Marine Le Pen a-t-elle perdu toute chance de gagner l'élection présidentielle? Bien des observateurs vont vite en besogne quand ils concluent que l'abstention aux élections régionales - qui a particulièrement concerné l'électorat du Rassemblement National - nous indique déjà ce qui va se passer à la présidentielle. Néanmoins la déconvenue des régionales est un avertissement sévère pour la présidente du Rassemblement National. Il devrait conduire à une très profonde remise en question de la stratégie de campagne. Surtout, obsédée par sa stratégie de "dédiabolisation", Marine Le Pen semble avoir perdu de vue que la classe politique française dont elle voudrait se faire accepter est de plus en plus détachée des Français, du réel et du sens de l'essentiel comme le montre l'épisode du retour de la dépouille du général Gudin.
Quand Emmanuel Macron et le maire LR de Montargis refusent d'acueillir la dépouille retrouvée du Général Gudin
C’est une histoire qui nous dit la perte d’humanité de nos dirigeants. Près de Smolensk, en 2019, une équipe franco-russe d’archéologues a retrouvé les restes du général Charles-Etienne Gudin, tombé à la bataille de Valoutina Gora en août 1812. A présent, la dépouille va être rapatriée en France. Mais Emmanuel Macron refuse de financer l’opération et d’organiser une cérémonie d’hommage. Et Benoît Digeon, maire LR de Montargis, patrie du général, se transforme en petit Macron et déclare: “Nous, on n’en veut pas et on n’a pas les moyens de lui construire un mausolée”.
Enterrer ses morts est le propre de l’humain. Mais ni Monsieur Macron ni Monsieur Digeon n’ont même un reste de superstition qui leur fasse penser que malheur pourrait leur arriver s’ils ne rendent pas hommage à Charles-Henri Gudin. Rappelons-nous qu’Edouard Philippe Premier ministre avait un temps interdit aux Français de se rendre à l’enterrement de leurs proches au nom du COVID 19.
Ne parlons même pas de la faiblesse qu’ils révèlent par la même occasion au président russe Vladimir Poutine et à bien d’autres dirigeants étrangers qui sauront le peu de poids qu’il faut accorder à la parole de dirigeants qui ne prennent pas soin du corps des soldats de leur pays morts au champ d’honneur.
En entendant cette histoire, je me suis rappelé la belle formule de Chesterton: “La tradition est la démocratie des générations disparues”. Eh bien, nous comprenons mieux pourquoi les Français se sont abstenus aux élections régionales. Ils savent que nos dirigeants ne respectent aucun suffrage: avec eux, les morts n’ont pas plus voix au chapitre que les vivants.
Et j’ai pensé aussi que telle est la question pour Madame Le Pen: elle vient d’une famille, elle préside un parti où l’on a encore le sens de la nation et où l’on honore les soldats tombés pour la France. Mais en ne se déplaçant pas pour voter pour les Rassemblement National, ces électeurs-là n’ont-ils pas signifié à la fille de Jean-Marie Le Pen qu’à force de chercher la “dédiabolisation”, elle se met à ressembler au reste de la classe politique, en tout cas à tous ces élus de la nation qui n’ont plus ni sens du passé, ni honneur ni même révérence superstitieuse face aux morts pour la patrie.
L'arrogance pathétique de Brice Hortefeux
Évolution des admissions au séjour des étrangers en provenance de pays tiers de 2007 à 2016 (base 1=2007) Source: Ministère de l’Intérieur
Dans une soirée électorale d’après second tour tout à fait terne, il y a eu quelques moments pathétiques, dimanche 27 juin: on pourrait énumérer les prestations des représentants de LREM; mais la palme revient sans aucun doute à Brice Hortefeux, sur C-News, lorsqu’il a commencé à accabler de sa morgue Philippe Ballard, tête de liste RN à Paris. Mépris pour le “vaincu” mais surtout expression de la frustration inassouvie de ce proche de Nicolas Sarkozy, incapable de mettre en œuvre, quand il était ministre de l’Immigration (2007-2009) puis de l’Intérieur (2009-2011), les promesses de campagne sur l’immigration. Il y eut, lorsque Claude Guéant devint lui-même ministre de l’Intérieur un début d’infléchissement, mais trop tard pour tenir les engagements de campagne. Brice Hortefeux est un des hommes les plus responsables de la non-réélection de Nicolas Sarkozy. Il était donc particulièrement pathétique de le voir accabler le représentant du Rassemblement National sur le plateau.
