Voici la treizième d'une série de leçons libertariennes par Nicolas Bonnal. Que nous nous définissions plutôt comme "conservateur", "Old Whig" (à la Edmund Burke) républicain (tel le Romain Cincinnatus au Vè siècle avant Jésus-Christ, représenté ci-dessus par Bénouville, en 1844, qui retournait à sa charrue sans s'attarder un jour de plus à Rome quand il avait sauvé la ville des dangers qui planaient sur elle ) ou libertarien, nous partageons un constat, qui est aussi une conviction, un état d'esprit: nous voulons préserver les libertés fondatrices de nos sociétés. La France, l'Angleterre, les Etats-Unis et d'autres nations témoignent de la même expérience: leurs libertés se trouvent à l'origine de leur histoire; et beaucoup de ceux qui prétendent agir au nom du progrès ont en fait une attitude profondément liberticide! En nous faisant relire, tout au long de l'été, Goethe, Joseph de Maistre, Nietzsche, Thoreau, Burke, Tocqueville etc... - aujourd'hui Vighil Gheorgiu romancier prophétique - Nicolas Bonnal se propose de renforcer nos capacités à résister aux tyrannies contemporaines, l'occidentale et les autres
« Ce qu’une machine fait, nous le perdons » (Star Trek, film Insurrection)
Les machines nous tiennent, nous réduisent, nous contrôlent et vont nous annihiler.
Nous y sommes car nous avons devant nous une conspiration avec des moyens techniques et financiers formidables, une conspiration formée exclusivement de victimes et de bourreaux volontaires. On a vu les bras croisés le cauchemar s’asseoir depuis la mondialisation des années 90 et la lutte contre le terrorisme, puis progresser cette année à une vitesse prodigieuse, cauchemar que rien n’interrompt en pleine apostasie catholique romaine. La dégoûtante involution du Vatican s’est faite dans la totale indifférence du troupeau de nos bourgeois cathos, et on comprend ce qui pouvait motiver Drumont, Bloy ou Bernanos contre une telle engeance de bien-pensants. Un pour cent ou un pour mille de résistants ? Le reste s’est assis masqué et a applaudi.
Cassandre et Laocoon
La situation est pire que sous le nazisme ou le communisme, car à cette époque elle était localisée. Il y a des Thomas Mann, il y a des Soljenitsyne pour témoigner, pour tonner contre, comme dit Flaubert. Là, la situation techno-nazie de Schwab et consorts est et sera globale. La crise du virus a déclenché une solution totalitaire planétaire et des expédients ubiquitaires et démentiels. Certes c’est surtout l’occident la cible, et cette vieille race blanche toujours plus gâteuse, que je mettais en garde il y a dix (Lettre ouverte) ou trente ans (La Nuit du lemming). Mais c’est le propre des Cassandre de n’être jamais crus ou des Laocoon d’être étouffés par les serpents. Lisez dans Virgile l’entrée du cheval dans la cité de Troie pour comprendre. Après la mort de Laocoon le peuple troyen enjoué abat les murs et laisse entrer la machine pleine de guerriers. Allez, un peu de latin :
“Diuidimus muros et moenia pandimus urbis”.
(Nous ouvrons les murs et nous abattons les fortifications de la ville)
Nous sommes donc à la veille d’une gigantesque extermination et d’un total arraisonnement. Et tout cela se passe facilement et posément, devant les yeux des victimes consentantes ou indifférentes que nous sommes. Nous payons ici l’addition de la technique et de notre soumission. De Chateaubriand à Heidegger elle a été rappelée par tous les penseurs (voyez ici mes chroniques). C’est cette dépendance monotone qui nous rend incapables de nous défendre contre les jobards de l’économie et de l’administration qui aujourd’hui veulent faire de leur troupeau humain le bifteck de Soleil vert ou les esclaves en laisse électronique. Et le troupeau est volontaire, enthousiaste comme disait Céline avant juin 40.
Chateaubriand dans ses Mémoires :
« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ?
C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n’étaient point commis de sang-froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. À cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d’une manière différente, c’est qu’on n’était pas encore, ainsi qu’on l’ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l’homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu’on peut en tirer d’utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries ».
Voilà pourquoi les parlements et les administrations ne seront arrêtés par rien. Le troupeau renâclera peut-être trois minutes mais il se soumettra comme les autres fois sauf qu’ici ce sera global et simultané. Quant aux minorités rebelles (1% tout au plus) le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ne sont pas très agissantes…Elles cliquent.
La Vingt-Cinquième Heure
Dans la vingt-cinquième heure Virgil Gheorghiu dénonce avec son personnage Trajan notre déchéance liée au progrès, au confort, à la technique, à la bureaucratie, ce qu’on voudra. Et cela donne :
« Nous apprenons les lois et la manière de parler de nos esclaves pour mieux les diriger. Et ainsi, peu à peu, sans même nous rendre compte, nous renonçons à nos qualités humaines, à nos lois propres. Nous nous déshumanisons, nous adoptons le style de vie de nos esclaves techniques… »
Cela explique pourquoi l’homme moderne fils des droits constitués et pas gagnés se laisse liquider partout si commodément.
