Le Préfet Lallement est de longue date critiqué pour sa gestion musclée de l'ordre. C'est d'ailleurs pour cette raison que Christophe Castaner l'avait recruté à Paris. Mais va-t-il trop loin dans les instructions qu'il donne, et viole-t-il les règles de la démocratie ? C'est ce que prétendraient des officiers supérieurs de la gendarmerie.
Selon Mediapart, cela pourrait chauffer pour le Préfet Lallement, accusé par des officiers supérieurs de la gendarmerie de trop gestapoter les manifestants. Les gradés auraient mis le Préfet en cause auprès du ministre de l’Intérieur après une réunion de septembre 2019, tenue à la Préfecture, où le Préfet aurait donné des ordres illégaux. En particulier, le Préfet inviterait les cadres de la police à “impacter” les manifestants, c’est-à-dire à leur “rentrer dans le lard” pour rendre l’art de manifester extrêmement désagréable.
Le préfet Lallement en délicatesse avec la loi
Au coeur de cette polémique, la hiérarchie militaire reproche au préfet de banaliser à tout propos la stratégie de l’encagement ou de la nasse.
« L’encagement ou la nasse, précise une source proche du dossier, se font souvent en fin de manifestation pour procéder notamment à des interpellations. Il s’agit de fixer c’est-à-dire immobiliser dans un lieu, une rue ou une place fermée et quadrillée par des policiers. Mais ainsi qu’il est précisé dans le document de la gendarmerie nationale, « il convient dans toute opération de maintien de l’ordre de laisser une échappatoire à l’adversaire. » Or, selon le modus operandi du préfet, les manifestants sont parqués, « encagés » sans issue et les grenades de gaz lacrymogène y sont souvent massivement utilisées.
Autrement dit, l’encagement, qui est contraire aux textes réglementaires, serait utilisé à outrance par le préfet Lallement pour briser les manifestations. Il mettrait en danger les manifestants eux-mêmes.
Sur ce point, un témoignage datant du 15 octobre 2019, jour de la mobilisation des pompiers, en dit long sur l’inquiétude des troupes face aux ordres de leur chef :
À la suite de la mobilisation des pompiers, du 15 octobre 2019, à Paris, un capitaine en charge d’un escadron de gendarmerie mobile (près de 70 hommes) rend compte des opérations : alors que les manifestants sont sur le pont de la Concorde et demandent « calmement de pouvoir quitter les lieux », écrit-il, ils se retrouvent bloqués d’un côté par les gendarmes et de l’autre par une unité de police, « qui plus est avec usage de gaz lacrymogène ».
Sans aucune possibilité de pouvoir s’extraire « certains individus commencent à enjamber la rambarde du pont pour contourner le barrage se mettant ainsi en danger au dessus-de la Seine ».
Finalement, pour « éviter un accident », le chef d’escadron désobéit aux ordres du préfet : il décide d’« escorter [les manifestants] jusqu’au métro ». Un choix dicté par le fait que « l’objectif tactique » initial avait « provoqué une dégradation de la situation », les manifestants « étant enfermés sans aucune issue ». De plus, « l’usage de gaz » avait eu l’effet « logique et prévisible de faire monter la tension alors même que le dialogue était établi. »
Des chefs d’escadron qui désobéissent à leur préfet pour sauver la vie de manifestants… Le constat est bien sombre sur l’état de nos forces de police, et sur les recrutements de Christophe Castaner.