Stéphane Bourhis alerte sur les risques de voir Strasbourg perdre son statut de capitale européenne, à l'occasion du confinement. Pour la France de Macron, un nouveau mauvais coup se profile : le déménagement définitif du Parlement européen à Bruxelles.
par Stéphane Bourhis
Stéphane Bourhis est consultant en communication et réseaux d'influence
L’action conjointe du Coronavirus asiatique et de l’ainsi dénommée « technique du voleur chinois » pourrait-elle encore affaiblir le siège du Parlement Européen à Strasbourg ? La question mérite d’être encore une fois posée. Le nombre de sessions strasbourgeoises diminuant drastiquement cette année en raison de la pandémie, certains rêvent de faire de cette exception une règle et de priver encore un peu la capitale alsacienne de ses prérogatives.
Strasbourg, ville symbole ?
Strasbourg tenait son rôle, il y a quelques années, du fait de son statut symbole, de l’amitié franco-allemande et d’une fidélité à l’esprit des pères fondateurs. Aujourd’hui, les générations passant, les liens se sont déliés, les fidélités s’estompent et des aspects pratiques remettent en cause l’attractivité même de Strasbourg.
Aspects pratiques ? De nombreux députés dénoncent, sessions après sessions, le dumping du prix des chambres d’hôtel. Les parlementaires germanophones ont, eux, depuis longtemps, trouvé une solution en fréquentant les hôtels d’outre-Rhin, établissements estimés concurrentiels en termes de prix, certes, mais aussi de services.
De l’attractivité au Coronavirus
Les assistants, eux, réinventaient des « auberges » espagnoles en sous louant des appartements d’amis à Strasbourg ou en partageant des biens AirBnB à plusieurs.
Aspects pratiques encore ? L’accessibilité de Strasbourg est, petit à petit, apparue comme complexe, insuffisante, pour les parlementaires les plus éloignés. A tel point, au final, que l’aéroport de Francfort est presque devenu, avec ses services de navettes, le plus gros atout de la capitale alsacienne. Le dernier ?
On répondra que la desserte TGV de la capitale alsacienne, sa proximité avec les lignes ICE pourraient compenser. Tout cela n’est qu’en partie vrai. Contre Strasbourg, les attaques sont permanentes ; les mini-sessions bruxelloises prennent de l’importance. Un front commun, mélange de positionnements environnementaux et budgétaires se met en place pour demander le siège unique… à Bruxelles ! La riposte nécessaire, incarnée par une « Task Force » alsacienne, tiendra-t-elle longtemps ?
Dans les faits, Strasbourg tient naturellement par les traités. Le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiennent les douze périodes de sessions plénières annuelles, y compris la session budgétaire. La décision d’Edimbourg du 12 décembre 1992 et les conclusions de la Présidence ne laissent, par leur formulation, aucune place au doute.
Ne laissaient jusque-là aucun doute. La pandémie de Coronavirus qui frappait l’Europe et notamment l’Alsace a rouvert une brèche. Brèche constituée d’abord de la délocalisation puis de l’annulation des sessions strasbourgeoises.
Dès le 5 mars, le Président du Parlement Européen, faisant écho à la peur de parlementaires européens d’être confinés à Strasbourg, relocalisait la session à Bruxelles. L’eurodéputé néerlandais écologiste Bas Eickhout, avait lancé les premières banderilles à l’attention du président français Emmanuel Macro, en s’interrogeant sur Twitter : « Les Français vont-ils insister pour que l’on ait 12 sessions à Strasbourg par an et par conséquent, il y aura beaucoup de sessions à Strasbourg cet automne, ou vont-ils nous laisser tranquilles ? ».
Une capitale confinée
« Tout au long de l’année, la majorité des travaux parlementaires se déroule en Belgique. Beaucoup de mes collègues habitent dans la capitale belge et certains sont devenus hermétiques aux allers-retours Strasbourg-Bruxelles. Ils mettent en avant le coût (180 millions d’euros annuels), la cause écologique et, désormais, par opportunisme, l’argument sanitaire » précisait Anne Sander, alsacienne et eurodéputée LR au Parisien.
Une confirmation, un constat… du lent déshabillage de Strasbourg, conforté par le report des sessions alsaciennes jusqu’à l’automne. Un affaiblissement dont la résistance tient désormais plus au respect des traités qu’à l’engagement fluctuant des parlementaires français.
Entre le « off » et le « on », les paroles pour soutenir Strasbourg sont parfois différentes, la pandémie actuelle devenant l’alliée objective des anti-Strasbourg au cœur d’une Europe qui peine à s’incarner à un moment où elle devrait le faire.
Entre virus et voleur chinois, Strasbourg est bien, une fois de plus, attaquée et plus que jamais confinée.
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Il aurait fallu faire de Strasbourg une capitale européenne extraterritoriale dès 1946 et ne pas torpiller le projet d’université européenne à Strasbourg comme l’a fait le gouvernement français. Mais l’Etat français a toujours craint les velléités autonomistes de l’Alsace et a eu tendance à les amalgamer avec l’extrême droite voire le nazisme. Durant toute ma carrière dans l’administration française, j’ai toujours entendu critiquer le droit local, pourtant réduit à portion congrue. Dommage, car Strasbourg est vraiment une capitale européenne