Sans doute la loi sur l’immigration était-elle un trompe-l’œil, mais nous nous intéresserons ici à la seule censure du Conseil constitutionnel. En effet, la plupart de commentateurs parleront d’une dérive des institutions, tandis que cet événement est purement logique au regard des principes de la démocratie moderne. Expliquons-nous.
Dans l’histoire, il y a deux démocraties, la première étant celle pratiquée dans plusieurs cités grecques, Athènes étant la plus prestigieuse du fait de sa gloire acquise contre les Perses. Déjà, cette démocratie antique contenait sa part de fanatisme qui aujourd’hui évoquerait Georges W. Bush, puisque dans son hommage rendu aux Athéniens tombés la première année de la guerre du Péloponnèse, Périclès affirmait sa certitude que cette guerre serait gagnée parce que sa cité disposait d’un régime meilleur que celui de Sparte (en définitive, c’est Sparte qui a gagné cette guerre, ce qui inspira la doctrine totalitaire de Platon, mais c’est un autre sujet).
Les origines antiques de la démocratie
Cela dit, Athènes avait sa propre religion, celle des Grecs en général, de sorte que la démocratie ne s’y substituait pas, elle ne prétendait pas créer des valeurs de nature religieuse. Ainsi la démocratie se rangeait-elle parmi les deux autres « formes pures », comme ils disaient de tout ce qui sert le bien commun : monarchie et aristocratie, étant entendu que chaque forme pure était constamment menacée de basculer dans sa corruption à cause de la passion qui habite tout homme qui ne se sert pas de sa raison, mais voilà encore un autre sujet que nous n’aborderons pas.
A Athènes, la démocratie permettait à chaque citoyen de participer aux délibérations et aux votes déterminant la politique à adopter. Précisons : les citoyens, c’est-à-dire que chez eux, l’idée même de donner un droit de vote à un étranger n’était pas imaginable, c’eût été la négation même de la citoyenneté. Qui plus est, sous Périclès, le droit de citoyenneté procédait d’un droit du sang, on ne pouvait être athénien que si l’on avait son père et sa mère athéniens ; c’est ainsi qu’Aristote, dont seule la mère était athénienne, n’avait pas la citoyenneté et en a payé le prix en se voyant exclu de la succession de Platon à la tête de l’Académie.
Donc, résumons-nous : à Athènes, un consensus existait en faveur de la forme démocratique, on y regardait Platon avec méfiance, car il était de souche aristocrate, et sa doctrine politique, relayée à la « Renaissance » par Thomas More, dut attendre deux mille cinq cents ans avant d’être expérimentée partiellement en Europe, avec le malheur que l’on sait.
La révolution de la démocratie moderne et l’émergence de l’état de droit
La démocratie moderne est différente, elle ne se contente pas d’être un mode de fonctionnement des institutions dans la prise de décision, elle plonge ses racines dans une idée révolutionnaire. On oublie trop souvent que ce que nous appelons « Guerre d’indépendance américaine », les Américains l’appellent « Révolution américaine ». C’est précisément cette inspiration idéologique qui aujourd’hui pose problème au melting pot qu’est la fausse nation américaine, puisque deux camps de force égale s’y opposent aujourd’hui sur le sens qu’il faut donner à la démocratie, chacun se montrant prêt à en venir aux armes au nom même de l’idée qu’il se fait de la démocratie : nous avons déjà consacré plusieurs articles à ce sujet.
Chez nous, la Constitution est précédée de ce préambule :
« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ».
C’est précisément au nom de ce préambule que se hisse, au-dessus du fonctionnement démocratique de notre Ve République, la notion vague « d’État de droit ». Cette notion a prétendu se transformer en concept dans la pensée de l’Autrichien Hans Kelsen, dessinateur d’une pyramide de la « hiérarchie des normes » : chaque norme juridique est rédigée sur le fondement d’un droit qui lui est supérieur, la norme inférieure ne pouvant être contraire à la norme qui lui est immédiatement supérieure. C’est ainsi que la démocratie moderne peut prévoir l’existence d’un aréopage capable d’annuler ou de corriger un vote parlementaire, si la loi n’entre pas dans « l’esprit » de la démocratie, autrement dit celui de la gauche, comme nous l’avons expliqué dans La Droite impossible, puisqu’en l’absence d’aucune religion, la démocratie moderne acquiert le statut de religion commune. Cet aréopage est chez nous le Conseil constitutionnel, mais d’autres pays extraeuropéens peuvent avoir eu une idée comparable, par exemple la République islamique d’Iran, régie par la doctrine du velayat e faqih.
En fait, la démocratie moderne en est arrivée à un point où le Parlement a perdu sa raison d’être : le peuple (s’il est vrai que les députés le représentent) n’a pas le pouvoir de décider de sa politique, la démocratie idéologique étant supérieure à la démocratie de fonctionnement. On ne peut s’étonner, dans ce cas, que l’abstention gagne du terrain. En vérité, il est vain de vouloir participer à la vie publique sans remettre en cause l’idéologie qui s’impose à notre système. Le tout est de savoir si cette remise en cause peut passer par la procédure démocratique, puisqu’elle-même est limitée par l’« État de droit » : si l’on en reste là, c’est le serpent qui se mord la queue.
Nous assistons au grand reversement des valeurs, jadis la démocratie était le pouvoir de la majorité aujourd’hui la démocratie c’est l’état de droit c’est à dire le pouvoir des minorités et ce sont les juges, les membres des CC, CE et CEDH qui décident pour nous, j’appelle cette sournoise prise de pouvoir un coup d’état ( le fascisme gris décrit par monsieur Husson)
L’aboutissement d’une dégénérescence civilisationnelle de plusieurs siècles et l’aboutissement final et fatal dans la démons-cratie.
Bonjour. Ok avec vous! mais hélas l’humain a toujours une partie reptilienne dans son cerveau. Einstein disait, entre autres; si vous voulez changer le monde, changer le cerveau des humains.
Comment faites-vous pour changer le cerveau humain ? Il faudrait retrouver une morale dans les comportements humains malheureusement certains on rapidement recours à la tartufferie. Je ne vois comme remède que l’éducation à la vertu, la culture générale et littéraire en particulier nous aident à ouvrir les yeux sur les travers humains qui sont éternels.