Les industriels allemands entreprennent de quitter massivement la Patrie et de déplacer leurs usines vers des pays où les coûts de production sont plus bas. Cette question n'est pas nouvelle. Mais dans le monde contemporain actuel, ce choix n'est pas si simple. L'impact des prix élevés de l'énergie peut transformer en un échec complet les ventes de produits « Made in Germany ». Car les clients continuent de payer pour une qualité allemande dont la réputation est notoire. Cependant, cette qualité n'est plus ce qu'elle était ...
Cet article de Ivan Rybine a été publié en russe sur le site svpressa. Il n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier.
Tanja Genner, directrice générale du Syndicat des industriels allemands (BDI) est lucide : « Une entreprise allemande sur quatre envisage de déplacer sa production vers d’autres pays en raison de la crise énergétique. Les prix élevés de l’énergie et l’affaiblissement de l’économie frappent durement l’Allemagne, et les entreprises locales traversent une période plus difficile que celles des autres pays. Le modèle économique allemand est soumis à d’énormes tensions. Dans les conditions actuelles, les représentants des entreprises allemandes demandent aux autorités du pays d’introduire des mesures pour protéger l’économie nationale. Sinon, l’Allemagne prendra un virage dangereux ».
Aucune précision n’est apportée quant au « virage » en question. Mais cela rappelle le « chien à cinq pattes » dans l’œuvre du célèbre écrivain russe Viktor Pélévine, « Homo Zapiens » : ce chien dort quelque part dans le Nord ; mais lorsqu’il se réveille, alors les catastrophes commencent … L’Allemagne se réveille et le pays dans son ensemble ne va pas très bien. La moitié des Allemands sont passés au régime de la plus grande austérité, tant dans la vie quotidienne que dans l’ensemble des usines.
Donc, « je dois partir » ! Ce n’est pas très patriotique, mais qui peut critiquer cette décision ? « Le chat a abandonné les chatons et ceux-ci survivent comme ils peuvent ». Et le « chat » à l’étranger a non seulement laissé ses enfants, mais dans son pays, il a créé une aubaine pour le GNL, le pétrole et d’autres ressources coûteuses. Rien de personnel, voyez-vous ; c’est juste du business. Alors qui blâmer, comment et pourquoi ? Peu importe.
S’implanter à l’international aujourd’hui n’est plus une opération facile
Dans les réalités de ce début du 21e siècle, ce n’est plus une tâche si facile que de partir. Tout d’abord, les endroits les plus « agréables » sont déjà pris. En premier lieu, bien sûr, la Chine. Or, on a l’impression que les autorités allemandes veulent se quereller avec l’Empire céleste. Ainsi, Olaf Scholz a fait des déclarations « étranges » récemment, sans d’ailleurs les argumenter de façon précise. Qu’a-t-il dit ? Nous voulons éliminer la dépendance aux produits chinois. Mais il sait bien que le pays ne le peut pas. La suite a donc été laissée entre parenthèses, elle n’a pas été prononcée bien qu’elle soit déjà connue de tous. Il existe déjà pas mal d’usines allemandes en Chine, et compte tenu de l’évolution des autorités locales vers une économie totalement autosuffisante, il est peu probable que de nouvelles usines soient autorisées à s’y installer.
Il faut donc d’autres alternatives. L’Inde ? Les autorités sont également attachées à leur autonomie et l’industrie locale fonctionne plutôt bien. En Iran ? Les Allemands ne sont certainement pas attendus avec des fleurs : la « RFA », à la suggestion des États-Unis, a fait usage de fortes pressions sur ce pays par le biais de sanctions. Le Viêt Nam ? Les Japonais y sont fortement implantés et tous les sites intéressants sont occupés. De plus, les ressources en main-d’œuvre sont limitées. C’est la même situation dans les autres pays voisins.
De l’autre côté de l’Atlantique aussi, tout semble décourageant. L’option des États-Unis et du Canada s’éloigne. Et les « Yankees » ne laisseront pas non plus les Allemands entrer au Mexique. De toute façon, il n’y a pas grand-chose à faire là-bas. Bien sûr, l’usine Volkswagen de Mexico fonctionne correctement. Mais compte tenu du niveau d’éducation plutôt faible de la population dans son ensemble, il n’y a pas de grandes ressources en main-d’œuvre qualifiée. Les infrastructures font également défaut. Par conséquent, il faudrait construire des zones industrielles à partir de zéro. Naturellement, il y a pas mal de ressources énergétiques : le pétrole local et celui du Venezuela est à proximité. Mais ce n’est pas une grande consolation.
Il est également peu probable que les Brésiliens soient intéressés par le « débarquement » des constructeurs allemands. Le pays se dirige vers une économie indépendante. Il y a bien l’option de l’Argentine, et ce d’autant plus que le pays compte une puissante diaspora allemande. Mais la qualité des infrastructures est mauvaise et le secteur de l’énergie est trop éloigné des approvisionnements pour être performant. Alors l’Afrique ? Personne n’y songe… Il est plus facile de confier du travail aux pingouins antarctiques …
Personne ne croit plus au capitalisme à visage humain
Le géostratège Andrey Shkolnikov commente cette situation de la façon suivante : « Du point de vue des entreprises « errant » sur la planète, le monde est la fois « un et diversifié ». A sa surface, il y a des « îles » séparées : des colonies et des entreprises, avec des succursales et des bureaux de représentation. Les autorités et les lois locales ont exactement la même caractéristique de fond que le climat, la faune, la diversité naturelle, etc. Mais le personnel expatrié de ces entreprises vit exclusivement selon les lois de sa société. Et les lois locales ne sont pas respectées ou sont observées au minimum. La population locale est, au mieux, composé d’indigènes, de gens de seconde classe, ou au pire, il n’y a pas des gens du tout. Les dirigeants d’entreprise – les « corps » du mot corporation – se présentent avec arrogance comme des aigles qui peuvent voler partout, mais interdisant aux animaux locaux de ne pas aller au-delà de la vallée. Et l’attitude envers les autorités locales est « appropriée »».
