L'espace numérique européen fait partie des sujets techniques qui intéressent peu l'opinion, alors qu'ils ont un impact essentiel pour la vie quotidienne future des citoyens. Présenté récemment par la Commission européenne, ce projet de règlements devrait en effet modifier fortement le visage d'Internet, au moins en Europe. En l'espèce, le Digital Services Act (dédié aux contenus numériques) et le Digital Market Act (dédié aux contenants) devraient très rapidement obliger les plateformes à lutter contre les contenus haineux, et interdire aux GAFAM de collecter des données personnelles. Jean-Philippe Delsol, avocat et président du think tank libéral IREF, nous explique ce que contient ce projet et en quoi il est dangereux.
On retiendra de cette intervention très précise deux points majeurs, qui structurent le futur espace numérique européen.
Le Digital Services Act reprend la logique de la loi Avia
On se souvient que la loi Avia faisait peser sur les éditeurs et les hébergeurs de site la responsabilité des contenus éditoriaux et de leur suppression, sous peine d’amende. Dans le Digital Service Act, le principe est le même. Les réseaux sociaux auraient la responsabilité de censurer les contenus litigieux sous peine de lourdes amendes.
Comme le souligne Jean-Philippe Delsol, le projet européen comporte donc le risque de pousser les acteurs du Net au sens large à pratiquer, par précaution, une censure extrêmement large sur les contenus qu’ils publient.
Le Digital Market Act change le modèle gratuit des GAFAM
Le Digital Market Act devrait limiter fortement la possibilité pour les acteurs du numérique de se livrer à une collecte large des données personnelles. Les défenseurs des libertés individuelles applaudiront sans doute ce principe, mais ils savent aussi que la collecte de données est le principal moteur économique des GAFAM. L’interdiction de ce procédé limitera donc la rentabilité des sites et les obligera à trouver de nouveaux moyens de financement, par exemple en faisant directement payer leurs services.
La liberté n’a pas de prix, comme on dit, mais elle a un coût !
Des règlements d’application directe
Ces deux textes devraient donner lieu à la promulgation de nouveaux règlements, qui sont un objet juridique différent des directives. Pour être applicable, une directive a besoin d’être transposée en droit national, alors qu’un règlement est directement applicable sur tout le territoire de l’Union. On mesure ici l’impact de cette future réglementation, qui pourrait rendre la navigation sur Internet beaucoup plus coûteuse qu’aujourd’hui.