Peu de Français ont encore à l’esprit la querelle, durant la Révolution, entre Girondins attachés à la décentralisation, et Jacobins Montagnards obsédés par le contrôle centralisé à Paris du pouvoir. Deux cent cinquante ans plus tard, le débat n’est toujours pas tranché. Le renoncement de Bayrou à occuper des fonctions ministérielles donne une nouvelle preuve de cette continuité… Politiquement girondin dans l’âme, notion qui ne semble pas comprise par les jeunes cadres incultes de la macronie, Bayrou vient de tirer le tapis sous les pieds du Jacobin Attal, qui ne semble pas avoir compris la manoeuvre. Les macronistes sont-ils équipés pour comprendre que le Comité de Salut Public mourut de la désertion des Girondins, en son temps ?
Très peu de Français se souviennent de la querelle entre les Girondins et les Montagnards, abusivement résumée à une querelle entre la droite libérale et la gauche interventionniste (si vous savez de quoi il s’agit, signalez-vous, nous vous offrons un abonnement !). En réalité, les Girondins formaient le parti du régionalisme, et les Montagnards voulaient un comité de salut public installé à Paris tout-puissant et capable de centraliser toutes les décisions. On n’assiste à rien d’autre qu’à la résurgence de ce conflit dans le renoncement de Bayrou à occuper des fonctions ministérielles.
Bayrou le Girondin
Les esprits peu éduqués s’étonneront que nous classions François Bayrou dans les Girondins et non dans les Montagnards, alors même qu’il vit au pied des Pyrénées. Mais c’est bien l’ironie de l’Histoire : on peut avoir été maire de Pau et député des Pyrénées, tout en appartenant à la pensée girondine.
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Le retour du bâton de Macron ne s’est pas fait attendre, le parquet fait appel de la relaxe de Bayrou, ce dernier doit regretter d’avoir refusé le ministère de l’éducation. Maintenant c’est Bayrou qui a permit l’élection de Macron en 2017, il doit en subir les conséquences, il a une grande responsabilité de la destruction de la France.
Merci Éric, moi qui ne brille pas en Histoire de France, cela me réconcilie avec l’histoire. Qu’en pense le Pr Husson ?
Les Girondins seraient les bons révolutionnaires tandis que leurs adversaires porteraient seuls toutes les tares de la Révolution française. Mais les Girondins pensaient-ils différemment des Jacobins sur le fond ? Les Jacobins auraient été des centralistes fanatiques tandis que leurs concurrents Girondins auraient promu le fédéralisme, ce que Jacques Julliard et Mona Ozouf, entre autres, ont démenti : ‘’Le crime de fédéralisme, instruit par la Montagne contre la Gironde, qui conduisit celle-ci à sa perte – et à un contresens historique durable sur le projet de celle-ci – était l’illustration de cette exigence fondamentale’’ (Jacques Julliard ; « Les gauches françaises » ; page 189). Quant à Mona Ozouf, elle a écrit dans le « Monde des débats » de janvier 2001 : ‘’A l’origine, Girondins et Jacobins n’étaient que deux factions qui se disputaient le pouvoir,…. En outre, il leur arrivait de partager le même vocabulaire et d’échanger leurs arguments. La République ? « C’est elle qu’il faut envisager sans cesse, avec l’entière abstraction de tout lieu et de toute personne ». Quel exalté parle ici ? Chevènement ? Pasqua ? Mais non, c’est Buzot, pur Girondin……. Il faut donc réviser nos réflexes. Les Girondins ont tous été Jacobins à un moment quelconque, si on entend par là l’appartenance au Club de la rue Saint-Honoré ; Jacobins aussi si on définit le jacobinisme par le patriotisme exclusif et le rêve fiévreux d’une France guerrière rédemptrice de l’humanité ; Jacobins encore, au moins jusqu’au procès du roi, par leurs provocants défis à la royauté ; Jacobins toujours par leur obsession du complot. Mais la pièce centrale du procès qui les a conduits à l’échafaud n’appartient