La réforme de la Justice était soumise au Conseil Constitutionnel, notamment pour tout ce qui concerne l’activation à distance des objets connectés et autres téléphones portables. On se souvient que le texte prévoyait la possibilité de “déclencher” les moyens de surveillance numérique d’un suspect, par exemple son téléphone ou le micro de son ordinateur, pour les besoins d’une enquête. Finalement, le Conseil a introduit des limites à cette pratique, sans toutefois aller jusqu’à l’interdire : la dictature numérique progresse de jour en jour.
Le Conseil Constitutionnel a donc examiné la réforme de la Justice qui a été adoptée dans une indifférence quasi-générale par le Parlement. Nous avions évoqué pourtant certaines de ses dispositions scélérates, comme l’activation des moyens numériques à distance. Ce sont précisément ces dispositions dont le Conseil Constitutionnel était saisi, et dont il a examiné la constitutionnalité.
Voici ce qu’en dit le communiqué de presse :
De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées, en tant qu’elles autorisent l’activation à distance d’appareils électroniques à des fins de géolocalisation, ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée.
Il juge que, en revanche, l’activation à distance d’appareils électroniques afin de capter des sons et des images sans même qu’il soit nécessaire pour les enquêteurs d’accéder physiquement à des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de sonorisation et de captation est de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elle permet l’enregistrement, dans tout lieu où l’appareil connecté détenue par une personne privée peut se trouver, y compris des lieux d’habitation, de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers. Dès lors, en permettant de recourir à cette activation à distance non seulement pour les infractions les plus graves mais pour l’ensemble de celles relevant de la criminalité organisée, le législateur a permis qu’il soit porté au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi. Il censure en conséquence le 46 ° du paragraphe I de l’article 6 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, ainsi que le 47 ° du même paragraphe I, qui en est inséparable.
Conseil Constitutionnel, DC n°2023-855 et n°2023-856
Autrement dit, activer à distance des appareils électroniques, c’est pas bien, c’est inconstitutionnel, mais quand il s’agit des gros bonnets, on peut le faire.
Voilà une ouverture qui ne tombera sans doute pas dans l’oreille des sourds.