Après la convention citoyenne et ses membres tirés au sort mais venus de nulle part qui ont proposé une foison de taxes et d’interdits nouveaux, François Brault nous propose une meilleure formule de consultation “horizontale” : l’intégration d’un collège de grands électeurs tirés au sort au CESE.
par François Brault
Diplômé d'école de commerce, boulanger à Paris
Des élites de plus en plus « hors-sol »
Année après année la participation aux élections baisse, les français ne reconnaissent plus leurs représentants. La toute récente convention citoyenne accouche d’un impressionnant catalogue de mesures partisanes. Rien ne va plus.
Pour être efficace, la représentation nationale doit être légitimée, par le tirage au sort ou par la preuve de la représentativité des élus. Mais en France, le système fait que les élus et représentants viennent presque toujours des mêmes groupes, une oligarchie de fait.
Plutôt que de tout casser et aller vers une hypothétique VIème république qui aurait sûrement ses propres défauts, il est possible par la modification d’un « petit » décret de refonder la démocratie de la Vème république !
Les trois assemblées françaises
On ne fera pas l’injure à notre aimable lecteur de lui décrire la formation de l’Assemblée Nationale. Première assemblée de France de par sa taille (577 députés) et son importance dans le processus législatif ; principal lieu de débat et dernier mot en fin de « navette » ; existence de la motion de censure. Les députés sont élus au suffrage universel, presque tous les citoyens pouvant se présenter.
La deuxième assemblée est évidemment le Sénat qui compte 348 sénateurs. Ils sont élus au suffrage universel indirect, par les « grands électeurs », élus municipaux et départementaux. Ce système favorise évidemment un grand conservatisme, il n’y a quasiment aucun nouveau venu parmi les sénateurs qui ont tous eu précédemment à leur arrivée au Sénat un ou plusieurs mandats de député, conseiller départemental ou maire d’une grande ville. Les critiques sont nombreuses pointant le manque de représentativité des Sénateurs et collectivement la faiblesse de leurs contributions réelles.
La troisième et la moins connue des assemblées Françaises est le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).
Le Conseil économique, social et environnemental, saisi par le Gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de lois qui lui sont soumis. Un membre du Conseil économique, social et environnemental peut être désigné par celui-ci pour exposer devant les assemblées parlementaires l'avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis. Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu'il propose d'y donner.
Article 69 de la Constitution Tweet
Le CESE une assemblée méconnue et quasi inutile
Le CESE est une assemblée constitutionnelle, héritière d’un conseil administratif sur l’économie créé en 1925.
La constitution de la Vème république, dans ses articles 69 à 71, crée cette troisième assemblée, composée de 233 représentants désignés (et non élus) parmi essentiellement les syndicats et associations éligibles.
Son rôle est de donner son avis sur les projets de loi. Elle peut être saisie par le gouvernement ou par l’assemblée ou encore s’auto-saisir.
Les divers gouvernements ayant multiplié les instances spécifiques, hauts comités, observatoires, agences d’évaluation, groupes d’experts. Au dernier compte 437 comités « théodule » près de 19 000 membres…
Alors à quoi bon le CESE ? Comment 233 personnalités choisies (parmi les syndicats, les amis, les recasés,…) donc non représentatives des français pourraient éclairer utilement le gouvernement et le travail des parlementaires nationaux ?
Je propose de conserver la place constitutionnelle du CESE mais de simplement, par modification d’un décret, lui donner un rôle essentiel de représentation effective de nos territoires et de leurs habitants.
Réformer le décret N°84-558 sur la nomination des membres du CESE
Puis qu’il faut abandonner la désignation des membres par des syndicats et autres organisations associatives pseudo-représentatifs je propose la meilleure forme de représentativité : le tirage au sort !
Les techniques modernes multi-critères des instituts de sondage savent parfaitement déterminer un échantillon vraiment représentatif de la population. Age, sexe, profession, région d’origine, situation professionnelle, des centaines de critères sont disponibles.
A l’aide de ces critères, et d’une population large on peut sélectionner 233 personnalités les plus représentatives. On pourra choisir de respecter les critères établis par l’ordonnance N°58-1360 ou réformer ces mêmes critères.
Mais si on tire au sort dans la population générale, on risque d’offrir un poste au CESE à des personnes qui n’ont ni la compétence, ni la disponibilité d’y siéger utilement.
Où trouver un groupe de citoyens diversifié, motivé par la chose publique ? Je propose d’utiliser les grands électeurs, les 162 000 élus municipaux, départementaux, régionaux. On écartera ceux qui ont ou ont déjà eu un siège de parlementaire, ministre, etc.
Un organisme national, indépendant du gouvernement : l’INSEE serait chargée de renseigner les critères des grands électeurs, et sélectionner ceux à qui on proposerait un siège au CESE. Chacun des désignés serait bien sûr libre d’accepter ou non et progressivement la sélection serait orientée pour que chaque nouvel entrant améliore la diversité des membres de cette assemblée.
On obtiendrait donc trois assemblées légitimes, démocratiquement représentatives : l’Assemblée Nationale, élue au suffrage universel direct, le Sénat, « sages » de la république, et le CESE, tiré au sort, réellement représentatif de la population et des territoires, sans référence partisane.
On peut supposer que le nouveau CESE ne serait initialement peu saisi par le gouvernement, et encore moins par les parlementaires mais bien plus par auto-saisine ou saisine par pétition. Une sorte de Cour des Comptes à vocation non financière.
Mais justement, la Cour des Comptes, malgré la qualité de son travail reste peu effective pour contraindre les gouvernements à l’efficacité. Comment permettre aux rapports du CESE d’échapper au classement sans suite ?
L’article 4 de l’ordonnance N°58-1360 dispose que le Premier Ministre fait connaître chaque année la suite donnée aux avis du CESE. Par ailleurs le CESE peut s’auto-saisir de tout sujet, il est donc possible d’organiser une audition publique régulière du Premier Ministre devant le CESE et tous les français, via les médias (chaînes publiques, Internet,…). Avant ou après les auditions du chef de gouvernement, toute personnalité dont les chefs de groupe parlementaire pourraient être invitées à donner leur point de vue.
Enfin il serait utile d’aménager l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale et du Sénat pour en réserver une partie à tout sujet que le CESE aurait choisi de mettre en avant.
Ces journées seraient l’occasion pour tous les français d’entendre les partis et le gouvernement sur les sujets qui les préoccupent, d’une manière moins contraignante que le référendum populaire.
Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis.
Article 70 de la Constitution Tweet
Reconnecter la gouvernance de la France avec ses territoires
Diverses mesures de limitation du nombre et de la durée des mandats de représentation politique sont en place ou envisagés pour réduire la distance entre les dirigeants et les citoyens. La modernisation de la composition de la troisième assemblée de la République me paraît de nature à assurer une meilleure représentativité des territoires et de redonner la voix aux citoyens ordinaires, certes élus mais qui pour la majorité d’entre eux ne font pas de la politique une profession exclusive.