En fait, le comportement de l’ancien ministre n’était que l’exagération d’une tendance générale, les 20 et 27 juin: considérer le déclin du Rassemblement National comme acquis. Et dans le cas de LR, se voir déjà “en haut de l’affiche”. Mais un Xavier Bertrand qui préfère “travailler avec les communistes qu’avec les identitaires“; une Valérie Pécresse qui semble avoir complètement oublié ses participations à la Manif pour Tous; un Laurent Wauquiez qui n’avait pas assumé, fin 2018, d’avoir porté un gilet jaune, croient-ils vraiment qu’ils pourraient facilement tirer leur épingle du jeu au printemps 2022? Comment un Eric Ciotti peut-il être inconséquent au point d’appeler à voter Muselier un jour – et donc faire un bout de route avec tous ceux qui à gauche ont reconstitué le “Front Républicain”; pour le lendemain reprendre ses tirades sur la République en danger sous les coups de boutoir de l’islamisme?
Les militants RN sont mécontents mais il ne se passera rien à Perpignan
Sur les plateaux de télévision, les 20 et 27 juin au soir, les représentants du Rassemblement National avaient, comme les autres, leurs “éléments de langage”. C’est dommage que ce parti se sente obligé dans la langue de bois. On a parlé, à commencer par Marine le Pen, de crise de la démocratie. La présidente du Rassemblement National a même été contre-productive au soir du premier tour, en reprochant aux électeurs du parti de ne pas s’être mobilisés. Or, dimanche 27 juin, le Rassemblement National n’a pas connu de hausse de mobilisation, ce qui l’a fait reculer même par rapport au premier tour.
Lors des entretiens que j’ai menés cette semaine avec des membres du Rassemblement National, j’ai pu constater que les langues se délient. En gros, les reproches adressés à Marine Le Pen, sont au nombre de trois:
- la présidente a laissé faire ou encouragé la constitution de pouvoirs locaux dans les fédérations; ils se distinguent plus par leur “marinisme” que par une capacité à développer une stratégie adaptée au terrain. Ils ont en particulier refusé de réinvestir un certain nombre de conseillers régionaux sortants. Et cela dépasse largement le groupe des partisans de Marion Maréchal.
- Le conformisme de Marine Le Pen sur la question du COVID est jugé désastreux. Alors que le président de la République accélérait le déconfinement, Marine Le Pen lui reprochait son imprudence. Or cette attitude favorable aux libertés permet au président de retrouver un peu de popularité.
- Plus profondément la stratégie de “dédiabolisation” est âprement critiquée. Comme me le faisait remarquer un élu du Rassemblement National: “A force de répéter qu’elle est “républicaine”, Marine Le Pen ne se rend pas compte qu’elle a accepté la rhétorique de ses adversaires qui ont toujours traité notre parti de danger pour la démocratie. Comme si nous avions jamais fait autre chose, à la différence d’eux, que respecter le jeu électoral“.
Alors, de l’avis de tous, il n’y aura pas de grosse secousse lors du Congrès de Perpignan qui se tient samedi 3 et dimanche 4 juillet. Les critiques resteront voilées. Mais le cœur n’y est plus. “Pour quoi nous battons-nous?”, m’a déclaré un cadre du parti: “La victoire est possible face à un Emmanuel Macron usé par des crises à répétition. Mais cela ne semble pas parti pour cela”.
Il n'est pas trop tard pour un changement de stratégie mais il doit être immédiat et radical
Marine Le Pen a montré, après le débat manqué de l’entre-deux-tours en 2017 une véritable capacité à rebondir. C’est pourquoi on ne peut que conseiller aux observateurs de rester prudents dans leurs pronostics. On m’objectera que les sondages d’après le second tour des régionales semblent montrer une poussée d’Emmanuel Macron et un tassement de Marine Le Pen au premier tour. Mais ce sont les mêmes instituts de sondage qui ont sous-estimé l’abstention avant les élections régionales. Et l’on peut juger étonnant que la même société française s’apprête à voter à 27-30% pour Emmanuel Macron au premier tour mais ait aussi peu d’intérêt pour la République en marche lorsqu’il s’agit de mettre un bulletin dans l’urne. Il ne faudrait pas surestimer la signification d’élections à propos desquelles on n’a pas assez souligné combien la création de “grandes régions” sans substrat historique était venue les perturber. Pourquoi un habitant du Limousin voudrait-il s’intéresser à la grande Nouvelle Aquitaine, lui qu’on a privé de sa région? En quoi est-il justifié qu’un habitant de Lépaud, dans la Creuse, vote dans une région différente qu’une personne vivant à Montluçon alors que c’est là qu’il se rend quand il a des courses importantes à faire? Quelle signification a la région Grand-Est? Etc…
Qui peut prédire comment les Français voteront à la présidentielle? Est-il impossible que l’électorat RN se remobilise? Bien entendu, les élections régionales sont un avertissement salutaire pour la présidente du rassemblement National. Elles lui dictent un changement de stratégie. mais il doit être immédiat et radical.
