A Saint-Jean-de-Luz comme ailleurs, la mort, c’est triste. Surtout donnée intentionnellement. Surtout à une enseignante. Surtout par un lycéen. C’est triste et – je le rappellerai, au risque de passer une fois de plus pour un monstre – ce n’est pas un événement historique.
En 2020, on nous expliquait qu’il est scandaleux que des nonagénaires cancéreux finissent par passer l’arme à gauche – parfois en toussant, ce qui semblait, conformément à la théorie du rôle pathogène des virus, impliquer la responsabilité d’un énigmatique propagateur. J’ai alors été parmi les premiers à faire remarquer que – abstraction faite de la Grande Réinitialisation venue se greffer là-dessus – cette évolution pathologique de l’inconscient collectif ne datait pas de mars 2020, mais constituait le produit logique d’un monde où la société n’est plus qu’une collection d’individus.
Dans la vie de chacun de ces individus désincarcérés de l’Histoire, il n’existe plus qu’un seul événement, qu’un seul avenir : sa mort – qui se reflète bien sûr dans toutes les autres morts survenant entre le moment où il devient conscient et le moment du décès.
A Saint-Jean-de-Luz, le Spectacle rejoint l’individu
D’où la tolérance zéro – qui, curieusement, est un autre nom des « 5 minutes de célébrité » dont parlait Woody Allen : comme plus aucune mort n’est tolérable, toute mort (et même toute pénibilité) devient un événement historique. Et le discours public n’est plus qu’une immense plateforme de voyeurisme collectif. Sans parler de l’acte de gouvernement, désormais réduit à l’acte de compassion : Pap Ndiaye, organisant (comme Poutine pour le Donbass) des minutes de silence nationales suite à un fait divers.
Voyeurisme, au demeurant, assorti d’une dose de messianisme. Il y a toujours un prophète pour nous expliquer en quoi un fait divers dont le XIXe siècle était parfaitement coutumier constitue en réalité le signal faible d’un tsunami aussi climatique que l’inflation ou le racisme.
En l’occurrence, après le geste tragique et probablement dément d’un lycéen du Pays basque, c’est le réactionnaire professionnel Kevin Bossuet qui vient dénoncer l’influence des jeux vidéo. Cervantès, a priori, aurait plutôt incriminé les romans de chevalerie – sauf qu’à l’époque, tout le monde était bien conscient du caractère comique – ou, tout du moins, fictionnel – du Quichotte.
A l’époque, ça s’appelait : culture occidentale. Trois siècles et quelques plus tard, on ressent la tentation de recourir à un vocabulaire plus technique : décompensation collective.
“Après l’Histoire”
Comme le décrivait Philippe Muray il y a plus de vingt ans.
Oui, là on est en plein dedans.
Kevin bossuet, quelle purge! Pire que ça je ne vois qu’Elisabeth levy. Pire que les jeux ???? video il y a l’infodivertissement par volaille de basse cour, en boucle. ????????
Quart d’heure de célébrité
Cher Modeste,
Je crois que nous sommes redevable de l’expression relative au quart d’heure de célébrité “warholien” à Andy Warhol et non à Woody Allen…
Ceci n’enlève rien à la qualité de votre intervention bien sûr.
Eric Z
Bien vu, merci.
Saura-t-on jamais si c’est un crime passionnel avec circonstances atténuantes?
Encore une scénette de théâtre lycéen qui aurait mal tourné?
Ce qui est parlant (et lassant), c’est aussi la propension à pondre une nouvelle loi à chaque fait divers.
Faut comprendre: la passion de ces gens-là, c’est l’impression. Alors, la numérisation du fric, ça doit être frustrant. Donc ils passent à l’inflation législative…