Longtemps, les élus locaux ont reproché à Macron son arrogance et son manque de considération très jacobin pour les territoires. Mais, avec le COVID 19 et la crise de la consommation qui frappe le pays changent la donne en profondeur. Désormais, Macron est en position de force pour obtenir d’importantes concessions de la part de ces élus chahuteurs. 2022 se présente beaucoup mieux sous cet angle.
Chacun se souvient des dégâts politiques dans le monde des élus locaux causé par le lapin qu’Emmanuel Macron leur avait posé au Congrès des Maires de 2018, quelques jours avant que n’éclate la contestation des Gilets Jaunes. Ce moment a lancé une longue course-poursuite où Macron a maladroitement tenté de “rattraper le coup”, notamment avec un Grand Débat bidon qui n’a rien apporté au pays et n’a pas vraiment cassé l’image très jacobine du Président de la République. L’effondrement d’En Marche aux municipales a montré que le parti présidentiel était fondamentalement fâché avec la politique locale. Mais le Président, grâce au confinement, dispose d’une arme pour renverser la vapeur. Et cette arme pourrait bien modifier fondamentalement la donne.
Ces 5 milliards dont les élus locaux ont besoin
Il faut aller (curieusement) sur le site gouvernemental vie-publique.fr pour le comprendre. En plein coeur de l’été, un article tout à fait intéressant y recense le manque à gagner fiscal des collectivités du fait du coronavirus et de l’effondrement de l’activité économique qui s’en est suivi. Ces chiffres officiels annoncent, en l’état, une perte avérée de 5,2 milliards € sur les recettes fiscales locales. L’addition devrait se monter à 7,3 milliards en fin d’année.
Ramené à un calcul par habitant, cette somme représente un prélèvement d’environ 100 € par Français. Voilà une somme minime en comparaison des impôts globaux qui pèsent sur les contribuables, mais qui représente tout de même 400 € à trouver pour une famille avec deux enfants.
Par les temps qui courent… ce genre de besoin n’est pas si facile à combler. Il l’est d’autant moins que Macron a promis de ne pas augmenter les impôts (promesse dans laquelle seuls quelques imbéciles, au demeurant, croient encore). Les élus locaux risquent donc de se retrouver en première ligne pour récupérer le manque à gagner, au prix de l’impopularité qui colle à tous ceux qui augmentent les impôts en temps de crise. À l’approche des élections régionales, la perspective ne les ravit pas.
Pour le projet de loi de finances 2021, le rapport recommande de nouvelles interventions de l'État en faveur des collectivités locales : reconduction de la garantie de ressources créée pour les collectivités du bloc communal ; suivi de la situation financière des autorités organisatrices de transport ; création d'une clause de sauvegarde pour les départements ; octroi aux régions d'une compensation de leurs recettes fiscales.
Rapport Cazeneuve Tweet
Les élus locaux demandent à Macron de payer la note
Sur toutes ces questions, un député En Marche du Gers, Jean-René Cazeneuve, a rendu public un rapport, fin juillet, qui détaille par le menu les pertes “poste par poste” des collectivités, et propose une solution globale pour réparer les dégâts : faire payer l’État. Selon ce député de la majorité, l’État devrait garantir aux collectivités les sommes qui n’ont pas été perçues.
Ben voyons ! pourquoi, tant qu’on y est, ne pas appliquer un principe simple : les impôts ne doivent jamais baisser, pas plus que les dépenses publiques… “Quoiqu’il en coûte”, comme disait Macron.
En tout cas, la revendication de ce député gersois, accessoirement conseiller municipal d’Auch, arrange bien le président Macron. S’il cherchait un puissant moyen de faire pression sur des élus turbulents trop turbulents, l’arme lui est désormais offerte sur un plateau. Pas de soutien, pas de compensation des recettes…
Où l’on découvre que les élus locaux ont besoin d’automobilistes qui polluent
Il faut lire le détail du rapport pour comprendre l’extrême dépendance des finances locales à certains comportements que menacent les écologistes. Jean-René Cazeneuve pointe plusieurs pertes de recettes qui sont particulièrement édifiantes de ce point de vue.
