Aux Etats-Unis, les Républicains viennent de destituer Kevin McCarthy, le président de la Chambre jugé trop favorable et complaisant avec Joe Biden. Ce “vote historique”, pour reprendre la presse américaine, pose la question d’un éventuel impeachment à la française. Si Macron devait être destitué, quels manquements sérieux et opposables judiciairement pourraient lui être opposés par les parlementaires ? Eric Verhaeghe et Edouard Husson répondent chacun à la question.
Et si la France décidait de pratiquer un impeachment comme aux USA ? Nous avons déjà évoqué l’influence américaine que Nicolas Sarkozy a reprise à son compte en se faisant le passeur de la destitution, adoptée par une réforme constitutionnelle de 2007. En supposant que cette innovation juridique de moins en moins récente soit mise en œuvre, quels motifs la Cour de Justice pourrait-elle retenir pour justifier la destitution du Président ?
Eric Verhaeghe : de l’importance du sérieux en politique
Premier point, selon moi : il faut que cette démarche soit organisée sérieusement pour ne pas être un leurre qui discrédite l’opposition et qui renforce Macron, in fine. L’actuel Président a très bien assimilé la théorie du Nudge, et il connaît tous les tours pour fourvoyer ses opposants dans des démarches chronophages qui sont, dans le meilleur cas, inutiles et qui le renforcent au besoin en montrant qu’il a le monopole du sérieux et du savoir.
Donc, si l’on veut initier un impeachment à la française, ce que l’article 68 de la Constitution permet sous condition, il faut respecter cette Constitution scrupuleusement, c’est-à-dire dire, préciser, expliquer, les manquements que l’on reproche à Macron. Tout appel à la destitution de Macron qui ne respecterait pas cette étape fondamentale relève de l’amusement public, de la distraction, du divertissement destiné à renforcer le parti présidentiel dans cette conviction qu’il a le monopole du sens des responsabilités.
Or, que peut-on reprocher à Macron aujourd’hui ? Quels manquements commis durant son mandat actuel légitimeraient une procédure de destitution ?
La procédure est sérieuse, car juridiquement on ne peut pas faire n’importe quoi sans violer de façon inquiétante l’état de droit.
Lui reproche-t-on la vente d’Alstom ou de quelques joyaux de la couronne ? C’est évidemment très tentant. Nul autre que lui n’a autant bradé les intérêts de la France, dans un cynisme purement intéressé. Le problème est que ces faits ont été commis comme ministre de l’Économie et, sauf à se guignoliser, on ne peut guère imaginer destituer un Président pour des comportements qui datent de sa vie antérieure.
Lui reproche-t-on la gestion de la crise du COVID et, par exemple, la volonté affichée “d’emmerder les non-vaccinés” ? Là encore, les faits sont survenus durant son premier mandat. En 2022, Macron a été réélu régulièrement. Sauf à confondre les rumeurs sans preuve avec la réalité, on ne peut ici lui reprocher des faits que le peuple a, au fond, validés. Juridiquement il faut donc trouver une autre solution. Et c’est bien le problème de la destitution : si on ne veut pas qu’elle tourne au ridicule, il faut préciser les manquements commis par le Président durant son mandat actuel.
Sans cet élément de preuve, la campagne pour la destitution ne servira à rien d’autre qu’à crucifier pour longtemps le désir d’impeachment qui peut s’emparer des Français.
Edouard Husson : destituer Macron ? Mais qui le remplacerait ?
Le Général de Gaulle avait proposé une pratique simple de la Ve République. Elle repose sur la confiance entre le président élu et le peuple français. Le Général n’a pas trompé son monde. En 1969, désavoué lors d’un référendum, il a quitté le pouvoir avec dignité.
Ses successeurs n’ont pas eu ce courage. Ils ont par exemple inventé la cohabitation. Le président ne vérifie pas si la perte des législatives parle parti qui le soutenaient est un désaveu de sa personne. Il préside tandis que gouverne une majorité opposée.
Quand on était arrivé à la situation absurde où Jacques Chirac se retrouva cinq ans en cohabitation avec un Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, le système eut l’idée du quinquennat. Mais on voit bien que le raccourcissement du mandat présidentiel n’est pas la solution non plus : en 2022 Emmanuel Macron n’a pas obtenu de majorité présidentielle, malgré sa réélection.
Alors on comprend la séduction qu’exerce l’idée de la destitution.
