Réformer la fiscalité de l’immobilier pour mieux réguler l’offre de logements en France. Telle est la nouvelle idée (en réalité assez ancienne mais jamais mise en pratique pour des raisons politiques) en vogue à Bercy. Le document que nous publions illustre les pistes de Bercy pour améliorer l’offre de logements sur l’ensemble du territoire. Attention aux hausses de taxes pour les propriétaires !
Réformer la fiscalité de l’immobilier pour modifier l’offre de logements sur le territoire. Une fois de plus, la folie fiscale frappe et prend le pouvoir. Selon toute vraisemblance, le projet de loi de finances pour 2021 modifiera la donne pour les propriétaires, au nom d’un rééquilibrage des offres de logements en France. On prendra donc bien garde aux innovations présentées dans cette note de la direction du Trésor, qui sonnent comme des avant-goûts de la loi de finances qui arrive.
Un taux d’occupation des logements en moyenne trop faible
L’intérêt de la note est de produire quelques chiffres macroéconomiques. On retiendra notamment son introduction : “La France compte en 2018, 29 millions de ménages pour environ 36 millions de logements. Cela implique que près de 2 logements sur 10 ne sont pas occupés en tant que résidence principale par un ménage.” 29 millions de ménages… 36 millions de logements. Nous sommes loin d’une France hantée par les sans domicile fixe obligés de loger sous la tente faute de logements disponibles.
Le problème tient évidemment à l’inégale répartition de cet excès d’offre. Cet excès vaut pour la majeure partie du territoire, mais pas pour la plus peuplée ! Les métropoles sont plutôt en excès de demande, avec un taux d’occupation supérieur à 90%, ou avec un taux modéré de 90% d’occupation.
L’ambition de Bercy est de modifier la fiscalité de l’immobilier pour “équilibrer” la situation : limiter la construction de logements dans les zones en excès d’offre, et stimuler les constructions dans les zones en excès de demande. C’est ce qu’on appelle la fiscalité incitative. Et les propositions qui suivent ne sont pas tristes.
Taxer les propriétaires
La base de la politique de Bercy consiste bien entendu à proposer de taxer les propriétaires qui, selon les fonctionnaires des Finances, bénéficient d’une rente indue. Cette première idée s’explique ainsi : “il est justifié que la fiscalité immobilière de stock (taxe foncière notamment) serve à financer ces opérations en prélevant une partie de la rente foncière induite par l’investissement public, ce qui implique une révision périodique des valeurs cadastrales”.
Cette phrase absconse est expliquée un peu plus loin dans la note : “la taxation du stock immobilier, comme les taxes sur les logements vacants ou sur les résidences secondaires, pourrait théoriquement être utilisée pour limiter le taux de vacance à condition d’être calibrée en fonction du coût d’opportunité à laisser un bien inoccupé. Mais ces taxes ne sont pas aujourd’hui correctement calibrées, puisque, les valeurs cadastrales datant de 1971, leurs montants sont déconnectés de la valeur de marché des biens. Ainsi, le lancement de la réforme des valeurs cadastrales, acté en loi de finances pour l’année 2020, devrait permettre à terme d’inciter à une allocation plus efficace des logements.” On comprend ici l’enchaînement logique des raisonnements. D’abord, on met à jour les valeurs cadastrales. Ensuite, on taxe les propriétaires sur la base des nouvelles valeurs.
Il faut donc s’attendre, pour 2021, à une première salve de taxe pour les propriétaires… au moins dans les zones où la demande excède l’offre (c’est-à-dire en zone touristique et dans les grandes villes, pour faire simple).