Pour Shkolnikov, la conduite des affaires est souvent brutale : « Dès qu’une entreprise dans l’une ou l’autre partie de la planète devient non rentable, elle est abandonnée impitoyablement, jetant les travailleurs à la rue. Après le départ des entreprises étrangères, il reste des paysages lunaires de chantiers, des forêts abattues, des écosystèmes complètement détruits et une économie locale exsangue. Tout le bénéfice a été transmis à la structure « mère ». Tout cela a été vu des centaines et des milliers de fois. Personne ne croit plus depuis longtemps au « capitalisme à visage humain » Mais la fameuse déclaration du syndicaliste britannique Thomas Dunning sur les 300 % de profit (1), au contraire, est très pertinente ».
Les « Corps » ne sont attendus nulle part, en Chine en particulier. Ils ont fait leur travail en apportant dans le pays des technologies de pointe. Pas gratuitement évidemment … mais en échange du travail de centaines de millions de Chinois. Travail gratuit, en fait. En échange, ils ont donné des billets verts que la Chine ne peut pas dépenser. Alors, cet exemple est devenu présent à l’esprit de tout le monde. Si bien que les Indiens, les Brésiliens et les citoyens d’autres nations ne veulent pas voir d’Européens dans leur pays.
Les États-Unis ont leurs propres « corps », très actifs dans le monde entier. Et ils n’ont pas besoin de concurrents. Et d’ailleurs, ils contrôlent les Européens. L’Allemagne est toujours occupée, avec les bases militaires des Yankees. Tout semble donc fermé.
Le « Made in Germany » produit à l’étranger est-il de qualité ?
Abordons un autre aspect du transfert de production depuis l’Allemagne : est-ce ce sera toujours la même « qualité allemande » ?
« Avant, je conduisais une Mercedes, et maintenant j’ai une Hyundai Genesis. La qualité des Allemands n’est plus la même, et par conséquent, cela n’a aucun sens de surpayer. Car tout est désormais fabriqué à partir de composants chinois ». Si vous croisez aux Etats-Unis une voiture de l’usine Mercedes en Alabama, éteignez les lumières. Un de mes amis, Vladimir, a acheté une Emelya (crossover Mercedes ML – “SP” ), qui a été assemblée localement. « Je pense qu’il faut expulser l’escroc qui dirige l’usine » m’a-t-il dit. « C’est pire que ce que nous avions en URSS. Personne n’achètera désormais leurs voitures » déclare ce propriétaire.
Et qu’en est-il des machines-outils à travailler les métaux ? Ou un autre produit de haute technologie ? Tant qu’ils portent la marque « Made in Germany », ils sont encore achetés, quel que soit le prix, car la qualité est considérée comme toujours au meilleur niveau. Mais malheureusement, ce ne sera pas toujours le cas. L’ordre allemand commence à se fissurer. Pour le moment, cela passe. Mais que se passera-t-il si les « pingouins » commencent à fabriquer ces mêmes machines ?
Le choix de revenir en Russie …
En fait il y a bien une option pour les Allemands : établir une coopération avec la Russie.
Pas en mode « colonial », mais en mode normal, à long terme. Mettez en place une production à cycle complet ici et réalisez des bénéfices, apportant simultanément des avantages à la Fédération de Russie sous la forme de nouvelles technologies. Nos sources d’énergie sont bon marché, les matières premières aussi, mais tout cela peut être rendu encore moins cher. De plus, nous avons des gens compétents, travailleurs et très précis – une excellente ressource. Du moins, pas pire que les Allemands!
Il existe de nombreux exemples positifs de ce partenariat. Ainsi, la société allemande Xella (fabricant de béton cellulaire sous la marque Ytong), malgré les sanctions, continue de travailler dans notre pays, car ses produits sont très demandés. La qualité est également au rendez-vous. Qu’est-ce qui empêche d’organiser la même chose dans l’industrie des machines-outils, l’industrie automobile et d’autres industries ?
L’amitié des Russes et des Allemands est le pire rêve des Anglo-Saxons et d’autres « cosmopolites déracinés ». Actuellement, bâtir ce partenariat n’a tout simplement aucune chance de se réaliser. Il n’est pas facile d’organiser une telle coopération. Mais c’est possible si l’on veut. Cependant, cela nécessiterait de sérieux changements, tant dans les cercles dirigeants de la RFA qu’au sommet de la Fédération de Russie.
(1) Quand le profit est adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 pour cent, et on pourra l’employer partout ; à 20 pour cent, il s’anime, à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100 pour cent il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 pour cent, il n’est pas de crime qu’il n’osera commettre, même s’il encourt la potence.
Humour russe?
Je ne sais pas si c’est de l'”humour russe” et c’est vrai que l’on pourrait penser que cette analyse ne voit midi qu’à la porte de son auteur, il n’empêche que ce serait un sacré retour de bâton qui, moi, m’a fait largement sourire. A la fin ce serait quand même à s’écrouler de rire si toutes les entreprises qui ont fui la Russie par esprit de sanction étaient à nouveau contraintes de quémander une place afin de pouvoir juste produire.
Les electeurs allemands sont les complices de ceux qui détruisent leur pays. Se plaindre est alors indécent.
Déménager les usines de production industrielle est certainement moins écologique que de construire des pipelines énergétiques. Mais le G7 est totalement incohérent. L’Europe continentale (3 pays) y est largement sous représentée.