La suppression de 4.000 postes d’enseignants au budget de l’Education Nationale pour 2025 n’a pas tardé à susciter les foudres de toutes les oppositions de papier. Mais bien entendu qu’il vaut mieux plus d’enseignants que moins… On connaît la litanie. Nous vous expliquons aujourd’hui pourquoi elle est largement trompeuse.
Selon une logique étatiste bien établie, les problèmes de l’Education Nationale sont forcément des problèmes de moyens, et non d’organisation ou de qualité de l’enseignement. Pour améliorer le niveau éducatif, il suffit de recruter plus d’enseignants, et tous les problèmes disparaîtront…
Quelle est en fait la corrélation réelle entre les moyens de l’éducation et le niveau des élèves ?
Voilà un sujet complexe, nuancé, que certains ont la tentation d’éluder en le réduisant à la question des moyens. De notre point de vue, le niveau des élèves dépend de nombreux autres paramètres :
- la qualité des programmes et des “contenus” d’enseignement
- les méthodes d’enseignement et leur adaptation aux élèves et à leurs besoins
- la capacité de chaque établissement à construire l’équipe éducative la plus performante et la plus dynamique
Tout ceci dépasse largement la question dogmatique des moyens.
Mieux vaut-il de nombreux enseignants chargés d’enseigner de mauvais programmes, ou de mauvais contenus, ou bien moins d’enseignants en charge de contenus de qualité ?
Cette question pose évidemment une autre question : celle de la pertinence de “programmes” nationaux dont on mesure chaque jour les limites.
S’agissant du système éducatif français, on ajoutera que le statut de la fonction publique prévoit le recrutement des enseignants à vie, donc pour au moins 40 ans de vie professionnelle, voire plus. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer une adaptation simple et opérationnelle à l’évolution rapide des besoins de formation initiale : l’Education Nationale emploie encore un nombre important de professeurs de russe, d’allemand, de latin, de grec, qu’elle continue à payer même si le nombre d’élèves dans ces filières a très fortement diminué.
Face à ces difficultés structurelles, on comprend progressivement que le métier d’enseignant pose une question de sens et devient de moins en moins attractif. Pour toutes ces raisons, chaque année, l’Education Nationale ne parvient pas à pourvoir 4.000 postes dans ses concours.
C’est à peu près le nombre d’emplois supprimés par le budget 2025.
De là à dire que cette décision n’aura aucun impact sur le niveau scolaire… Nous n’en sommes pas très loin, en tout cas…
Le Courrier des Stratèges
Pensez par vous-même
Plus de 36000 fonctionnaires de ” l éducation nationale” ne voit pas d élèves: il y a donc de la marge
“l’Education Nationale emploie encore un nombre important de professeurs de russe, d’allemand, de latin, de grec, qu’elle continue à payer même si le nombre d’élèves dans ces filières a très fortement diminué.”
Que sous-entendez-vous ? Qu’il faut renoncer à ces matières ?
La baisse de niveau générale est en partie liée à leur disparition progressive.
Les deux autres causes principales sont, à mon avis, la sur-notation (que tout professeur finit par pratiquer tôt ou tard, pris dans l’étau d’une hiérarchie qui recommande la “bienveillance” et de parents râleurs qui se fichent du réel niveau de leur progéniture tant qu’elle a de bonnes notes) et les problèmes de discipline (le fameux “pas de vague” ; on exige de l’enseignant qu’il tienne sa classe, mais on remet en cause la moindre punition).
Le manque de moyens n’arrange pas les choses car il rend le métier peu attractif : manque de photocopieurs et quotas de photocopies, manque de salles (ce qui complique les emplois du temps), manque d’enseignants (ce qui amène à mobiliser des professeurs de collège pour faire passer les épreuves orales de baccalauréat au lycée).
Bonjour Éric, Edouard,
Vous écrivez “De notre point de vue, le niveau des élèves dépend de nombreux autres paramètres”.
A mon avis de prof, ces paramètres cités jouent peu en réalité. Les effets générationnels et ethnoculturels surdéterminent la question de l’instruction publique. Et aussi parfois des réformes de crotte comme celle d’un tout récent ministre de l’EN soucieux de draguer la droite pour les européennes. La résistance des syndicats sur certains points de microgestion n’est pas absurde.
Ensuite, bien sûr, un PB de l’en est que la macro et la micro gestion sont forcément très liées.
Cordialement