Dans l’affaire Covid, on a sûrement déjà oublié que la solidarité entre pays de l’Union européenne n’avait jamais vraiment existé, et pas plus en 2021 qu’en 2020 : les Etats-membres se crêpaient alors joyeusement le chignon pour récupérer sur le tarmac de leurs aéroports des masques et autres dispositifs médicaux, envoyés par des pays extraeuropéens, comme Cuba, la Russie (c’était une autre époque), ou encore la Chine, auprès de qui la France s’était dès février 2020 dédaigneusement allégée de ce qu’il lui restait de ses stocks de masques stratégiques, non renouvelés par Marisol Touraine (sous François Hollande).
Sur l’énergie, même division.
La Commission européenne a d’ailleurs fini par écarter cette semaine tout plafonnement des prix du gaz russe au profit d’une « taxation » des superprofits des majors pétrolières et d’un « plan de sobriété énergétique » pour l’hiver prochain. En réalité Ursula joue sur les mots, puisqu’il s’agira d’une « contribution » et non d’une taxation. Quelle est la différence, me direz-vous ? La contribution peut être adoptée à la majorité qualifiée (15 Etats représentant au moins 65% de la population de l’UE), alors que tout nouveau dispositif fiscal requiert l’unanimité des 27…
Cette décision intervient alors que la plus importante société importatrice de gaz en Allemagne (UNIPER) vient d’être nationalisée après une gamelle de 92% en bourse. Cette opération intervient quelques mois à peine après la nationalisation d’EDF. Le groupe TotalEnergies paiera, quant à lui, 30 Mds $ d’impôts et de taxes à la production dans le monde en 2022, contre 6 en 2020 et 16 en 2021. Et si on revenait au capitalisme, au vrai ?
Le chiffre de la semaine
Le 10-ans US à plus de 3,5%
En raison de la politique de resserrement monétaire des banquiers centraux de la FED (+75 pb encore cette semaine), le marché obligataire américain se tend comme une arbalète et l’inversion de la courbe des taux expliquée dans cet article se confirme : le 10-ans US (c’est-à-dire le titre de dette publique américain d’échéance 10 ans) est monté à 3,53% à l’heure où nous rédigeons ces lignes et le 2-ans US, normalement moins risqué donc moins rentable pour les investisseurs, titille déjà les 4% ! C’est le signe que la récession s’installe confortablement outre-Atlantique, tandis que l’inflation n’y faiblit pas. Bienvenus en stagflation ! De là à penser que c’est ce qui a fait fuir le Robinette Biden qui a déclaré en marge d’un salon : « Pandemic is over », il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas…
La déclaration de la semaine
« Nous demandons aux banques de revoir leurs prévisions en matière de fonds propres, avant un hiver sans doute difficile. » Andria Enria (BCE)
Lors d’une conférence cette semaine, la BCE a de nouveau appelé les banques à se préparer à une crise économique, dans un contexte où, pourtant, de nouvelles hausses de taux directeurs vont survenir dans les prochains mois pour lutter contre l’inflation et donc redonner aux banques commerciales un peu d’oxygène. Mais la contraction désormais inéluctable de l’économie européenne et l’envolée des prix de l’énergie risquent toutefois de les pénaliser fortement.
Avec un relèvement de ses taux directeurs de 125 points de base au total en moins de deux mois et avant encore au moins deux hausses d’ici la fin de l’année, la BCE s’engage donc dans le cycle de resserrement le plus rapide de son histoire. Consciente néanmoins de ce que la crise de 2008 n’a pas réellement permis – pardonnez cette litote – de renforcer la résilience bancaire sur le continent (toujours pas de séparation entre activités d’investissement et de dépôt depuis que Mitterrand les a fusionnées, ratios dette sur fonds propres deux fois moins élevés qu’aux USA, etc.), la BCE a dépêché Andria Enria, président de son Conseil de surveillance prudentielle, pour inciter les établissements de crédit de la zone euro à renforcer d’urgence leurs fonds propres, prétextant de la situation en Ukraine qui a décidément aussi bon dos que le Covid pour tenter de réinitialiser des pans entiers de l’économie.
L’actif de la semaine
Devises : le cas complexe du yuan chinois
Une conviction se fait jour : le yuan sera de plus en plus utilisé comme levier pour repousser les risques économiques liés aux sorties de capitaux et au lourd fardeau de la dette. La récente chute du yuan par rapport au dollar a donc de quoi surprendre, d’autant que l’excédent commercial de la Chine (+500 Mds $ annuels depuis la pandémie) continue de crever le plafond là où celui de la zone euro enfonce plutôt le plancher.
