Je vous livre aujourd’hui les premières lignes de mon prochain livre (que j’espère terminer au mois de mai), qui sera un traité sur le monde d’après. Comment rebâtir le monde de demain ? Sur quelle base ? Le livre devrait traiter de cette question de façon assez complète. Je vous en dévoile la philosophie générale : les libertariens devraient s’y reconnaître. Ne manquez pas, par ailleurs, la préparation de l’anti-putsch que j’évoque souvent dans ces colonnes.
Imaginer tout un monde, et en particulier le « monde d’après », est une tâche colossale, surtout si on souhaite ne pas se limiter à quelques généralités, mais proposer aussi des solutions opérationnelles, précises, argumentées. Il s’agit au fond d’une immense démarche en entonnoir, et même en alambic : tout en haut, au tout début de la réflexion, il faut brasser des idées larges et simples. Petit à petit, il faut les affiner, les distiller, les laisser mûrir pour obtenir des substances réellement percutantes pour notre époque.
Pour éviter de nous perdre dans un traité ingrat et infiniment émietté, qui ne serait qu’un catalogue épars d’idées ou de suggestions, il est indispensable de commencer par un point de vue panoramique sur ce que nous voulons et sur ce que nous proposons d’une manière générale pour construire le monde d’après. Au fond, avant d’entamer la longue route d’une société nouvelle et de son invention, il faut prendre une boussole et retrouver le nord, le point d’orientation générale à partir duquel toute orientation prend sens.
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Ordre “spontané” ? J’ai plutôt envie d’appeler ça l’ordre “social”, et pas si spontané que ça. Pas forcément généralisé non plus: il peut se créer des sous-groupes plus ou moins importants refusant l’ordre global.
Le terme “spontané” me gêne aussi parce qu’il n’est pas individuellement spontané: l’homme se joint au comportement du groupe par instinct grégaire; ce comportement de groupe est initié par des influenceurs, aujourd’hui facilité par les réseaux sociaux. Où est la spontanéité ?
Ceux que j’appelle “influenceurs” n’auraient-ils aussi pas tendance à devenir des tyrans, voulant supprimer tout comportement social qu’ils n’auraient pas eux-mêmes créé ?
La soumission à l’autorité est une caractéristique majeure de l’être humain, et tout groupe social se cherche “spontanément” un chef quand il n’en a pas, pour se soumettre à lui. Un mammifère social comme l’homme établit forcément une hiérarchie dans un groupe, petit ou grand. Que fait un groupe sans leader ? Rien ou n’importe quoi.
Comment alors parler d'”ordre spontané” ?
Bonjour,
Attendez un peu la suite… La soumission à l’autorité telle que démontrée par Milgram concerne soixante à soixante dix pour cent de la population, quelque soit la culture.
L’ordre spontané est créé par les trente pour cent hors normes qui sont toujours les initiateurs de comportements sociaux nouveaux. Quoi qu’on le trouve également dans la nature. Regardez l’illustration en tête d’article.
J’ai participé à plusieurs expériences d’entraide qui fonctionnaient très bien avec de petits groupes d’une centaine de personnes dans le cadre du développement de la permaculture en Amérique du Sud.
Il n’y avait aucun leader et les compétences, variées, savaient se synchroniser. Mais tous les participants étaient déjà des personnes éveillées à d’autres modes relationnels et n’hésitaient pas à quitter leur pays d’origine pour tenter ce genre d’expérience émancipatrice.
À l’époque les réseaux sociaux n’existaient pas…
Donc… Attendez la parution du livre d’Éric Verhaeghe…
Cordialement
Oh que j’aimerais penser avec vous que tout cela soit possible, dans le meilleur des mondes. Pour affiner votre jugement, je vous recommande chet Eric de visionner le documentaire français “Braguino” (Arte, 2017, 50 min) où la vie rude mais un brin idyllique de ces villageois perdus à 700 km de toute terre habitée dans la taïga russe, en proie à des conflits de clans familiaux, se voit de surcroît violentée par des braconniers sans foi ni… loi qui déboulent soudainement en hélico, armés jusquaux dents, pour se servir et tout saccager. Ah, ces prédateurs cupides et irrespectueux : est ce que ça ne ressemblerait pas à un fameux vice de fabrication de l’espèce humaine ?
NB. Un très beau dossier presse de 20 pages sur le film Braguino, cité plus haut, est disponible en téléchargement sur medias.unifrance.org
impossible de le télécharger, accès interdit
Prenez la tangente : entrez “Braguino dossier presse” dans votre moteur de recherche, et vous pourrez le trouver et le télécharger.
Il faut lire l’aveuglement et la Lucidité de José Saramago auteur portugais prix nobel de littérature en 98 époque ou c’était quelque chose… :
L’aveuglement une mystérieuse pandémie qui rend tout le monde ou presque aveugle
La lucidité : la suite 4 ans après… Dans ‘une élection il y a eu 83% de vote blanc et cela déstabilise tout le personnel politique qui déclare à l’envie que c’est un abus de droit démocratique. Et puis ensuite l’Etat après son déménagement de la capitale qui se retrouve sans police et sans armée (paisible et en paix) , le président et ses ministres recherchent les conspirateurs… Et les accusent sur des bases farfelues et incohérentes pour ne pas dire complètement surréalistes.
Saramago qui était communiste évoque aussi un retour de l’ordre spontané. Magnifique écriture d’un homme profond.
L’ordre spontané est une fiction libérale. C’est possible dans la nature, quand il y a un seul codage comportemental, celui de la génétique. Mais l’espèce humaine est néoténique, c’est-à-dire qu’elle doit autant, sinon plus, à la culture qu’à la nature, à l’acquis qu’à l’inné. Or, la culture et son codage comportemental épigénétique (voire para-génétique) s’appuie sur l’arbitraire du signe et des systèmes de signes, et appartient au domaine des conventions sémantiques et symboliques, donc de l’absence de spontanéité. Il faut lire Dany-Robert Dufour sur ce sujet.
Olivier Pecorari
On reste perplexe à la lecture de ce texte. Sans pouvoir prétendre aux connaissances étendues de Lucien Cerise, il y a de quoi être séduit par son argumentation.
Spontanément, avant même d’avoir pris connaissance du commentaire ci-dessus évoqué, on a cru à l’exposé d’une nouvelle théorie un peu fumeuse sur l’harmonie et le bien-être dans un monde merveilleux où chacun reste à sa place. Enfin, on simplifie un peu.
Cher Éric Verhaeghe prévoyez vous de traiter de la violence et de la protection des plus faibles dans votre ouvrage? Ce sujet est central dans no sociétés. Merci.
De la violence des plus faibles ?
Ordre spontané ou ordre délibéré … moi personnellement je penche plutôt pour… https://www.contrepoints.org/2013/01/11/110982-le-marche-explique-par-la-metaphore-du-crayon#comments_container.