Une analyse minutieuse de la sociologie du vote révèle des points essentiels que le conflit des mythologies (la France « de toujours » pour le Rassemblement National, le « progrès » et la « civilisation » pour le bloc macro-mélenchoniste) occulte largement : dans la pratique, l’enjeu des élections législatives n’est pas celui qu’on croit (l’extrême droite contre le reste du monde), mais bien celui d’une guerre de caste. Le Rassemblement National est en effet plus que jamais le parti du prolétariat, face au bloc bourgeois qui tente de la bloquer par tous les moyens. La lutte des castes a commencé !
Selon la légende officielle, les forces républicaines, attachées aux Lumières, à la démocratie, à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, s’unissent pour faire barrage au fascisme. L’excuse de cet ostracisme, de ce bannissement qui vise à exclure du pouvoir un bon tiers de la population française, droit sortie d’un narratif à la Mc Kinsey, est toute trouvée pour barricader le pouvoir entre les mains de ceux qui le détiennent de façon ininterrompue depuis plusieurs décennies et sont bien décidés à ne pas le lâcher. Mais ce qui n’est pas dit, évidemment, c’est que l’antagonisme entre le bloc macro-mélenchoniste (qui joue du clairon humaniste pour garder le pouvoir) et le Rassemblement National n’a que peu de choses à voir avec ce combat historique des Lumières contre l’obscurantisme.
Comme nous le montrons ci-dessous, l’antagonisme procède d’abord d’une bonne logique marxienne à l’ancienne, ripolinée à la sauce CNR. Officiellement, la Résistance combat la Collaboration. Dans la pratique, c’est plutôt l’inverse : la bourgeoisie se crispe et cherche tous les prétextes pour conserver le pouvoir après avoir favorisé la servitude volontaire pendant plusieurs décennies en transformant artificiellement le Rassemblement National en annexe de la Gestapo.
Ne nous y trompons : dans la dialectique sociale profonde qui est à l’oeuvre, le prolétariat contemporain se trouve bien du côté du Rassemblement National, et la bourgeoisie du côté de tous ceux qui revendiquent des valeurs de gauche. Et ce narratif n’est pas seulement affaire d’opportunisme : nous montrerons demain comment le programme du nouveau Front Populaire est un instrument anti-concurrentiel entre les mains du grand capital mondialisé. A commencer par la forte augmentation du SMIC, qui ne pénalisera pas les grandes entreprises transnationales et affectera principalement les petites entreprises captives sur le marché français.
Ce contenu est réservé aux abonnés
Pour profiter pleinement de l'ensemble de nos contenus, nous vous proposons de découvrir nos offres d'abonnement.
Cette analyse correspond assez bien à celle de Jérôme Sainte-Marie qui distingue le bloc élitaire et le Bloc populaire
On parle actuellement beaucoup de barrages: barrage contre l’extrême droite barrage contre l’extrême gauche.
Je pense qu’il y a une donnée dont on parle assez peu dans les médias et qui est le rejet voire la détestation voire la haine d’Emmanuel Macron. C’est le sentiment qui anime une grande majorité d’électeurs et dont on ne sait pas comment il se traduira dans les urnes.
Merci pour cet article, je ne voyais pas les choses sous cet angle que je trouve éclairant. Le résultat des élections à Paris est assez parlant, un concentré de bourgeoisie qui vote Front Populaire. Et les événements politiques en cours illustrent les propos de l’article.
Pour certains comme moi
L’Ukraine et l’OTAN, l’Europe de la hyène
Le transgenre le sexe à la maternelle les
réseaux pedo la culture de gauche et tout les excès wok sont des raisons principales
pour voter Rn en attente du frexit
Entièrement d’accord avec vous et votre analyse par les chiffres met bien en évidence ce que chacun pense intuitivement. Je suis un profil atypique (retraitée, financièrement à l’aise, plutôt heureuse, que certains qualifieraient de « complotiste », etc.), mais je suis dans l’incapacité de voter Macron ou NFP, que je rejette autant l’un que l’autre. Tout n’est donc pas joué 🙂
Très belle analyse : ce qui compte c’est le niveau de satisfaction de sa propre vie. Plus je suis satisfait de mon confort, plus j’oeuvre pour le conserver en faisant de l’argent quoiqu’il en coûte aux autres, et en étant radin.
Marx appelle ces gens-là les « petits bourgeois » et les condamne à mort sans procès. Car un vrai bourgeois, habile en affaire et habile à créer de la valeur pour ses clients est par nature généreux. Le marché libre est par essence le distributeur du revenu généré à chacun selon son mérite.
Le commerce règlementé ressemble à une caricature du moyen âge, chacun derrière ses douves et forteresses, favorable à l’émergence de la guerre contre les dits menteurs.
Chacun vote en fonction de son porte monnaie, ceux qui n’ont rien, ou rien d’autre que leur force de travail et les yeux pour pleurer lorsque l’heure de la retraite arrive ( CaD 67 ou 70 ans) ne risquent rien en votant pour Melenchon, tandis qu’avec les autres , tous les autres, ils sont condamnés d’avance…
Ainsi s’exprimait Christophe Guilluy, interrogé par Le Figaro, le 21/01/2023, cité par FDESOUCHE :
« …Contrairement à ce qu’on pense la diabolisation ne vise pas prioritairement ce qu’on appelle « l’extrême droite ». Tout cela n’est que du spectacle. Le principal objet de la diabolisation est de délégitimer le diagnostic solide et rationnel des gens ordinaires ; un diagnostic parfaitement incompatible avec les intérêts des classes supérieures. Cette diabolisation permet au pouvoir de se maintenir sans projet, si ce n’est celui de gérer le chaos. Mais tout cela reste très fragile. Aujourd’hui le narratif dominant ne convainc plus que les bénéficiaires du modèle et une majorité de retraités. La réalité est qu’aujourd’hui la majorité ordinaire est le seul ensemble socioculturel cohérent, le seul socle sur lequel on puisse reconstruire un dessein politique commun. Autonome, sûre d’elle-même, affranchi du clivage gauche-droite et de la tutelle des syndicats ou des partis, la majorité ordinaire, c’est-à-dire la société elle-même, est engagée dans un mouvement existentiel. Ce n’est pas seulement son pouvoir d’achat qui est en jeu mais son être. Il ne manque qu’une étincelle pour qu’elle s’exprime dans la rue ou dans les urnes. Ce n’est qu’une question de temps. »