Guérir la migraine sans médicaments, par Nelly Fouks et le Dr Chaudot

Migraineux depuis son plus jeune âge, le Docteur Jean-Pierre Chaudot, s’est intéressé très tôt aux mécanismes d’installation de ces maux de tête particuliers. Résultat : il a pu mettre au point une méthode révolutionnaire, basée sur la respiration. A découvrir et adopter par tous les migraineux .

Docteur Jean-Pierre Chaudot

Avant d’aller plus loin, pouvez-vous nous expliquer ce qui différencie la migraine des autres maux de tête ?

La migraine est une céphalée primaire, c’est à dire un mal de tête qui n’est pas provoqué par une autre pathologie. Pour répondre à la définition de l’IHS (International Headache Society), elle doit avoir au moins 2 critères parmi les suivants

- douleurs localisées d’un côté de la tête, - céphalée lancinante ou pulsatile, - douleur modérée ou sévère, - douleur exagérée par l’effort ou les activités habituelles

Et un au moins des symptômes suivants :

- nausées ou vomissement, -intolérance à la lumière et au bruit, - aucun mal entre les crises

En l’absence du caractère pulsatil de la douleur lorsque la crise est à son maximum, sans augmentation de la douleur à l’effort, la probabilité d’être en présence d’une migraine devient faible sans être nulle.

Vous évoquez un test pour identifier la migraine. De quoi s’agit-il ?

Il est basé sur la physiopathologie de la migraine car pour guérir, les migraineux doivent avant tout comprendre les mécanismes de cette maladie. C’est pourquoi j’ai mis au point un test qui leur permet de savoir dès l’apparition de la douleur s’ils souffrent ou non à ce moment précis d’une migraine. Je leur propose d’effectuer, en l’absence de crise, quelques mouvements d’hyperventilation, le plus profondément et le plus vite possible. Concrètement, il leur faut inspirer puis souffler à fond, en vidant complètement leurs poumons comme s’ils voulaient gonfler un gros ballon, ce qui provoque un léger vertige. Le migraineux doit faire ce test plusieurs fois de suite juste pour connaître le nombre exact de respiration profonde nécessaire pour que le vertige se produise. En fonction des particularités de chacun, 3 à 8 de ces mouvements sont nécessaires et il convient de recommencer l’opération plusieurs fois pour savoir avec précision après combien de ces mouvements respiratoires, la tête commence à tourner.

Quel est le but de ce test ?

Le vertige est dû à une élimination excessive de gaz carbonique, un gaz acide. En l’éliminant rapidement, on provoque une alcanisation du milieu sanguin ce qui entraîne une sensation de tournis pendant quelques secondes. Si mes patients n’ont pas la tête qui tourne légèrement après 3 à 8 mouvements d’hyperventilation (le nombre varie en fonction de chacun), je peux affirmer qu’ils souffrent de migraine. En effet, lors d’une migraine, nous nous mettons sans en avoir conscience en hypo-ventilation. Dès qu’ils ont le moindre mal de tête, les migraineux sévères (plus de 4 crises par mois) ou chroniques (plus de 15 jours par mois) ont toujours la crainte que cela ne dégénère en migraine. Parce que sur un début de mal de tête, quand la crise n’a pas atteint toutes les caractéristiques de la douleur migraineuse (à savoir, augmentation de la douleur à l’effort, caractère pulsatile de la douleur, phono-photophobie , nausée, vomissement), il est impossible de savoir d’emblée s’il s’agit ou non d’une migraine. Pour les aider à faire le point je propose ce test qui permet de faire la différence avec certitude entre céphalée non migraineuse et migraine, en apportant de plus une excellente preuve du fonctionnement de la migraine. En effet, lors d’une migraine, nous nous mettons sans en avoir conscience en hypoventilation car nous bloquons notre respiration. Si nous avons déjà souffert de migraine, que nous avons mal à la tête et/ou que se développe un symptôme inconnu, nous retenons notre souffle dans l’attente anxieuse de voir ce que va devenir ce mal de tête ou ce symptôme inconnu. Va-t-il durer longtemps et s’aggraver ? La migraine avec aura visuelle au cours de laquelle on se demande si on va devenir aveugle en est un exemple typique. Ceux qui en souffrent pour la première fois retiennent leur souffle, la crise commence à s’installer et plus elle s’installe, moins ils respirent. Ils prennent rendez-vous chez leur médecin qui les rassure : « ne vous inquiétez pas, les signes visuels de la migraine disparaissent toujours en 1/2h, mais vous souffrez et je vous donne un traitement contre la migraine qui va vous soulager. » Lors de la crise suivante, ils ne s’affolent plus à cause des signes visuels mais ils retiennent leur souffle dans l’appréhension de la douleur. J’ai pu comprendre que la migraine est toujours provoquée par une mauvaise élimination du gaz carbonique. Ses symptômes sont d’ailleurs les même que ceux d’une intoxication à ce gaz, après laquelle notre organisme peut mettre jusqu’à 3 jours pour retrouver sonéquilibre initial. A comparer avec la migraine dont la définition officielle précise qu’elle dure de 4h à 72 heures. Ce qui veut dire que lorsque vous souffrez d’une migraine, elle risque fort d’être encore là pendant les 2 jours suivants. D’autre part, lorsque les patients ont fait 2 ou 3 crises très rapprochées, ils s’installent dans un cercle vicieux d’appréhension migraineuse qui peut leur faire retenir leur souffle. Ajoutons que les crises sont tellement douloureuses et handicapantes qu’il est impossible de s’imaginer en être victime sans cause réelle. Et les migraineux rattachent toujours leurs crises à un facteur déclenchant qui les fait se mettre consciemment ou non en état d’attente anxieuse de la crise s’ils en croisent un. Parmi les plus fréquents citons la concentration et le stress, les odeurs, le chocolat, les laitages ainsi que l’alcool à doses excessives qui favorise l’hypoventilation.