Taxer les maisons individuelles
Autre idée qui devrait remporter, dans l’opinion, un grand succès d’estime : la taxation des logements individuels et l’encouragement à la vie en appartement dans les grandes villes. Cette idée, totalement à rebours du traumatisme induit par le confinement, nous promet de belles séances de grogne dans les rues et les urnes. Les fonctionnaires du Trésor énumèrent l’arsenal fiscal existant pour dissuader d’artificialiser les sols, comme on dit. Cet arsenal va de la fin du prêt à taux zéro dans les zones où l’offre est suffisante pour couvrir les besoins, jusqu’à des taxes nouvelles : “D’autres mécanismes sont envisageables pour inciter les collectivités locales compétentes en matière d’urbanisme à mieux prendre en compte les conséquences de l’étalement : la création d’un marché de permis à artificialiser les sols, la création d’un plancher de densité pour les constructions dans les plans locaux d’urbanisme (proposée par France Stratégie), ou une forme de bonus-malus qui dépendrait de la densité des projets de construction, applicable à la fois à leurs porteurs et aux collectivités locales.”
Que ces mots sonnent bien : permis d’artificialiser les sols, plancher de densité, bonus-malus pour les maisons individuelles… On comprend ici l’idée induite : rendre plus coûteuse la construction individuelle, surtout dans les zones périphériques où l’offre de logement ne manque pas. Cette idée pourrait s’appeler : faire payer les pauvres, et aider les plus riches.
Vers une hausse des prix de la construction
Globalement, Bercy prévoit une hausse des prix de la construction compte tenu des nouvelles normes écologiques en cours de préparation ou d’adoption, et compte tenu des normes futures. “Le secteur dans sa globalité devra gagner en efficience face à la hausse des coûts de construction induite par de futures réglementations énergétiques plus exigeantes, le besoin de durabilité des bâtiments, et potentiellement des prix du foncier qui pourraient augmenter et donc occuper une place relative plus importante dans l’ensemble des coûts supportés lors de la production d’un logement neuf. “
Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de lire sous la plume de ceux qui préparent les règles l’injonction à “améliorer son efficience” pour tenir compte de ces règles à venir. Formulée autrement, cette proposition consiste à expliquer que l’épaisse couche de réglementations écologiques qui se prépare mettra de nombreux artisans et promoteurs en difficulté, et provoquera un renchérissement du coût du logement…
La schizophrénie de Bercy a encore frappé
Si l’on en croit Bercy, il existe donc… une crise de surproduction des logements dans certaines zones, et sous-production dans d’autres, qui doivent, dans les deux cas, être réglées par l’impôt, et plus précisément par une augmentation des impôts. Dans les zones où l’offre est suffisante, il faut rendre le bâtiment plus cher pour limiter les constructions. Dans les zones où l’offre est insuffisante, il faut faire payer les propriétaires qui gagnent trop d’argent.
Dans tous les cas, il faut payer.
Pendant ce temps, le nombre de permis de construire n’a jamais été aussi bas. Voilà comment tout problème justifie qu’in fine, on augmente l’impôt au nom de l’efficacité des politiques publiques…
Dans les méfaits de la fiscalité sur l’immobilier, il y a l’IFI, qui pèse injustement sur les familles nombreuses parisiennes qui ont pu se loger à une époque où c’était encore possible. Par le biais de cet impôt, l’état leur reprend, et à elles seules, tout ce qu’elles ont reçu en allocations familiales, suppléments de salaires, bonifications de retraite et toutes primes pour l’amélioration de l’habitat et les économies d’énergie.
Les mères de familles nombreuses parisiennes sont particulièrement lésées, car ces bonifications de retraite compensent un peu le fait que leur carrière a souvent été irrégulière à cause des enfants et leur retraite diminuée en proportion.
Par ailleurs, qu’est-ce que cet impôt qu’on doit déclarer à partir de 1 300 000€ et payer à partir de 800 000€ ? Pourquoi ne pas le faire déclarer et payer par tous les citoyens à partir de 1 300 000€ ? Ou le faire déclarer et payer, par tous les citoyens, à partir de 800 000 €? L’IFI est le symbole de l’injustice et de la bêtise fiscale de nos gouvernants, mais cela ne dérange personne: il n’y a que les familles nombreuses parisiennes qui sont visées. Les familles parisiennes moins nombreuses n’ont pas à le payer, et , en province, même une famille très nombreuse n’est pas assujettie à cet impôt.