Comment l’Union Européenne a fait échouer l’accord-cadre avec la Suisse
Guy Parmelin et Ursula von der Leyen le 23 avril 2021

Comment l’Union Européenne a fait échouer l’accord-cadre avec la Suisse


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L'UE a fait échouer, ces derniers jours l'accord-cadre qu'elle avait elle-même souhaité négocier avec la Suisse. Bruxelles n'a visiblement pas tiré les leçons du fiasco que représente pour elle le Brexit -  le départ de la deuxième puissance économique de l'UE. A la Commission, on s'obstine à vouloir tout soumettre à des règlements uniformes et contraignants. Au risque de se priver de la culture démocratique suisse.

Lors d’un référendum en 1992, l’année de l’adoption du traité de Maastricht, les Suisses avaient rejeté l’adhésion à l’UE. Ensuite s’est mise en place une relation commerciale et diplomatique pragmatique fondée sur 120 accords bilatéraux. L’’accès au marché pour les produits pharmaceutiques, les métaux et les produits chimiques suisses et la participation à l’espace européen de la recherche ainsi qu’à Erasmus étaient garantis en échange de l’adhésion de la Suisse aux règles du marché intérieur et d’une contribution financière aux régions pauvres de l’UE. La Suisse participait à l’espace Schengen, de libre circulation des personnes.

Depuis 2008 – c’est-à-dire après l’adoption du Traité à caractère fédéral de Lisbonne, l’Union Européenne a demandé à la Suisse la négociation d’un accord institutionnel pour « appliquer de façon plus homogène et efficace les accords bilatéraux, existants et futurs, entre la Suisse et l’Union européenne portant sur l’accès au marché unique européen ».  Obsession typiquement bruxelloise pour l’uniformisation, indifférente à la diversité qui constitue le secret historique du dynamisme européen.

Comment l'UE a fait échouer un accord qu'elle avait elle-même demandé

Lors de la rencontre du 23 avril dernier entre le président de la Confédération, Guy Parmelin, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les deux parties ne sont pas parvenues à se rapprocher sur les quatre points litigieux qui font traîner les négociations depuis le milieu de la décennie: la citoyenneté européenne, la protection des salaires et les aides d’Etat.

  • La Suisse  refuse de conférer une égalité de droits aux citoyens de l’UE dans l’accès aux assurances sociales.
  • Elle refuse que les litiges entre la Suisse et l’UE soient arbitrés en dernier ressort par la Cour de Justice de l’UE.
  • La Suisse refuse d’adopter les circulaires européennes sur les travailleurs détachés pour ne pas mettre en danger les conditions salariales en Suisse.
  • Enfin, elle refuse de renoncer aux aides d’Etat: mesures destinées à soutenir des entreprises actives dans des secteurs ou des régions en difficulté, par exemple des allégements fiscaux; prises de participation publiques dans le capital d’entreprises telles que des sociétés financières, des banques (comme les banques cantonales) ou des entreprises du secteur de l’énergie.

Ces dernières semaines, la Commission Européenne s’est adonnée à son sport favori: ne pas traiter les points non négociables pour le partenaire; et s’étonner  que ce dernier ne veuille pas d’accord alors que l’on a fait des concessions sur des points secondaires ! On a toujours le même scénario, appuyé sur la rigidité bureaucratique qui caractérise désormais les institutions européennes.  Et Bruxelles compte sur les « pro-UE » suisses pour relayer sa version des faits.

L'UE n'a toujours pas tiré les leçons du Brexit

Les modalités de la négociation font irrésistiblement penser à celles du Brexit. Et il est certain que les Suisses s’appuient désormais sur la forme de l’accord trouvé entre Londres et Bruxelles en décembre 2020.  Le fait que la Grande-Bretagne ait imposer de ne pas avoir à suivre l’évolution du droit de l’Union européenne est venu conforter l’attitude suisse.

Cependant Bruxelles fait comme si l’UE n’avait pas dû faire un compromis avec la Grande-Bretagne. Au Berlaymont, on se dit que la Suisse pliera car il y a 280 milliards d’euros de relations commerciales à la clé.  Comme si la leçon donnée par le Parlement britannique à l’UE – le « on ne nous fera pas voter n’importe quoi » de la majorité des députés conservateurs et d’une poignée de députés travaillistes – n’amenait pas à faire réfléchir sur le choix que fera la Suisse quand il s’agit de préserver son caractère confédéral, la liberté de ses entreprises et sa démocratie.


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