qu’à eux : le fédéralisme est dans notre mémoire leur vraie fiche d’état-civil. Les Girondins avaient-ils voulu fédéraliser la France ? Ce qui donne de la consistance à la charge, c’est la révolte qui, après le coup de force du 2 juin 1793, dresse une trentaine de départements contre la Convention : celle-ci vient d’exclure et de promettre à la mort vingt-deux députés girondins. L’insurrection est pourtant vite réprimée, circonscrite à quelques grandes villes, et on y chercherait en vain un esprit de dissidence régionale : les départements ne s’étaient associés que par haine de Paris, des exactions jacobines et des hommes en qui elles s’incarnaient. Ils n’étaient animés d’aucun projet séparatiste, ne récusaient pas l’existence d’un centre national….Girondins et Jacobins étaient convaincus que l’esprit de la révolution réside dans la force de s’arracher à l’horizon villageois …Ni chez les uns, ni chez les autres, il n’y avait de tendresse pour les libertés locales’’. Dans le « Dictionnaire critique de la Révolution française », Yann Fauchois a écrit : ‘’On voit généralement dans la période qui suit le 9 Thermidor le démantèlement du gouvernement révolutionnaire. Les Thermidoriens pourtant, comme les Girondins revenus, ne seront pas moins centralistes que les Jacobins déchus’’ (page 80).
En fait, le fédéralisme des Girondins n’a été qu’accusatoire ; ce sont les Jacobins qui ont répandu cette fausse information pour dénigrer leurs frères ennemis. Buzot fut le seul Girondin ayant eu une réelle sympathie pour le fédéralisme états-unien. A fortiori, les Girondins n’ont jamais plaidé en faveur d’une société autogestionnaire ; ils ont été, tout comme les Jacobins d’ailleurs, y compris ceux de 1793, de chauds partisans du libéralisme économique.
Ceci dit, ils ont eu le mérite d’avoir exigé que tous les Français, ceux de Paris mais aussi ceux de tous les départements, puissent participer également à la prise des décisions politiques et d’avoir dénoncé la tyrannie exercée par les sections parisiennes, ce qui n’est pas rien. Mais, les Girondins, qui dominaient l’Assemblée en 1792, furent les chantres de la guerre révolutionnaire (Denis Richet ; « Dictionnaire critique de la Révolution française » ; Institutions et créations ; page 53), contrairement à Robespierre d’ailleurs qui était beaucoup plus prudent. On leur doit toutes les guerres révolutionnaires qui ont duré jusqu’en 1815 et qui furent un désastre national.
Félicitations pour votre érudition Monsieur Guillard, on nous serine que les Girondins seraient les bons révolutionnaires et les jacobins les fanatiques, mais vous nous dites que c’étaient 2 factions rivales à la conquête du pouvoir. Il semble que Michel Onfray le Pic de la Mirandole contemporain l’ignore. L’anarchie révolutionnaire nous a amené à la guerre qui nous amena la dictature de Napoléon. C’était la première tentative de suicide française.
Je connais l’histoire des girondins et des montagnards .merci pour votre offre d’abonnement .
Cordialement vôtre
Marine
Saisissant parallèle entre 1794 et 2024. D’un côté la constitution de la première république est juste proclamée et son application repoussée faute de stabilité publique, de l’autre les institutions de la cinquième république sont dévoyées par l’usage politique mal intentionné qu’en font des génies jacobins de sciences po Paris. On peut donc s’attendre à une rivalité exacerbée entre le comité de sécurité générale et le comité de salut public au sein du monopole du pouvoir central et à la prise d’autonomie des régions.
Attal en Robespierre ? Un Robespierre au petit pied alors !
Bien que n’ayant pas une culture acérée sur les montagnards et les girondins, j’ai appris lors de mes études les luttes intestines de ces deux courants politiques. Mais pas dans le détail, et merci pour le rappel. Ceci dit : j’ai déjà un abonnement 🙂