Cependant, lisons bien la procédure :
La loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution précise les conditions de mise en œuvre de la procédure de destitution :
- adoption, par l’Assemblée nationale ou par le Sénat, à la majorité des deux tiers de leurs membres, d’une proposition de réunion du Parlement en Haute Cour. La proposition de résolution doit être motivée et signée par au moins un dixième des membres de l’assemblée dont elle est issue ;
- la proposition est alors transmise à l’autre assemblée qui doit se prononcer dans les quinze jours. Si elle n’adopte pas la proposition, la procédure est alors terminée ;
- si la proposition est adoptée, la Haute Cour, présidée par le président de l’Assemblée nationale, doit se prononcer dans un délai d’un mois.
La majorité des deux tiers des membres de la Haute Cour est nécessaire pour prononcer la destitution du Président
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En admettant qu’il y ait des arguments solides pour destituer le président en place – Eric Verhaeghe vous montre, dans le cas de Macron que c’est plus compliqué que cela n’en a l’air – il faut une majorité des deux tiers dans les deux assemblées. Or l’Assemblée Nationale a une majorité relative macroniste, qui peut se transformer en majorité absolue avec les LR.
Pour que le centre-gauche et le centre droit votent la destitution, il faudrait qu’ils aient un candidat de remplacement, qui les rassurât. Et qu’ils puissent pousser lors de l’élection présidentielle suivante. Autant dire que cela obtiendrait le contraire du résultat attendu : puisque cela reviendrait à décider une nouvelle fois à la place des Français.
En réalité, on ne voit pas d’autre solution que de nouvelles élections législatives et présidentielles. Y pousser Macron serait plus efficace – et moins risqué politiquement – qu’une procédure de destitution.
Et le point de vue du Pape, qui aurait pu voir, compatissant, un de ses enfants qui s’est fait voler sa crise d’adolescence dans une pièce de Théatre?
Pour trouver une voire plusieurs bonnes raisons juridiques de destitution, ça n’est pas aux citoyens ni à une poignée d’intellectuels d’affirmer sans fondement ni fait que cela est possible !
Il faut des d’avocats et juristes de toute sorte solides et sérieux et reconnus pour plancher sur ce sujet.
Des enquêteurs privés sérieux cherchant des repentis de l’entourage du président possédant des preuves, cela existe, encore faut il aller le chercher … Enfin, organiser une VRAIE enquête avec de VRAIS professionnels.
Oui, je sais, il faut soit un gros budget soit trouver des personnes intègres … des personnes comment ?
INTÈGRES
Il est navrant de lire que « Macron a été élu régulièrement » alors qu’il a profité du déclenchement de la guerre d’Ukraine » pour ne pas faire le bilan de son premier quinquennat, bilan que madame le Pen n’a pas abordé lors du débat entre 2 tours. ( est elle médiocre ou complice ? ) Nous observons que c’est un président legal mais illégitime. De ce fait la France n’est pas gouvernée ou est ingouvernable. En attendant Macron garde toute sa capacité de nuisance et sape méthodiquement la nation française. Il fait tout pour déclencher une crise financière pour achever le pays.
Le vrai problème est que depuis une vingtaine d’années nous sommes passés dans un régime post démocratique, un régime mediacratique, que le Pr Husson appelle le fascisme gris. Puisque l’information détermine l’action, ceux qui contrôlent les médias créent la réalité cognitive et peuvent déterminer le résultat des votes. Il faut remettre en question les subventions à la presse et le fait qu’elle appartient aux oligarques.
Il faut ajouter deux innovations récentes:
– l’inégalité de fait de temps de parole entre les candidats
– la curieuse redistribution de parrainages par Bayrou
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »
Sénèque.
https://youtu.be/vYKGShJxYuQ
Excellent, Il faut inclure monsieur Sénéque sur la liste des européennes !!
Oui, et derrière les difficultés, quelques avantages:
– La valeur symbolique de la procédure qui sera forcément très médiatisée. Les motions de censure récentes avaient également une probabilité très faible d’aboutir; il n’empêche que, si elles n’avaient pas eu lieu, les 49-3 passaient sans aucune vague.
– La publication de certains méfaits et trahisons du président, même s’ils ne sont pas juridiquement retenus. Beaucoup de Français ignorent de quoi est capable celui qui les gouverne.
