Comme beaucoup, j’assiste au vieillissement progressif d’une espèce à part: les énarques conservateurs, sur la toxicité de certains desquels il n’est pas inutile de s’interroger. Au fil des expériences, en effet, on les retrouve empreints de leurs certitudes : sur leur légitime supériorité, sur leur droit d’origine quasi-divine à profiter du système, sur leur compréhension clairvoyante d’un monde qu’ils n’ont pas vu changer, sur les bienfaits d’un entre-soi où la culture de l’excuse est la valeur dominante. Je voulais illustrer ce sujet en rapportant quelques anecdotes tout à fait personnelles sur les effets toxiques de cette morgue propre à un groupe qui condamne la droite à l’obsolescence et aux oubliettes.
Hier midi, je recevais à déjeuner un énarque conservateur à la retraite. Je ne citerai pas son nom, mais je voudrais le remercier, car il m’a inspiré ce papier où je voudrais rassembler quelques souvenirs au fil de l’eau où les mêmes causes produisent les mêmes effets : au sein de la caste, un groupe particulier, celui des énarques conservateurs, a joué, joue encore par son immobilisme brejnévien et ses certitudes bien ancrées, un rôle particulièrement toxique tant pour la droite que pour le renouveau du pays lui-même. Dans l’inventaire que nous devons dresser sur ce que nous devons garder ou pas dans le monde d’après, ceux-là méritent un sort particulier.
Énarques conservateurs, noblesse et abus des privilèges
Le camarade que je recevais hier m’a donc expliqué qu’il appartenait à la noblesse, et qu’il était bien normal que les nobles touchassent des pensions pour vivre sans travailler. En bon enfant du lumpen proletariat qui vit de son seul travail, j’ai évidemment réagi avec mon épouvantable caractère en l’agonissant de remarques désagréables. À ma décharge, je n’en étais pas à mon coup d’essai : il y a quelques années déjà, un autre énarque conservateur, proche de Sarkozy et désormais proche de Valérie Pécresse, avec qui je déjeunais, m’avait servi la même soupe.
Depuis Louis XIV, les Français ont l’habitude de voir leurs dirigeants s’enrichir grâce à l’Etat, et ils sont d’accord avec ce principe.
Un proche de Valérie Pécresse
Dans le cas de ce convive, l’exercice était allé assez loin, puisqu’il n’avait pas hésité à « caser » sa femme dans une riche institution paritaire (gouvernée par les syndicats de patrons et de salariés) où elle grenouillait dans une parfaite inutilité et une grande incompétence. Toute la famille vivait donc sur le dos de la bête, en donnant des leçons de libéralisme à la planète entière.
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Merci pour ce beau portrait réaliste de l’énarchie où « La loi de la famille est celle du silence : on s’entraide et on se couvre les uns les autres. » Comme toute bonne famille mafieuse elle s’assied sur la loi officielle.
Le plus étonnant est qu’il n’y ait pas eu plus de morts violentes, comme cela existait dans la noblesse, en cas de conflit. Est-ce la mollesse et la médiocrité partagée, qui permet de sanctionner l’irresponsabilité par de généreuses mises au placard doré?
La génération Z (1997-2012) hérite de ce bel exemple de succès qui lui permet de se croire habilitée à obtenir tout ce qu’elle veut sans avoir à travailler pour cela.
Le service de l’Etat, prétexte pour vivre sur le dos de la bête ou exigence impliquant un certain désintéressement personnel.
Entre profit matériel immédiat, illusion du pouvoir et satisfaction intellectuelle et morale du devoir accompli, dans l’idéal il faudrait choisir.
Paresse ou désabusement, les valeurs s’inversent et l’Etat passe au service de ceux-là même qui sont censés le servir.
C’est ennuyeux et coûteux, simple à résoudre dans le principe, mais c’est un combat perpétuel pour y parvenir, si tant est que la volonté existe.
Cette école de l’ENA ne sait fournir que des Administratifs Non Essentiels, et vous ne découvrez cela qu’aujourd’hui?