Progressivement, la société de la fête décrite par Philippe Muray cède la place à la société de la peur. Entre les arrivées massives de migrants qui se fixent ensuite aux portes de nos villes, dans d'infâmes bidonvilles, et la propagation des épidémies incontrôlables comme celle du coronavirus, la peur, les peurs, sont partout, jusqu'à constituer le ciment de notre vivre ensemble.
Comment avons-nous pu passer aussi vite d’une société de la fête à une société de la peur ? En l’espace de vingt ans, la France est passée de la célébration de l’an 2000 (souvenons-nous de l’éclipse totale de soleil de 1999!) où l’avenir semblait nous appartenir à l’angoisse d’un grand « collapse » qui résonne comme les chevaliers de l’Apocalypse.
L’actualité tout entière est dominée (de façon plus ou moins intéressée d’ailleurs), par la peur.
La société de la peur triomphe
On découvre ce soir que le président Erdogan se propose d’exporter des dizaines de milliers, peut-être un million de réfugiés installés en Turquie vers l’Europe. Chacun sait que cette décision n’est rien d’autre qu’un marchandage pour obtenir des crédits de l’Union. Mais la perspective d’une nouvelle arrivée massive de migrant fait frémir, surtout que, cette fois, la France devrait être leur destination privilégiée.
Parallèlement, l’épidémie de coronavirus vide littéralement les rayons des grandes surfaces. Les Français s’attendent au pire et s’approvisionnent comme s’ils préparaient une guerre. Et que dire des places boursières mondiales qui subissent la correction de marchés paniqués par la maladie et ses effets sur la Chine.
Toutes ces péripéties s’intègrent dans la grande angoisse thunbergienne d’un collapse généralisé de la planète. Et après tout, si l’espèce humaine finissait par disparaître, France comprise ! à force de trop consommer, de trop gaspiller, de dériver dans des comportements déviants qui ne rapportent que tristesse et maladie ?
On est bien loin de l’optimisme béat des années 60, et même, dans une certaine mesure, des années 70.
La société de la fête disparaît
Philippe Muray avait parfaitement dessiné cette société dominée par les soixante-huitards dans la fleur de l’âge, où tout devait être fête et divertissement, jouissance ininterrompue. Il est vrai que la chute du mur de Berlin a inauguré la croyance très temporaire d’une fin de l’histoire. Au fond, la grande dialectique du capital et du travail était exténuée, à bout de souffle. Elle pouvait céder la place à une société qui avait atteint le nirvana et pouvait enfin se consacrer à ses joies.
Il est désormais impossible d’ouvrir un poste de radio ou de télévision sans constater la disparition de ce monde-là. Était-il de bon ton de « nocer » ? de faire la fête, par exemple avec des midinettes qui rêvaient d’être riches et célèbres ? Les affaires Matzneff, Polanski, Griveaux, et quelques autres maintenant, ont mis un terme définitif à la nostalgie de ces années fauves où tous les plaisirs étaient permis, même lorsqu’ils étaient interdits.
Désormais, les fêtes sont très encadrées, placées sous surveillance. Il faut y montrer patte blanche, et prouver que tous les plaisirs qu’on y trouve sont respectueux des règles bourgeoises en vigueur.
La fin de la rationalité, la victoire de l’émotion
À dire vrai, la société de la fête portait en elle les germes de ces angoisses. Car c’est avec la société de la peur que la raison a perdu la bataille des idées, et que les émotions l’ont gagnée.
Il suffit de fureter sur les réseaux sociaux pour comprendre combien l’émotion gouverne désormais nos sociétés à la place de cette espèce de froideur cérébrale que les élites avaient imposée. Et cette émotion est celle de l’animal humain qui cherche dans la nature des paradigmes de sa propre animalité.
Ainsi, il n’existe pas sur les réseaux sociaux d’images plus prisées que celle de petits chats espiègles ou de chiens fidèles à leurs maîtres. Bien plus que la froide politique, l’amour des animaux est devenu un credo, un mode de vie, qui va jusqu’à subordonner la première au second. Les élections municipales devraient confirmer, d’ailleurs, la permanence d’un parti animaliste dont le programme consiste à abolir la souffrance animale.
C’est un signe des temps. La souffrance humaine intéresse désormais beaucoup moins que la souffrance des animaux, à commencer par celle de nos animaux domestiques. Le sentiment d’appartenance à la nature, les devoirs que cette appartenance impose, ont balayé les vieilles opinions sur la construction politique d’un monde meilleur, qui n’intéresse plus grand monde.
Il faudra voir combien de temps tout cela tient. Combien de temps faudra-t-il pour que les peurs qui s’emparent des esprits et des gouvernements engendrent un régime de terreur où les libertés seront abolies ?
