La crise du coronavirus révèle avec une terrible acuité cinq maux français qui handicapent le pays dans la gestion des opérations épidémiologiques. Ces cinq maux semblent paralyser les importants moyens dont les services publics, et singulièrement les élites publiques, disposent pour enrayer la propagation de la maladie et protéger la population contre le virus.
De la gestion de crise à laquelle nous assistons ahuris et sidérés par autant d’incapacités et d’échecs, on retiendra 5 maux majeurs qui sont les fléaux fondamentaux, essentiels, premiers, de nos services publics, commandés par une élite dont l’incompétence apparaît désormais au grand jour.
Le premier des maux français : l’absence de vision
On l’a dit et répété de nombreuses fois : l’hypothèse d’une pandémie d’un virus causant des troubles respiratoires est mise sur la table depuis longtemps par l’ensemble des services de prospective du monde entier. Dès 2003, une sommité mondiale comme Didier Raoult en avait avancé l’hypothèse.
La première vague de SRAS avait d’ailleurs forcé le pays à préparer cet accident en imaginant des plans de continuité de l’activité, bien connus des entreprises. Et comme on le sait, Jérôme Salomon a lui-même rédigé une note, en 2016, au candidat Macron, pour l’alerter sur l’impréparation de la France en la matière.
Alors pourquoi, courant janvier, lorsqu’il est devenu évident que l’épidémie qui sévissait en Chine pourrait se “mondialiser”, les services de la santé n’ont-ils pas commandé massivement des masques ne serait-ce que pour protéger les personnels soignants ? Pourquoi la technostructure de la santé a-t-elle perdu de précieuses semaines en ne se mobilisant pas dès le début de l’année ?
Cette incapacité à anticiper la crise, et cette incapacité à mobiliser les énergies pour y réagir, cette indolence de la haute fonction publique, au fond, pèsera lourd dans les arbitrages futurs.
Les technologies numériques ? ça sert à quoi ?
Ceux qui connaissent des hauts fonctionnaires les ont tous entendus mépriser et stigmatiser les réseaux sociaux, ces espaces qui servent, dans leur esprit, majoritairement, à poster des photos de vacances et de fesse, et à propager des théories du complot et des fake news. Un grand nombre d’entre eux sont d’ailleurs les premiers à faire écho aux volontés liberticides du pouvoir sur ce point.
Ce retard des élites administratives (et politiques) à comprendre à quoi servent les réseaux sociaux et les technologies numériques nous coûtent cher aujourd’hui. Une utilisation intelligente des tendances Google ou du big data aurait par exemple permis d’identifier beaucoup plus rapidement la propagation de l’épidémie. Et, parallèlement, une utilisation intelligente du big data permettrait d’alléger le confinement sans nuire à l’endiguement de l’épidémie. Ou encore elle permettrait de comptabiliser rapidement les décès en établissements pour personnes âgées.
Des procédures plutôt que de l’efficacité
Autre mal qui nous terrasse : l’obsession de la procédure, dont l’attestation dérogatoire constitue la meilleure caricature. Les Français n’ont pas de masque pour se protéger du virus, mais ils ont un formulaire, qu’il aura fallu un mois pour présenter sous forme d’application numérique…
À tous les étages, on trouve cette obsession bureaucratique pour la norme : utiliser les laboratoires départementaux pour tester les patients ? Il faut une cascade de validations qui prennent des jours et des jours parce que les bureaux prennent leur temps pour les signer. Commander des masques ? Il faut respecter les procédures européennes d’achat et de mise en concurrence. Autoriser la signature des actes notariés à distance pour éviter un effondrement immobilier ? Là encore, la délivrance des autorisations administratives est interminable.
Et pendant ce temps, le virus court et l’économie s’enfonce dans le rouge.
Infantiliser les Français au lieu de s’appuyer sur eux
Dans la vision du monde technocratique, les Français sont des grands enfants à qui il ne faut pas tout dire, et en qui il ne faut pas avoir confiance. D’où cette étrange stratégie qui consiste à traiter la population uniquement par injonction et par mesures disciplinaires, là où des pays comme l’Allemagne prennent le temps d’expliquer sans détour les règles à suivre et le pourquoi de ses règles.
La doctrine en matière de port de masques est ici caricaturale. Au lieu d’expliquer clairement aux Français que le port du masque est salutaire et qu’il est la meilleure façon d’éviter la propagation de la maladie, même si provisoirement, nous subissons une pénurie, les pouvoirs publics imaginent pouvoir dissimuler cette pénurie en expliquant que le masque est inutile…
Par rebonds, la condamnation du pays à un confinement aux règles floues semble une solution préférable. On calculera prochainement l’addition économique de cette stratégie.
Des managers publics à l’abri qui ne rendent compte à personne
L’irresponsabilité des hauts fonctionnaires dans ce désastre est devenue insupportable. Là encore, la gestion des masques (mais l’affaire de la chloroquine constituera bientôt un autre scandale) constitue un parfait exemple de cette tour d’ivoire que la haute fonction publique a construite autour d’elle. Qui a péché dans la commande de masques ? Qui n’a pas correctement suivi les stocks ?
Toutes ces questions devraient être abordées immédiatement, et les responsables devraient être identifiés et sanctionnés. Mais… en France, il est d’usage que les hauts fonctionnaires méprisent le petit peuple mais n’assument aucune de leurs erreurs.
Ce luxe-là, il n’est pas sûr que nous puissions nous l’offrir éternellement.
Vous êtes exposé au coronavirus du fait de l’inaction de l’État (pas de masques, de protections, de tests, de médicament, etc.) ?
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Un papier absolument collector ! Qui mériterait une très très large diffusion tant, il est limpide et d’un haut niveau pédagogique.
Bien résumé hélas tout est vrai c’est consternant