Alors que l’essentiel de l’aide américaine a consisté à soutenir l’emploi et le consommateur, la Chine, elle, n’a pas monétisé le Covid et s’est concentrée sur le secteur des entreprises d’État exportatrices. La mondialisation étant toujours en marche dans l’Empire du Milieu et les salaires y restant très compétitifs, les gains dans le secteur des exportations l’ont emporté sur les pertes subies par les ménages et, moyennant une dette raisonnable, ont soutenu la croissance du PIB en ces temps troublés. La chute actuelle de la monnaie chinoise reflète donc à présent la triple répression subie par les ménages : financière, du fait de la priorité absolue donnée aux entreprises du PCC ; sociale, à travers une politique Zéro-Covid vouée à l’échec ; résidentielle, avec la grave crise immobilière qui met aujourd’hui en péril le remboursement de la dette.
Monnaie d’arrimage des autres devises asiatiques (notamment d’Asie du Sud-Est), le yuan, déjà en partie numérique sous la forme d’un prototype d’e-yuan testé sur la bagatelle de 140 millions de Chinois, apparaît donc comme un objet économique complexe mais incontournable, dont nous nous efforcerons de décrypter le devenir et l’avenir au fil des semaines.
Retrouvez nos dossiers bimensuels de sécession patrimoniale dans la boutique :
- le N°1 consacré aux différentes classes d’actifs pour traverser la stagflation
- le N°2 sur l’or-investissement
- le N°3 sur les métaux blancs
- le N°4 sur les matières premières
- le N°5 sur l’art-investissement.
Le N°6, à paraître le 25/09, portera sur l’investissement dans les PME-PMI.
Sources : ZoneBourse, Ouest France,
Proximus annus erit horribilis et pas seulement l’hiver qui lui engendrera un nombre effrayant de morts.
Dans les années 40 les paysans auvergnats disaient en bon français : « L’hiver, les vieux, ça les balancent ».
Cette phrase avec son accent et son prononcé lent m’est restée.
Que furent durs ces années de guerre mais elle était la nôtre avec cette bien faible lueur qu’au bout une victoire serait peut-être nôtre alors que celle que nous vivons actuellement ne le sera jamais à moins que les Russes ne comprennent l’immense besoin des peuples européens d’être libérés.
Rêvons, l’espoir même maigre fait vivre.
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Erratum de l’auteur. Lire : « ratios dette sur fonds propres deux fois moins élevés aux USA » et non « qu’aux USA »
Jean Gabin et la destruction de la France :
https://nicolasbonnal.wordpress.com/2022/09/24/retour-sur-cette-image-apocalyptique-et-digne-de-baudrillard-jean-gabin-retrouve-sarcelles-et-cest-devenu-new-york-lamerique-nous-mene-a-labattoir-numerique-economi/
En Russie, le modèle que vous enviez, vous n’aurez même pas le droit de manifester….
Je n’envie pas du tout la société russe, sauf peut-être au plan sociétaire, et encore le système des mères porteuses y est légal je crois. Je constate seulement au plan économique, mon domaine, que les sanctions antiPoutine sont des sanctions antiUE et le déplore. Cordialement
Si les sanctions ne servaient à rien alors les russes ne diraient pas « levez les sanctions, levez les sanctions, levez les sanctions ».
Leur système économique est à genoux.
Ils puissent dans leurs économies pour faire croire que c’est sans effet mais il faut surtout pas abandonner maintenant.
Quand à l’effet sur l’Europe.
Ok l’Allemagne en dépendant à 80% du gaz russe on fait une erreur stratégique.
Ok la Suisse est dépendant de l’électricité produite en France avec le nucléaire et en Allemagne avec le gaz russe et ils vont sûrement avoir des coupures.
Maintenant en France la gaz russe c’est 17% de notre consommation et on le remplace par du gaz algérien.
Notre parc nucléaire était en maintenance cet été mais ils sera à nouveau disponible pour l’hiver.
Alors il y a une solidarité européenne, on va dire pour nous c’est ok donc importe ce qui se passe en Allemagne ou en Pologne.
Mais ça reste leurs mauvais choix, on va les aider sans mettre à défaut nos besoins.
Quand le commerce est perturbé, c’est certain que tous les partis en pâtissent.
Le truc est de savoir quel est le camp, qui va tomber en premier.
