L’armée française vient de passer une bien étrange commande qui soulève de nombreux murmures dans les rangs. Il est en effet prévu qu’elle s’équipe de “mules”, c’est-à-dire de petits engins de transport automatisés, pour limiter les pertes au Sahel, dans le cadre de l’opération Barkhane. Mais son choix s’est porté sur un prestataire israélien, plutôt que français. Cette stratégie d’achat public soulève des questions, notamment sur son éventuelle signification (géo)politique.
L’armée française sera en partie équipée, pour ses opérations à risque, par un prestataire israélien. C’est ce que révèle le magazine Challenges. Dans un récent appel d’offres lancé par la nouvelle Agence d’Innovation et de Défense, entité de la Direction Générale de l’Armement, c’est le prestataire israélien Roboteam qui a remporté le morceau au détriment de fournisseurs français.
En l’espèce, l’armée passe commande de plusieurs robots terrestres du modèle Probot, pour un montant de plus d’un million d’euros. Ces engins permettent de porter des charges sur un champ de bataille sans exposer de vie humaine. Roboteam a été préféré à des noms prestigieux comme Safran ou Nexter. Pourquoi ? Challenges livre une explication intéressante :
Lors des tests d’octobre, CNIM et son partenaire Milrem obtiennent la meilleure note technique (17 sur 20). Le tandem Nexter-Shark et l’israélien Roboteam (robot Probot) récoltent la note de 13 sur 20. Pourtant, c’est bien l’industriel israélien qui finit premier dans l’évaluation de l’AID, devant dans l’ordre, CNIM-Milrem, Nexter-Shark (robot Barakuda), et le tandem Arquus-ISL (robot Stamina Aurochs). Un miracle ? Pas vraiment. Pour remporter la mise, Roboteam a tout simplement cassé les prix… obtenant 20 sur 20 sur ce critère.”Là où un Probot est en général facturé 230.000 euros, ils ont proposé un prix de 50.000 euros par engin”, assure un industriel, évoquant un “dumping scandaleux”. Selon deux sources interrogées par Challenges, pour proposer ce prix canon, quatre fois inférieur aux autres offres, Roboteam aurait tout simplement vendu… des robots de seconde main, présentés lors de salons d’armement.
Challenges fait remarquer que Roboteam “avait notamment levé 50 millions de dollars auprès du fonds sino-singapourien Fenghe Fund, dirigé par John Wu, ancien directeur technique du géant chinois Alibaba. “Attribuer le contrat à un groupe israélien qui fabrique aux Etats-Unis, et qui est financé par des fonds chinois, c’est une belle définition de l’innovation, tacle un industriel. C’est consternant.”
Voilà une politique d’achat qui illustre les désagréments de l’innovation à la française.