La Défenseure des Droits s’est inquiétée des contrôles d’identité en France, et a demandé à la Cour des Comptes de mener son enquête sur le sujet. Le rapport publié ce matin ne manque pas d’intérêt, parce qu’il manque en évidence cette zone de non-droit très française qu’est l’immixtion de la police ou de la gendarmerie dans la vie quotidienne des Français. Pour la seule année 2021, police et gendarmerie semblent avoir effectué plus de 40 millions de contrôles d’identité ! Soit 2 Français sur 3 sommés de présenter leurs papiers à la maréchaussée. Ce seul chiffre donne une idée de la mise en coupe réglée de la population française par les forces de l’ordre.
Le cadre juridique (et même judiciaire) dans lequel les contrôles d’identité se déroulent est, en France, parfaitement flou. Dans la pratique, et comme la Cour des Comptes le souligne avec acuité, tout et n’importe quoi est à peu près possible en cette matière, d’autant plus qu’aucun véritable contrôle de cette pratique policière existe. D’où non seulement le sentiment répété d’un harcèlement policier dans certains segments de la population, source de nombreuses rancoeurs, mais aussi des plaintes sur le déroulement du contrôle lui-même.
La Cour souligne que le contrôle policier en France ne fait l’objet d’aucun guide pédagogique. Le “métier”, si l’on ose dire, se transmet de générations en générations, pour le meilleur et surtout pour le pire.
On peut s’interroger sur la défaillance policière en découvrant qu’aucune procédure harmonisée, unifiée, transparente, n’existe sur un acte aussi polémique et mal vécu qu’est le contrôle d’identité. Je veux bien croire qu’il faille défendre la police coûte-que-coûte face aux voyous, mais à ce niveau d’improvisation, le ministère de l’Intérieur, pourtant abondamment doté en personnel, tient de l’incompétence et du je-m’en-foutisme.
Ce vide est d’autant plus inquiétant que le contrôle d’identité prend des proportions toujours plus importantes. Ainsi, en 2021, dans la police nationale :
Et dans la gendarmerie :
Au total, nous en sommes donc à plus de 45 millions de contrôles, sans aucun encadrement. La police nationale compte plus de 150.000 fonctionnaires… mais pas un n’a jugé de faire gagner du temps à tous les autres en codifiant de façon transparente la manière de mener les 45 millions de contrôles d’identité.
Cela s’appelle de l’amateurisme.
Le délit de “faciès” peut être à l’origine de contrôles d’identité répétitifs des mêmes personnes. Ce qui ne permet pas de dire que 2/3 des français sont concernés.
Une lecture rapide des graphes montre que:
– le rapport FPR police/gendarmerie est de 3/2 (20 millions versus 11 millions), la police est en zone urbaine, la gendarmerie en zone rurale. On aurait donc un tiers de la population résidant en rural et les deux tiers en ville. Est ce conforme à la répartition de la population ? Pas vraiment si l’on encroit l’Insee. Il y aurait donc plus de contrôle d’identité hors zone urbaine= 33 % pour 20 % de la population.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806684
Les unités urbaines permettent de caractériser les communes de France selon le double critère de la continuité du bâti et du nombre d’habitants. Une nouvelle délimitation des unités urbaines a été réalisée en 2020. Les 2 467 unités urbaines, telles que délimitées en 2020, regroupent 52,9 millions d’habitants en 2017. …/…Huit personnes sur dix résident dans une unité urbaine.
Les contrôles routiers sont à 7 millions en ville, et à 8 en campagne. A proportion de la population, ils sont donc plus fréquents en campagne (quasiment le même nombre pour une population théoriquement 5 fois moins importante, donc 5 fois plus de contrôles ?!) et sur les grands axes qui la traversent, sauf à expliquer que ce sont des citadins qui sont contrôlés lorsqu’ils circulent sur les axes routiers gendarmerie.