C’est déjà une routine : la Suède autorise une crémation de Coran à Stockholm, la Turquie s’en indigne et bloque l’adhésion des scandinaves lors de l’édition suivante des apéros dinatoires de l’OTAN (en l’occurrence : au sommet prévu en juillet à Vilnius). C’est même tellement une routine qu’il faudra bien finir par se poser la question : tout cela est-il bien sérieux ?
In a very foolish decision, a Swedish court allowed to burn copy of Quran outside a masjid on the day of Muslim Eid, in a new provocation & insult to Muslims. A step for which Sweden should be held accountable & at the very least,Turkey insists on preventing it from joining NATO. pic.twitter.com/kYSKjdnpT2
— د.عـبدالله العـمـادي (@Abdulla_Alamadi) June 28, 2023
Alors bien sûr, avec des si… Si Erdoğan avait perdu la partie en mai, un gouvernement turc plus faible, et surtout désireux de se faire pardonner l’expulsion des réfugiés syriens (qui constituait la principale promesse de campagne de l’opposition sur la dernière ligne droite) aurait pu se montrer plus arrangeant… Si…
Seulement, les choses étant ce qu’elles sont, le Sultan – reconduit, mais à la tête d’un pays financièrement et socialement moins stable qu’il y a 10 ans – peut gagner des points de masculinité alpha bon marché en montrant à l’opinion islamique turque et mondiale qu’il sait se montrer ferme face aux vikings profanateurs du Livre Saint – tout en flattant aussi un peu les nationalistes turcs : après tout, l’autre reproche justifiant le véto turc à l’OTAN porte sur les « terroristes kurdes » que la Suède « cacherait ».
Le Takbir scandinave : Statu quo akbar !
Si tout cela est si bon marché, c’est d’abord parce qu’aucun des fiancés n’est réellement chaud pour le mariage dont Erdoğan empêche la consommation.
Ni l’OTAN, qui, plus qu’une armée, est une alliance politique et du renseignement – et a déjà, de ce point de vue, obtenu de la Suède tout ce qu’elle pouvait raisonnablement en attendre : même intégrés à l’OTAN, il n’est pas certain que les Suédois accepteraient de sacrifier leur très dynamique industrie d’armement pour fournir des commandes à Raytheon.
Ni la Suède, où, contrairement à la Finlande, l’opinion n’est pas affamée d’appartenance à l’OTAN. Quant aux inquiétudes que la Russie pourrait inspirer à une partie de cette opinion : comme le faisait récemment remarquer le général israélien Robert Castel, c’est l’OTAN elle-même qui a scié la branche sur laquelle elle était assise, en calmant ces inquiétudes via l’intégration en solo de la Finlande – sans la Suède, qui est désormais complètement entourée d’un cocon d’Etats-membres de l’OTAN.
Bonne occasion de rappeler que les crises les plus longues sont celles à la résolution desquelles personne n’a réellement intérêt.
Les turcs peuvent laisser les vikings brûler les corans en sortant de l’OTAN et en intégrant les BRICS, surtout depuis qu’ils savent que c’est la cia qui a fomenté le coup d’état manqué de 2016 !