Les russes, ne cherchent pas à conquérir l’Europe, cela parait plus que probable…
Il paraît logique, de leur part, qu’il propose que cela s’arrête au plus vite.
Vous avez peut-être raison sur l’état de leur économie, mais la notre ?
Une chose est sûre, ce sont les gagnants d’une guerre, qui écrivent l’Histoire.
Qui vivra verra.
De grâce, un peu d’humilité, ne nuit pas.
Tu dis « Les russes ne cherchent pas à conquérir l’Europe ».
Mais la finalité ils font de l’annexion de territoire !
Donc il arrêter les bêtises et voir la réalité des faits.
S’ils juste pour des problèmes autres alors ils doivent revenir aux frontières de 2014 une fois le problème réglé.
Tu dis « Il parait logique de leur part qu’il proposent que cela s’arrête au plus vite. »
Ont-ils rempli les objectifs de cette guerre ?
Deux choses l’une, où ils ont rempli les objectifs et retournent en Russie où alors c’est une défaite pour eux et ils retournent quand même en Russie.
Là ils disent « on ne peut pas progresser plus donc fixe les frontières sur la base des positions actuelles et on remet ça dans 8 ans quand on a renforcé l’armée »
A la place de Zelensky tu accepterais ça toi ?
Notre économie est bonne, le chômage n’a pas été aussi bas depuis 30 ans les signaux sont verts chez nous.
L’inflation c’est du à la guerre en Europe , la surconsommation de certains et sûrement de la spéculation de d’autre…
L’état fait des aides sur le gaz et le carburant, on peut juger de l’efficacité mais ça coute une fortune au gouvernement qui peut se le permettre.
Les gagnants écrivent l’histoire c’était vrai à l’antiquité.
Maintenance tous les pays du monde ont des avis.
L’humilité franchement ça n’existe pas ici donc pas la peine de le demander à moi.
Surtout que franchement je pense humblement que mon analyse est juste.
Bonjour
Je crains que votre analyse soit faussée par un profond optimisme.
La France n aura pas le gaz algérien c est l italie qui l aura.
La France s est engagée à fournir du gaz aux allemands, environ 10 %. Compte de la stratégie des dernières années sur edf (je ne rentre pas dans le detail), et la fermeture des centrales nucléaires, il nous manquait environ 13 % sur nos besoins energetiques en temps normal. Donc 10+13 = 23% c est ce qui va nous manquera cet hivers.
Au fait l allemagne devrait nous fournir de l electricite contre notre gaz. Je n y crois pas mais savez vous que leur électricité est fournie avec…. des centrales à charbon!
Ils serviront d abord les allemands, ce que je comprend, mais les choix idéologiques de nos élites me laissent perplexes
Si la France aura 60% de plus de gaz algérien (qui représenté autour de 8% de nos importations de gaz).
Puis on a aussi 4 terminaux méthanier qui importe depuis les USA du gaz liquéfié.
Donc pour la France c’est bon.
C’est pour ça qu’on se permet d’en redonner à l’Allemagne.
On a fermé qu’une centrale Fessenheim qui est une centrale ancienne de moins bon rendement, sa part de production était de 2,88% et non 13% !
De plus du gaz et de l’électricité c’est pas tout à fait pareil.
Nos centrales répondent à nos besoins mais le problème c’est que les centrales nucléaires sont longue à monté en puissance et ne savent gérer les pics de consommation.
C’est là qu’on brule du gaz ou du charbon pour faire de l’électricité (produit pas l’Allemagne comme tu le soulignes) et passer le pic.
Ce qu’on va faire cette année c’est régler les centrales pour produire plus et exporter l’excédant et quand il y a un pic couper l’exportation.
C’est surtout la Suisse extérieur à l’UE et dépendante de l’électricité produit par la France et l’Allemagne qui a craindre pour des coupures…
La dernière option est de demander aux entreprises qui consomment le plus de réduire la voilure lors des pics.
Tous les soirs à la télé une météo de l’électricité pour savoir ce que le téléphage aura le droit de consommer (rien à part du BFM apparemment) : https://nicolasbonnal.wordpress.com/2022/09/25/le-programme-hivernal-tele-tous-les-soirs-on-pourra-savoir-ce-quon-a-le-droit-de-consommer-et-de-chauffer-rien-sur-les-responsabilites-et-les-causes-cest-trop-intello-pour-eux-la-queue-devan/
Un Salomon de l’énergie? Bien trouvé…
Ils ont aimé le feuilleton Covid, ils vont adorer celui sur l’énergie…