Ainsi, le confinement a provoqué une chute de la consommation de carburant qui va créer quelques trous dans les caisses locales. Selon Cazeneuve, l’impact sera de 15% sur les recettes habituellement perçues sur cette ligne par les collectivités. Soit environ 1,5 milliard en moins pour les collectivités dans l’année, puisqu’une partie de la taxe sur les carburants est cédée aux collectivités.
Incidemment, l’on comprend que peu d’élus locaux “ruraux” manifestent une appétence pour les revendications écologistes. La mobilité douce, comme disent les khmers verts, se traduirait en effet par d’importantes pertes sèches pour eux. C’est particulièrement vrai pour les régions et les départements qui perçoivent 12 milliards de taxe sur le carburant chaque année…
Jean-René Cazeneuve, un député discret, inconnu, riche, influent
Personne ou presque n’a jamais entendu parler de Jean-René Cazeneuve. Cet ancien directeur commercial de Bouygues Telecom est parti en 2017 avec un chèque de plus de 700.000 € nets. Il dispose d’une particularité importante : il est le papa de Marguerite Cazeneuve, spécialiste des retraites auprès d’Emmanuel Macron, à l’Élysée. Voilà une jolie façon d’avoir accès au Président de la République…
Où l’on découvre que les élus locaux aiment la consommation d’électricité
Autre découverte amusante : les élus locaux pleurent la diminution de la consommation électrique pendant le confinement. Cazeneuve estime que les recettes liées à la taxe locale sur la consommation finale d’électricité (TLCFE) devraient baisser de 5%. En termes de volume, l’opération est moins gênante que la baisse de consommation de carburant, puisque cette taxe rapporte seulement 2,5 milliards par an aux collectivités., répartis à peu près équitablement entre les communes, les syndicats intercommunaux et les départements. Il n’en reste pas moins que, même minimes, les recettes apportées par la consommation d’électricité illustrent les réticences que la fiscalité locale, vieillissante, créent dans les collectivités vis-à-vis des changements de comportement prônés par les écologistes.
On aurait donc tort (nous l’avons déjà écrit) de croire qu’il existe une poussée écologique dans les communes. L’écologie est limitée aux métropoles. Le monde rural, le monde des petites villes, a structurellement besoin de la consommation et des comportements polluants pour financer son train de vie.
Macron tient les élus locaux entre ses mains
Face à l’incapacité des élus locaux à baisser les dépenses publiques, le Président dispose donc d’une arme redoutable entre les mains. Leur allouer ou non les 7 milliards qu’ils demandent. On comprend la manoeuvre : l’argent européen (que nous avons déjà dépensé 10 fois) pourrait très bien servir à aider les copains sur le terrain, en l’échange de quelques menus et discrets services. Par exemple, ils pourraient faciliter la propagande macronienne au détriment des autres candidats.
Cet appoint pourrait être déterminant pour deux opérations fondamentales. La première est d’ouvrir les vannes des parrainages. La prolifération de petits candidats permet en effet de grignoter les voix des challengers et favorise mécaniquement le président sortant. Les initiés se souviennent ici des instructions passées quelques jours avant les clôtures de dépôt de parrainage pour permettre à plusieurs candidats en difficulté de déposer leur candidatures. Ce genre d’opération ne fonctionne que si l’on dispose d’un réseau local de fidèles ou d’obligés, ce qui n’est pas le cas, aujourd’hui, de la République En Marche.
Une deuxième opération consiste à ruiner les candidatures “molles”, en l’espèce celles de Xavier Bertrand, de François Baroin ou de quelques personnalités de gauche. Monnayer un “blocus” sur ces candidats en échange d’un coup de pouce financier peut être si tentant…