Le grand public n’apprendra probablement qu’en fin de journée le détail du remaniement annoncé. Mais les concernés (le gouvernement Borne actuel) l’ont probablement appris hier soir, lors d’un barbecue dans les jardins de l’Elysée. Décryptage.
Le Parisien parle, l’air de rien, d’un « barbecue qui crépite » à proximité des ministres attablés qu’on fait patienter jusqu’à l’arrivée du couple présidentiel. Cette menue entrave carnivore à la discipline de la religion « zéro carbone » est bien dans l’esprit très ancien régime de cette scène qu’un « poids lourd de la majorité » (dont le Parisien tait le nom) décrit comme « baroque ».
Resucée du XVIIe siècle, l’hyperprésidence pseudo-monarchique pourrait d’ailleurs difficilement se concevoir sans cette valse absurde et cruelle des courtisans oscillant, sans raison apparente, entre faveur et défaveur. C’est, littéralement, un jeu de chaises musicales, « car les participants ne savent pas s’ils seront encore de l’aventure dans les prochaines heures. ».
Ce mot « d’aventure » est-il aussi bien choisi que le mot « baroque » ? Oui, mais à condition de le comprendre dans le sens, essentiellement comique, des Fourberies de Scapin. Car, comme sous l’Ancien régime,
« Il faut que tout change pour que rien ne change » :
la conservation, désormais annoncée, de la pratiquement translucide Borne, c’est avant tout le rejet du cabinet Darmanin, c’est-à-dire le renoncement (probablement imposé par le faiseur de rois Bayrou) à l’aventure d’une nouvelle Sarkozerie.
En renonçant à cette ultime pirouette (le retour au bipartisme) par laquelle la classe politique de la Macronie étendue espérait échapper à la dissolution sans pour autant risquer un basculement du soft au hard power, le mari de Brigitte a probablement scellé le sort du régime : la République va rester macronienne, ni-droite-ni-gauche, elle va rester en même temps pour le restant de ses jours – quitte à ce que ce restant, réagissant mal au booster, fasse un AVC climatique précoce.
Car pendant que, dans le crépitement des merguez, les invités de ce dîner de débiles se regardent en chiens de faïence, les nuages noirs de l’effondrement socio-économique – contre les conséquences politiques desquels le projet Sarko2.0 de Darmanin entendait immuniser la Macronie – n’ont pas quitté l’horizon, bien au contraire !
Certains intriguent comme à Versailles, sous le regard attendri des tauliers Trogneux. D’autres pourraient s’en inspirer, pour se remettre à raccourcir comme à Paris.
“Pour nos soldats, on gagneroit beaucoup qu’ils fissent comme vos cordeliers : ils s’amusent à voler, et mirent l’autre jour un petit enfant à la broche ; mais d’autres désordres point de nouvelles.” (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, Lettre du 5 janvier 1676)