Macron a décidé de communiquer sur le nucléaire : bonne occasion pour créer un labyrinthe interprétatif, d’où la question de l’uranium russe émerge comme le seul fil d’Ariane utilisable.
Dirigeant postmoderne, Emmanuel « en même temps » Macron a remplacé l’art de gouverner (délégué à Davos) par celui de communiquer, de la façon la plus polysémique possible. Pour conserver a minima l’attention du public, même les médias de la Macronie (en l’occurrence : France Info) sont obligés de le suivre dans cet exercice de dispersion du sens, en multipliant les interprétations.
Quand il décide, par exemple, de communiquer sur la « relance » du nucléaire français, il ouvre naturellement la porte à une interprétation basée sur la dramaturgie politique interne aux institutions de la République finissante : un législatif complice (en dépit des simagrées de la NUPES) de sa propre impuissance, mais désormais volontairement discrédité par un pouvoir exécutif qui ne cherche plus à sauver les apparences.
Ou encore, basée sur l’illusion géopolitique, en entretenant l’impression fausse selon laquelle Macron et Scholz (deux pions davosiens) se livreraient un « bras de fer » sur la question du nucléaire (la France pour, l’Allemagne contre).
Kissinger est à BHL ce que l’uranium est à l’énergie nucléaire
En réalité, comme Davos (donc : ni Macron, ni Scholz) ne veut pas voir les nationalistes de l’AfD arriver au pouvoir en Allemagne, il est bien évident que le programme nucléaire français ne va pas être arrêté, mais mis au service de la survie industrielle a minima de l’Allemagne – seules les proportions de cet asservissement pouvant faire l’objet d’une vague négociation d’ajustement.
Et finalement, même France Info n’arrive pas à éviter d’évoquer, en fin d’article, l’endroit où le bât blesse : le carburant permettant à ces centrales françaises « cobelligérantes » de continuer à fonctionner est importé de Russie (laquelle Russie livre aussi les USA) – dont une importante cargaison livrée l’été dernier, en plein délire belliciste de la communication macronienne. Bonne occasion de se souvenir qu’il y a autant de « guerre mondiale » que de beurre en branche, et que, une fois retombée la poussière de Soledar, c’est naturellement la doctrine Kissinger – et non la doctrine BHL – qui, comme d’habitude, deviendra réalité.
“On” nous a vendu le nucléaire comme étant la garantie de notre indépendance énergétique. Aujourd’hui on s’aperçoit (oh! what a surprise!) que le nombre de sources d’approvisionnement est d’autant plus limité que la demande a augmenté du fait notamment de l’expansion économique de la Chine.
Parallèlement, il aura fallu la combinaison de l’écroulement de la production du Venezuela et le torpillage de l’accord multilatéral avec l’Iran pour soutenir les cours du pétrole -et au passage atteindre le seuil de rentabilité du pétrole de schiste, dont on connaît les vertus écologiques. Où l’on s’aperçoit que le nombre et la diversité des sources d’approvisionnement sont nettement supérieurs.
Enfin, la valse-hésitation sur le nucléaire aura occulté un problème de fond: la recherche en matière de neutralisation définitive des déchets radioactifs au lieu de les cacher sous le tapis, comme s’il existait au monde un seul site exempt de toute activité sismique pendant des siècles et des siècles.
Tout faux, qu’on a!