- Il faut arrêter rapidement la “dédiabolisation”. La société française s’éloigne toujours plus de sa classe dirigeante actuelle. Or c’est le moment que Marine Le Pen choisit pour se rapprocher de cet “establishment” que son père a combattu sur tous les facteurs qui accablent les Français d’aujourd’hui encore plus que ceux des années 1980-2010: l’immigration, l’identité, la souveraineté, le poids des prélèvements obligatoires etc…Que l’on cesse de raconter des bêtises sur la Seconde Guerre mondiale est une bonne chose; mais ce n’est pas une raison pour abandonner tous les sujets sur lesquels Jean-Marie Le Pen a été plus lucide que le reste de la classe politique.
- Marine Le Pen ne semble pas saisir le sentiment dominant chez les Français: le destin de notre pays se décide très loin d’eux (cas des grandes régions ou de la recentralisation pratiquée par le macronisme) et même le plus souvent hors de notre pays (Union Européenne, OTAN, OMS etc….). Comme les Britanniques qui ont voté pour le Brexit et les Américains qui ont soutenu – et soutiennent encore – Donald Trump, les Français se rallieront à une personnalité politique qui leur montrera comment concrètement on “reprend le contrôle”. Marine Le Pen a été beaucoup trop absente des débats sur la confiscation des libertés à l’occasion des mesures sanitaires. Elle a dit récemment que la France n’avait pas besoin de sortir de la CEDH alors qu’elle avait affirmé le contraire pendant des années. Tout cela n’est pas bon. Développer une stratégie réaliste face à l’Union Européenne et aux autres institutions supranationales qui nous lient d’une manière ou d’une autre les mains ne devrait pas signifier qu’on ne les affronte pas. Comment Marine Le Pen veut-elle être crédible sur le contrôle de l’immigration si elle n’est pas prête à affronter la CEDH?
- Marine Le Pen est toujours à la traîne pour proposer une doctrine économique favorable aux entreprises. Il y a urgence. Passée l’université d’été du MEDEF de la fin août, il sera trop tard.
- La présidente du Rassemblement National doit de toute urgence se réconcilier avec Marion Maréchal, tendre la main à Eric Zemmour pour éviter qu’il lance sa candidature, accepter le fait que l’électorat conservateur en matière sociétale est un réservoir important de voix pour elle. Elle ne gagnera pas si elle se prive de l’aile conservatrice de son parti ni de la “droite hors les murs”. On dira que, vu la discrétion du RN à l’Assemblée sur la “loi bioéthique”, l’exclusion des partisans de Marion Maréchal de l’investiture aux régionales ou la coquetterie consistant à dire que Zemmour “la recentre”, Marine Le Pen est mal partie pour un changement de stratégie de cette ampleur.
En réalité, c’est vrai de tous les points que nous soulevons: acceptation de l’impopularité médiatique (qui rapporte des voix); inspiration à trouver chez Nigel Farage ou Donald Trump; retour au libéralisme économique presque “thatchérien” de Jean-Marie Le Pen; rassemblement de la droite: c’est un remède de cheval pour une machine partisane qui s’est endormie dans le confort de l’immobilisme et une mentalité de “rentiers du populisme”. Mais l’avenir de la France n’exige-t-il pas que Marine Le Pen se fasse violence?
Voter aux régionales n’avait strictement aucun intérêt. Tel que nous sommes partis même les présidentielles seront bientôt inutiles. D’abord le drame puis la farce. En tendance il y aura sous peu davantage de sondeurs et d’experts de plateau télé que de votants et d’audience. Seuls les anciens dans la ouate ont fait le déplacement, par habitude. Pour le citoyen lambda ne vaut il pas mieux jouer le pourrissement, la question se pose. Les règles toujours plus nombreuses sont faites pour être désobéi-es. Le masque, la vaccination, la corruption, la drogue, le fisc, l’entre-soi, l’immigration. Du haut en bas de l’échelle sociale tout est contourné. Avec plus ou moins de bonheur certes, mais à quoi bon faire semblant, donner de l’importance à ce qui n’en a pas: maqueron &ses larem par exemple, rien à foutre! Pareil pour tous ses clones insignifiants, de Xavier Nougat à Valérie Jupé.