« L’homme moderne sait que lui-même et ses semblables sont des éléments qu’on peut remplacer ».
Celui qui ne veut pas de leur ordre nouveau sera liquidé ou marginalisé (pas de restau, de magasin, de transport, d’eau, d’électricité). Georghiu, futur prêtre orthodoxe, le dit :
« Ceux qui ne respectent pas les lois de la machine, promue au rang des lois sociales, sont punis. L’être humain qui vit en minorité devient, le temps aidant, une minorité prolétaire ».
L’humain déshumanisé, Gheorghiu l’appelle le citoyen technique :
« Les esclaves techniques gagneront la guerre. Ils s’émanciperont et viendront les citoyens techniques de notre société. Et nous, les êtres humains, nous deviendrons les prolétaires d’une société organisée selon les besoins et la culture de la majorité des citoyens, c’est-à-dire des citoyens techniques ».
Et comme Chateaubriand Gheorghiu rappelle :
« Dans la société contemporaine, le sacrifice humain n’est même plus digne d’être mentionné. Il est banal. Et la vie humaine n’a de valeur qu’en tant que source d’énergie ».
Et de conclure moins lugubre que visionnaire :
« Nous périrons donc enchaînés par les esclaves techniques. Mon roman sera le livre de cet épilogue… Il s’appellera la vingt-cinquième heure. Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. Ce n’est pas la dernière heure : c’est une heure après la dernière heure. Le temps précis de la société occidentale. C’est l’heure actuelle, l’heure exacte ».
Le bolchevique et le troupeau des Troyens euphoriques
Je dis moins lugubre que visionnaire car il est temps de voir et de dire que tout cela est au final scientifique et juste, comme disait l’orthodoxe Vladimir Volkoff. Volkoff disait que le bolchévique c’est celui qui en veut plus, idéaliste, progressiste, banquier central, militaire ou agent secret ou même journaliste. Le troupeau c’est celui qui n’y croit pas ou ricane et de toute manière se soumet. C’est celui qui en veut moins. C’est le troupeau des troyens euphoriques.
« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ? »
Croire, effectivement, que telle ou telle réforme dans le gouvernement des nations peut changer la vie morale de l’homme serait une étrange illusion ; on peut lui donner des progrès matériels, des réformes économiques avantageuses aux masses, on n’atteindra pas les profondeurs de sa vie psychique.
Or, ce sont les souffrances morales qui rendent l’existence amère. L’homme porte en lui une blessure profonde qui a été faite, dans le passé, à la tête et au cœur de l’humanité par ses criminels ancêtres. Ce sont eux qui, en étouffant la Vérité, en avilissant la Femme, en donnant à leurs descendants l’exemple de toutes les lâchetés, ont été la cause première de toutes les souffrances accumulées pendant des siècles sur la tête des générations montantes. L’homme actuel en est la victime. Il naît esclave d’un atavisme lointain qui le sollicite à refaire la terrible expérience du mal, malgré les cataclysmes sociaux qui en ont démontré les redoutables conséquences.
Cependant, la maladie dont souffre l’humanité n’est pas fatalement mortelle ; on peut la guérir, car, si le mal a souvent triomphé, le bien aussi a évolué, et ses Victoires, quoique moins bruyantes que celles de son terrible adversaire, ont laissé une profonde empreinte dans la Nature humaine.
Aujourd’hui, la lutte est décisive : ou l’effondrement des nations dans la dégénérescence des masses, ou la brillante renaissance depuis si longtemps annoncée ! Et que les sceptiques ne viennent pas nous dire que c’est un rêve irréalisable. Il suffit, pour en faire une réalité, de rétablir dans le monde : Le respect de la Vérité.
Remettre dans le monde la « Vérité », combattre toutes les erreurs, faire la guerre au mensonge, à l’hypocrisie qui le couvre, à la fausseté qui l’excuse ou le justifie ! Voilà le premier point à réaliser, car c’est de la Vérité, seulement, que peut sortir la concorde, et la Vérité manque dans l’ordre social parce qu’elle manque dans l’ordre moral. L’erreur s’est glissée partout, qu’elle soit religieuse, philosophique ou scientifique, elle règne en souveraine maîtresse, on l’impose par suggestion social, elle est dans nos mœurs, elle est dans l’enseignement donné à nos Enfants, elle est dans nos institutions. Nous en sommes tellement imprégnés que nous n’en avons plus conscience, nous avons fait de cet état de choses notre état normal. Pendant des siècles l’esprit humain a été enfermé dans un réseau d’erreurs, et nos institutions modernes, qui en dérivent, sont pour lui comme un instrument de torture qui veut le forcer à prendre une direction qui n’est pas celle que lui avait donnée la Nature…
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