernard Pivot. De mémoire Polanski avait chahuté Truffaut malade dans un numéro d’Apostrophes.