Generali ne devrait pas immédiatement fusionner avec Axa, et peut-être pas du tout. Alors que la valorisation boursière de l’assureur italien s’est effondrée avec le confinement du pays, le parrain du capitalisme italien Leonardo Del Vecchio vient d’annoncer qu’il était opposé à la fusion avec Axa, ou avec Zurich, les deux candidats de longue date au rachat. Voilà une vraie bouffée d’oxygène pour le gouvernement italien qui a besoin de cet investisseur pour écouler sa dette.
Generali ne sera pas immédiatement vendu à Axa ou à Zurich. Tel est le verdict rendu par Leonardo Del Vecchio, président du groupe franco-italien EssilorLuxottica, devenu parent du capitalisme transalpin. Cette nouvelle a fait bondir les titres des assureurs hier à la bourse.
Generali, une proie facile et tentante
Cette information, rapportée par un proche de Leonardo (85 ans, comme quoi, les affaires publiques et privées ne tiennent plus à grand chose en Europe), et non donnée par Leonardo lui-même, a beaucoup rassuré les marchés. Avec le confinement, la capitalisation boursière de Generali s’est effondrée, pour tomber à 20 milliards €. Cet étiage en fait une proie d’autant plus tentante que les candidats à l’absorption sont bien connus : Axa et Zurich en particulier.
Beaucoup craignaient que Del Vecchio ne prépare une cession à Axa dans ce contexte tendu. Mais l’homme vient d’annoncer qu’il remettrait au contraire de l’argent au pot, à travers une recapitalisation de Mediobanca, actionnaire principal de Generali.
La fusion entre Generali et Axa n’aura donc pas lieu… cette fois-ci !
Une source proche de l'homme d'affaires de 85 ans a cependant exclu une fusion avec Axa ou Zurich, les deux concurrents généralement présentés comme les partenaires potentiels les plus évidents de Generali. D'après cette source, Leonardo Del Vecchio souhaite rendre à Generali le rang qu'il occupait dans les années 1990 en Europe. La source a ajouté qu'il était encore prématuré de fournir des détails sur la stratégie envisagée.
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La fusion Axa-Generali, un serpent de mer très politique
Cette fusion entre Generali et Axa est une vieille histoire, pratiquement aussi vieille que le départ de Claude Tendil, d’Axa, au début des années 2000, pour Generali France. Les observateurs prêtaient alors au groupe italien la volonté de “racheter” Axa. Mais le temps a fait son oeuvre et, au fil de la conjoncture, la rumeur d’une absorption de Generali par Axa a régulièrement fait glousser les couloirs et les moquettes de la finance. Il se murmurait même à une époque que Carla Bruni intervenait dans le dossier ! toujours est-il que c’est un Français, Philippe Donnet, qui est devenu PDG de Generali après le départ
On ne sera donc pas surpris de voir que la crise de 2020 ravive les spéculations sur cette opération capitalistique qui pourrait avoir du sens pour les Français… mais beaucoup moins pour le gouvernement italien.
La dette italienne dépendante de Generali
De même qu’Axa est (ou serait, puisque l’opacité règne sur le sujet) le plus gros détenteur de dette française, Generali est un investisseur indispensable pour le gouvernement italien, avec son important portefeuille d’assurance-vie. Une perte de souveraineté sur cette entreprise pourrait donc constituer une sacrée épine dans le pied du gouvernement italien, confronté à de lourds besoins de financement.
On notera d’ailleurs que la situation est telle que la totalité des emprunts italiens d’après-coronavirus a été souscrite par la BCE… au mépris de la décision de la cour de Karlsruhe (nous y revenons par ailleurs). C’est u indice majeur sur l’extrême exposition de l’Italie au risque de défaut de financement, et sur sa sensibilité à une remontée des taux qui l’étranglerait financièrement. De ce point de vue, la préservation d’un acheteur national intégré à un capitalisme de connivence est un important garde-fou contre une crise financière du même type que celle qui a frappé la Grèce.
Les marchés ne s’y sont pas trompés : l’annonce d’un maintien de Generali sous pavillon national a rassuré à court terme sur la dette italienne… comme si l’arrivée imminente du péril était conjurée par la voix solitaire et insondable du vieux Del Vecchio.
Insistons sur les signaux de mauvaise santé financière systémique que ces surréactions anecdotiques envoient.
Alors que l'annonce des termes de la fusion entre les deux groupes automobiles est imminente, des actionnaires français s'interrogent sur la répartition du contrôle de la nouvelle entité. Avec 6% seulement du capital, les Peugeot pèseront plus de deux fois moins que la famille Elkann (14%). Les analystes, eux, jugent l'accord déséquilibré et estiment que les actionnaires de PSA surpaient la fusion avec FCA.
Nabil Bourassi, la Tribune Tweet
Italie-France : 3-0
Reste que, au fil des mois et des années, tout montre que le capitalisme italien sort son épingle du jeu bien mieux que le capitalisme français.
Depuis l’absorption de la BNL par la BNP, les échanges avec l’Italie se réalisent en effet au bénéfice de l’Italie et au détriment de la France, ce qui ne reflète pas la prééminence de la puissance française (mais qui reflète l’incompétence de Bercy, en revanche).
Ainsi, en 2017, la fusion entre Essilor et Luxottica donne lieu à une longue escalade où Essilor considère que Del Vecchio prend abusivement le pouvoir dans le groupe. In fine, la rouerie de Del Vecchio laisse à penser que la France, à cette occasion, perdu sans vraie contrepartie l’un de ses fleurons.
En 2019, le capitalisme italien a marqué un autre but contre le capitalisme français. Il s’agit de la reprise par Fincantieri des Chantiers de l’Atlantique, pourtant en charge de la construction de navires sensibles pour la Défense Nationale. Cette opération, portée par Bruno Le Maire, fait l’objet d’une enquête de la Commission.
Enfin, en 2019, Fiat et Peugeot ont annoncé un rapprochement dont on verra qui, in fine, en sort vainqueur. Mais les premiers éléments montrent que la famille Peugeot ne détiendra que 6% des parts, quand la famille Elkann en détiendra le double.
Et de 3 pour l’équipe d’Italie.
L’Italie, malade, mais toujours habile
On notera qu’au final, les Italiens ne tirent pas si mal leur épingle du jeu européen. Avec un taux d’endettement record, ils obtiennent les faveurs de la BCE, mais aussi d’Angela Merkel et de la Commission Européenne… tout en déployant une habile diplomatie économique qui leur vaut de très jolies prises de guerre.
Chapeau les artistes !