Je suis surpris par le renvoi de Kevin Mac Carthy, alors qu’il a initié la procédure de destitution de Biden et qu’il a refusé d’adopter le projet de budget tant qu’il contenait un soutien financier pour l’Ukraine …
Cela montre que pour la majorité des élus républicains il n’est pas allé assez vite ou assez loin !
Voilà du sport en perspective pour les mois qui viennent !!!
Comme le dit Eric Verhaeghe, la quasi-totalité de ce qui est reproché à Emmanuel Macron date d’avant sa réélection.
A la liste on aurait pu ajouter la signature du pacte de Marrakech, le comportement indigne en public, la désastreuse politique étrangère analysée hier par Jacques Myard… Mais c’est trop tard.
A nous de tenir à jour maintenant la liste des trahisons survenues depuis mai 2022…
Les nouvelles trahisons de MacRon ne sauraient tarder !
La dévolution de souveraineté à l’Europe, sans l’aval de ses mandants, nous, pour financer une guerre, pardon voler au secours de l’Ukraine, un pays qui ne nous est rien – sommes-nous liés à l’Ukraine par des traités?
Et le trucage du depouillement du deuxième tour des dernières présidentielles ? Ça compterait ?
Une enquête parlementaire sur la sincérité des résultats minute par minute et la traçabilité des résultats remontés au fur et à mesure de la soirée électorale, c’est envisageable ?
Le genre de délire qui nous ridiculise, malheureusement. Avez-vous le moindre début de preuve à l’appui de cette rumeur que vous faites courir ?
Il y a au moins 2 plaintes déposées à la CEDH, avec des arguments solides qui nécessiteraient une enquête sérieuse.
Là encore, arrêtons de dire tout et n’importe quoi. Être résistant veut dire être sérieux. La CEDH n’est pas compétente en matière de destitution. Et déposer deux plaintes… tout le monde peut le faire. Sont-elles considérées comme recevables ? Se laisser embourber dans la confusion des “plaintes déposées”, du “tout est dans tout et tout se vaut”, nous amène à l’échec et au gaspillage de l’énergie. De grâce, secouez le joug de l’opposition suscitée par Macron qui se joue de vous et de votre sincérité.
????
Cher Eric,
Merci de nous refroidir les “délires” qui nous pourraient nous discréditer.
Cependant je ne fais courir aucune rumeur. Si c’en fut une, elle a couru très vite dès le lendemain du scrutin. Et la façon dont elle a été démentie, par la seule voie de presse de média mainstream, qui tous invoquèrent une erreur technique sans plus de précision, est un peu courte. Circulez, il n’y a rien à voir.
Si on remet en perspective toutes les incuries passées de Macron ou de ses équipes, et que l’on considère l’alignement de ce florilège édifiant avec ce qui est considéré comme une rumeur, le doute peut subsister légitimement dans le coeur des citoyens.
Avant une enquête parlementaire, une contre-enquête d’un media indépendant sur la nature de l’erreur technique ne serait pas de trop. Le diable se cache dans les détails. Et un peu de détail sur la dite erreur technique serait de nature à enterrer la rumeur définitivement et rétablir l’assurance de la SINCERITE.
Car au final, c’est bien sur ce terrain que la classe politique et les élites nous enfument et embourbent la France: le manque de sincérité à tous les étages. Mais c’est une vertu,… ce qui ouvre un autre débat.
Ceci étant, un grand merci Eric pour le travail remarquable du Courrier des Stratèges !
Encore une fois l’analyse rigoureuse ( et même rigoriste mais qui veut la fin se donne les moyens ) d’Eric ainsi que l’éclairage cristallin d’Edouard me conviennent en contemplation du débat sur la faisabilité de la destitution et donc de son opportunité si l’objectif est de faire place nette à l’Elysee…et d’en « finir » (?) avec la main mise de la Caste . Mais ici Vaste problématique !
Par contre, je serai vraiment très reconnaissant à nos deux têtes pensantes -Éric et Édouard- de s’épancher , au moins d’un iota !, sur le dossier infra ….qui, en dépit du sérieux de l’étude et que revendique justement Éric, n’a pas l’heur de retenir intérêt et discussion.
Je le publie et republie x fois depuis des années…en vain ! Serait-il trop provocateur ?
https://fr.irefeurope.org/featured/article/indemnites-indues-des-membres-du-conseil-constitutionnel-le-respect-la-lumiere-et-la-verite/
https://fr.irefeurope.org/publications/articles/article/chaque-membre-du-conseil-constitutionnel-touche-indument-100-000-euros-par-an-depuis-20-ans/