Électoralement Marine Le Pen a fait progresser le RN c’est indiscutable. Désormais elle plafonne. Zemmour a raison de dire que le vote protestataire n’a jamais gagné seul. J’ai l’espoir que l’équipe que Z formerait avec Jean Messiha et Philippe de Villiers pourrait, de l’extérieur, en privant LR d’oxygène, faire passer la barre au RN. Non pas que je rêve de Marine présidente mais il faudra bien, et ce sera douloureux, déloger la caste socialo LR La Ratatouille indéboulonnable depuis 40 ans. Ne serait ce que pour l’hygiène.
Tactiquement si j’étais à la stratégie du RN je ne changerais pas fondamentalement le cap vers la respectabilité, mais je mettrais discrètement en place des passerelles vers les influenceurs axés sur le dénigrement systématique, bête et méchant, des pantins petits bourgeois 68tards ripoublicains. Les guignols de l’info 2022. Un second front pour mettre les ricaneurs dans son camp.
“(…) des passerelles vers les influenceurs axés sur le dénigrement systématique”
C’est justement ce qu’a lancé le parti Sverigedemokraterna en Suède avec le canal “Riks” sur Youtube. C’est efficace pour lever les lièvres hypocrites, mais il manque une partie plus constructive: que faire après?
Je suis d’accord avec vous c’est pourquoi j’ai parlé d’un deuxième front, pour deux publics: les ricaneurs d’un côté et les angoissés de l’autre. Ce qui vient après n’est pas encore connu. De personne, puisque la très grande majorité raisonne sur des prédicats modernes dépassés (cf. Michel Maffesoli). Il faudra marcher sur le feu encore un bon moment. Dix ans par là, où tout peut arriver.
Je ne me prononcerai pas sur la réponse.
Ce que je constate c’est qu’en dépit de la « dédiabolisation » du RN, les droites, déjà bien séparées, ne sont pas prêtes à s’y allier. On est frileux ou on ne l’est pas !
Donc, effectivement, il n’est pas sûr que Marine soit au 2ème tour. La gauche, prête à tout, fait front commun avec les écolos et Mélenchon lui-même y viendra. Nous risquons donc de voir un duel Macron/la gauche et, ce jour-là, j’irai cueillir du muguet (ou chercher des œufs de Pâques?) mais certainement pas aux urnes.
:vous plaisantez ou quoi? il s agit avant tout de mettre un terme a la macronie, qui a detruit la france.
il s agit de faire non pas un front contre le rn mais bel et bien un front contre macron!
donc quelque soit l adversaire de macron au second tour je voterais pour lui .
merluche ou lepen peu importe… je voterai pour celui qui boutera macron hors de la vie politique et l enverra dans les poubelles de l histoire en esperant qu il soit jugé un jour , lui et sa clique de sbires …
Bravo Philippe…c’est ce que l’on appelle avoir le sens des priorités, un critère de l’intelligence ..
C’est pourtant simple à comprendre mais il faut pour cela oublier les sondages et les % bidonnés des “merdias” officiels. Les français , en groupes que l’on peut relativement bien identifier , vont chercher à l’occasion de la “présidentielle” la solution politique qui leur paraît la plus susceptible d’apporter des solutions concrètes à leurs inquiétudes actuelles .Crise grave oblige , on est dans une élection qui fonctionnera par adhésion plus que par rejet ( de LePen , de Macron…etc ) . Comme le “système”politicard ne peut/veut pas s’adapter , il va présenter ses habituels tocards , LePen en tête . Cette absence d’offres novatrices ( ou d’hommes providentiels ) va provoquer une forte abstention , surtout des classes populaires ( un max donc chez LePen ) et les retraités ( 17 millions ) , ceux qui votent le plus , éliront alors un notable/élu médiocre et rassurant , du style Président du Sénat…ou autre ( et Macron a donc sa chance puis que çà va se jouer dans la tranche de 20% des inscrits ).
Compte tenu du mode de sélection à trois tours voire quatre en cas de primaires , on ne sait même pas qui sera vraiment candidat