Quel traitement proposez-vous ?

Je compare souvent la migraine à un incendie. Plus on intervient précocement, plus on a de chance de réussir à la juguler. Voilà pourquoi j’encourage mes patients à faire en prévention, tous les 3/4h 3 à 8 mouvements d’hyperventilation pour ne jamais être pris au dépourvu en cas de crise migraineuse. Je les incite à mettre une alarme sur leur téléphone pour y penser, au moins dans les premiers temps, jusqu’à ce qu’ils aient pris définitivement cette habitude.

S’ils n’interviennent pas suffisamment tôt, que la migraine s’installe et que 45mn d’hyperventilation ne suffisent pas à la calmer, je conseille la prise de 2g d’aspirine (pour les personnes de + 40 kg, 1,5g pour les autres), car l’action anti-inflammatoire de ce médicament se double d’un effet stimulant des centres respiratoires bulbaires. Si le soulagement n’intervient pas dans la demi-heure qui suit, il faut alors recourir aux Triptans, le traitement spécifique de la migraine.

Mais il faut retarder le plus possible la prise de médicament que je considère comme une attitude de soumission à la migraine à laquelle on cède alors sans lutter. Pour guérir, il faut oser la combattre et ne pas céder dès la première bataille perdue parce qu’alors, on risque fort de perdre définitivement la guerre. Mais il est parfois indispensable de battre en retraite et de recourir aux médicaments pour ne pas trop souffrir.

Comment avez-vous mis au point cette méthode ?

J’ai commencé à souffrir de migraines entre 4ans 1/2 et 6 ans. Les médecins qui me suivaient m’ont prescrits de nombreux traitements dont la plupart ont depuis été retirés du marché. Entre 13 et 16 ans, j’ai remarqué que ce qui me soulageait le plus constamment c’était la prise de 2 sachets de Catalgine forte, soit environ 2g d’aspirine mais je ne savais pas pourquoi. Lorsque j’ai commencé mes études de médecine, je me suis penché sur l’aspirine et j’ai compris qu’à une certaine dose à savoir 2g, elle agit comme stimulant des centres respiratoires. Comme j’avais déjà remarqué qu’en pleine crise je bloquais ma respiration, cela a fait tilt. Par la suite, d’autres circonstances m’ont amené à rassembler toutes les pièces du puzzle et j’ai réalisé qu’avant une crise, je bloquais également ma respiration comme le font tous les migraineux. Plus tard, dans ma patientèle, j’ai pu vérifier que mon hypothèse de l’hypoventilation était la bonne.

Je suppose qu’avec un traitement aussi peu cher, vous n’êtes pas reconnu par vos pairs ?

Oui et non. Au niveau local, j’ai une consultation migraine au CHR de Pau ainsi qu’un programme d’éducation thérapeutique validé et financé par l’ARS. Je l’anime avec le Dr Xavier Micouleau, un ancien très gros migraineux aujourd’hui guéri, que j’ai eu en consultation il y a 7 ou 8 ans. Sur une cinquantaine de patients qui ont terminé le parcours, ils ne sont que deux à ne pas avoir progressé. Les autres ont fait de très gros progrès, souvent jusqu’à la guérison.

Par contre, au niveau national, je me heurte à un mur. C’est ainsi que lorsque je suis arrivé à Pau, nous avons fait une étude sur les patients vus à la consultation migraine que je tenais auparavant à l’hôpital de Nevers et qui a donné lieu à une thèse de doctorat en médecine. Elle montrait des résultats positifs avec un recul de 2 à 7 ans sur tous les migraineux traités par l’hyperventilation. Je suis allé la présenter à la J ournée scientifique hivernale de la Société Française d’Etude des Migraines et Céphalées (SFEMC) en décembre 2015 à Paris. Mais les bonnes performances de ce traitement naturel ont laissé l’assistance plutôt indifférente. Récemment, j’ai tenté de nombreuses fois sans succès de contacter le Dr Lanteri Minet, du CHU de Nice, un des grands noms de la migraine en France. Mais lui comme tous les autres n’accordent aucun intérêt à un traitement d’un coût aussi ridicule. Tous sont aujourd’hui axés sur les anti-corps monoclonaux anti CGRP, des produits préventifs de la migraine à prendre en injection sous-cutanée mensuelle.

C’est je crois un traitement fort onéreux. Quelle est son efficacité ?

En France, ces médicaments coûtent entre 250 et 300 euros par mois suivant les pharmacies et ne sont pas pris en charge par l’Assurance Maladie. Ils sont pourtant présentés comme un traitement miracle dont une association de migraineux réclame à corps et à cris le remboursement. La première étude de Novartis destinée à l’obtention de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) a ciblé des migraineux souffrant de 4 à 14 jours de crise/mois. L’étude contre placebo a montré une division moyenne de 3,7 jours/mois contre 1,9 jour/mois pour le placebo. Evidemment, ils sont plus efficaces que les anciens traitements de fond. Mais lorsqu’on sait que le nombre de jours de prise de médicaments de crise en moins se limite à 1,4 jours, et qu’on réalise qu’un jour de migraine évitée revient à + de 175 euros, on hésite à le prescrire, surtout en présence d’un traitement plus efficace et gratuit.

A lire : Bye Bye migraine, du Dr Jean-Pierre Chaudot, aux éditions Dangles

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