Car c’est bien ce qui est en germe dans les sociétés de la peur : tout y sera sujet à angoisse, à commencer par le sujet essentiel, notre propre liberté. Qu’y a-t-il de plus dangereux pour l’homme, que l’homme lui-même, avec sa faculté de choix et sa liberté d’expression ? Ces valeurs-là devraient être prochainement balayées au profit d’un ordre naturel où la place qui nous sera assignée sera forcément silencieuse.
Muray… un pamphlétaire gauchiste repenti, quelque peu copiste, dont il est plus court de lire ses maîtres, Nietzsche ou Montesquieu par exemple.
Ce qui retient l’attention dans l’article : « Et après tout, si l’espèce humaine finissait par disparaître, France comprise ! à force de trop consommer, de trop gaspiller, de dériver dans des comportements déviants qui ne rapportent que tristesse et maladie ? ».
La mutation du monde s’accélère prodigieusement, un des vecteurs étant la démographie qui prend systématiquement les spécialistes à revers de leurs pronostics foireux.
Dans ce monde désormais rétréci, le paradoxe est de constater le refus du progrès, qui effectivement s’exprime par une peur irrationnelle. Notre civilisation, plus que tout autre, rêve d’immortalité et entretien un rapport à la mort des plus distants. Les croyances ou les religions ayant un temps canalisé cette peur, la rationalisant en quelque sorte.
Le mystère non résolu est celui de l’avènement de la vie et la fin d’icelle, c’est la peur primaire, cette interrogation ayant forgées nos civilisations.
Dans une société techniciste, qui ne résout rien, le doute s’efface devant la pseudo certitude scientifique et ne laisse aucune place à l’imaginaire, ce qui induit une peur du réel, un refus d’animalité, l’humain en est à lutter pour sa survie oubliant de vivre simplement.
Les sciences sont ainsi devenues l’Alpha et l’Oméga de nos sociétés, tout est mis en coupe, l’économie impose ses dictas, allant jusqu’à définir qui est pauvre et qui ne l’est pas au dollar près, Economicus a pour dieu l’argent son valhalla étant un transhumanisme.
De ceci découle une vision totalitaire du monde, l’humain se veut utile et projette un futur duquel il est absent, nous en venons au nanar cinématographique de Steven Spielberg « AI » qui, abstraction faite de son traitement, contient dans son déroulé et sa conclusion un futur plus que possible pour l’humain, c’est une fable intéressante en bien des points (1) et ((2).
(1) AI débute dans un monde aseptisé, une famille vivant dans une banlieue ultra chic aux résidents connectés, roulants en automobiles électriques sur des autoroutes bordées par des hologrammes qui projettent un fond doucereux. La mort est toujours d’actualité mais elle peut être comblée par des robots de remplacement, le fils malade étant ainsi cryogénisé et remplacé par un robot.
La science permettant de soigner le fils, ce dernier revient à la vie et la mère se débarrasse du robot. L’abandon du robot est similaire à celui d’un chien en bordure d’autoroute. Le film bascule alors dans un autre monde, fait de fureur, d’inculture, de violence, dans lequel tente de survivre l’essentiel de la population. La fin saute plusieurs siècles et révèle que la race humaine s’est prolongée dans des machines, des robots que l’on devine stériles, possédant une technologie avancée.
J’invite à regarder le nanar AI avec un autre oeil que celui de la distraction cinématographique, le traitement est mauvais et poussif (la quette de la fée bleue notamment), mais l’ensemble est troublant de similitudes avec notre époque .
Gilets jaunes, luttes de castes (pas de classes !), PMA, transhumanisme, monde sans empathie ou l’humain n’est plus qu’un vague rouage en route vers son immortalité faite d’une âme programmée ou transférée dans une machine.
(2) Spielberg a mal vécu l’accueil de ce film, les spectateurs n’ayant vu qu’un disneyland. Il a depuis récidivé avec Ready Player One qui, hélas pour lui, a été reçu comme un jeu vidéo…
Non à la dictature des émotions qui occupent l’espace et le temps et, faute de mieux devant l’indigence de la pensée et de l’offre de tous nos politiciens médiocres et dépassés , tiennent lieu de guide et remplacent – pour combien de temps encore? en attendant un sursaut salutaire auquel je crois encore- les idéologies effondrées ( le communisme) ou contestées ( le libéralisme). Si émergeaient des politiciens compétents économiquement, courageux, pédagogues et non démagogues, porteurs de valeurs de liberté retrouvée et responsable, capables d’offrir autre chose que le recours à un État totalitaire chaque jour un peu plus, créateurs de rentes pour seulement ceux qui prétendent agir au nom de l’intérêt général, alors que Tartuffes semi conscients, ils se servent d’abord eux mêmes, s’ils avaient le courage et les capacités a redéfinir les contours uniquement régaliens de l’Etat dont nous avons besoin……. alors là peut être nos vies seraient ré-enchantées et la presse servirait moins la soupe aux collapsologues de malheur qui pourrissent la marche en avant saine et lucide de nos sociétés.