Par Thomas Leroy - Le nouveau chancelier Olaf Scholz a présenté mercredi dernier son cabinet fédéral. Parmi certains choix qui provoquent de l’étonnement, le dossier de la défense, qui passe aux mains de Christine Lambrecht. Également du parti social-démocrate (SPD) comme Scholz, et avant ministre de la justice, elle a en commun avec ses deux prédécesseurs d’avoir eu aucun rapport antérieur avec la défense. Lambrecht reprendra les mêmes priorités : lutter contre le problème démographique dans l’armée et résoudre les problèmes d’acquisition ainsi qu’une réévaluation courante des OPEX, promise dans le contrat de coalition suite au désastre du mois d’août en Afghanistan. Étonnant pour le moins : le volte-face du SPD sur le sujet sensible des drones armés.
1.Pas de réelle césure avec l’ère Merkel.
Après 16 ans d’Angela Merkel, la coalition tricolore (Sociaux-démocrates, Libéraux, Verts) devrait s’annoncer comme un nouveau commencement. Du moins, c’est ce que déclare Scholz. Néanmoins, il incarne comme personne d’autre en tant qu’ancien vice-chancelier la volonté de continuité avec la politique de Merkel, comme nous le démontrions ici. C’est donc surtout au niveau du personnel qu’un changement a lieu.
2.La défense, sujet négligé sous Merkel, passe aux mains des sociaux-démocrates.
Le sujet de la défense est passé remarquablement inaperçu dans l’opinion allemand lors des élections. D’ailleurs, la chancelière elle-même n’y avait porté que peu d’attention, mise à part la tourmente médiatique autour de la fin du mandat allemand en Afghanistan cet été. C’est dans ses derniers mois seulement que la ministre de la défense sortante, Kramp-Karrenbauer, avait proposé des réformes internes. Planification pour le moins étonnante, laissant penser à un manœuvre afin de se rendre indispensable auprès de son propre parti après l’élection, si l’on en croît les rumeurs courant le Bundestag… Manque de chance, le CDU se retrouve désormais dans l’opposition.
3.Les trois priorités de la nouvelle ministre.
C’est dans sa première allocution que la nouvelle ministre de la défense Christine Lambrecht annonce trois priorités :
a)La démographie.
Problème allemand bien connu, le manque de recrues empêche la Bundeswehr à remplir ses directives, elle se voie face à un âge moyen rampant dans ses rangs. L’introduction du nouveau grade de caporal cet automne souhaite y porter un premier remède, afin d’allonger la carrière dans l’équipe et de la rendre donc plus rémunératrice. La revalorisation de ce parcours veut éviter l’actuelle concentration sur les grades les plus élevés.
b)Les problèmes d’acquisition de matériel.
Il ne s’agit pas ici d’une question d’argent. Parmi d’autres, c’est le contrôle parlementaire exigeant qui pose des verrous quasiment incontournables. Pour exemple : Toute dépense de l’armée allemande qui s’élève au-dessus de 25 millions d’Euros devra forcément être approuvée par deux commissions différentes du Bundestag (défense et budget). Ensuite, d’éventuels changements doivent être pris en compte, ce qui peut retarder ou même remettre à zéro les calculs du ministère. Ici, réformer signifierais restreindre le pouvoir des institutions parlementaires, et les majorités nécessaires à cette fin seront donc difficiles à obtenir.
c)Une réévaluation permanente des OPEX.
Promise dans le contrat de coalition, il s’agit de mettre en place une stratégie de sortie des OPEX. C’est avant tout les missions maliennes MINUSMA et EUTM MALI qui seront mises en revue, par peur d’un « second Afghanistan » sans fin. Le faible soutien aux troupes françaises sur place pourrait ainsi encore diminuer. Tout comme la France qui a réduit ses effectifs, l’Allemagne se questionne sur le sens même de la mission suite au putsch du colonel Goïta et l’ingérence russe dans le pays.
4.Volte-face du SPD sur les drones armés.
Longtemps sujet de dispute entre les deux partis de la dernière coalition gouvernementale, le SPD s’était jusqu’à présent toujours opposé au CDU sur l’achat de drones armés. Au sein du parti, les opposants argumentaient surtout avec une incompatibilité avec les droits de l’homme, lorsqu’un drone piloté lance une attaque. Le sujet avait même mené à la démission du porte-parole du parti l’an dernier. Les défendeurs y voient une nécessité pour la protection des soldats, qui d’ailleurs dans certains cas éviterait les dégâts collatéraux de l’artillerie classique. Une fois les élections passées, l’opposition du SPD s’est transformée en consentement. Du moins, c’est ce qu’indique l’accord de coalition…
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