Aliments Ultra-transformés : quels risques pour votre santé ? Le point sur la question, par Isabelle Hock

Les aliments ultra-transformés (AUT) prennent de plus en plus de place dans le panier de la ménagère. Ils sont pourtant régulièrement pointés du doigt pour les risques liés à leur consommation.

Les maladies liées à l’alimentation représentant une charge majeure de morbidité, la première question à se poser est : quels sont ces aliments, comment les repérer dans les grandes surfaces ?

La Classification NOVA

Parmi les différentes classifications proposées, c’est la classification NOVA , développée à partir de 2010 par des chercheurs brésiliens, qui s’est imposée dans la communauté scientifique. Elle classifie les aliments en quatre groupes en fonction de l’ampleur et de l’objectif de la transformation subie :

Les aliments bruts ou peu transformés

Les aliments culinaires : les aliments bruts ayant été transformés dans le but de préparer ou d’assaisonner les aliments bruts ou peu transformés ;

Les aliments transformés : fabriqués à partir des aliments bruts ou peu transformés en utilisant des ingrédients culinaires dans le but d’augmenter leur durée de conservation ou de modifier leur qualité sensorielle (salaisons, sauce tomate cuisinée, fruits au sirop…) ;

Les aliments ultra transformés : les aliments qui ont subi d’importants procédés de transformation ou dont la composition contient des additifs non nécessaires à la sécurité alimentaire du produit (émulsifiants, colorants, édulcorants…) ou des substances industrielles (huiles hydrogénées, amidon modifié, maltodextrine, correcteurs d’acidité…), et ce pour améliorer les qualités sensorielles des aliments (céréales soufflées, sodas, soupes instantanées, nuggets..), en renforcer le centre de la récompense dans le cerveau. Ces manipulations font rentrer la technologie dans l’alimentaire, en transformant ce qu’on appelle la matrice alimentaire : « cracking » (fractionnement moléculaire), chauffage à haute température, extrusion, hydrogénation... sont des procédés qui modifie la composition des aliments à la fois sur le plan chimique et physique. Le souci est qu’ils peuvent aussi modifier la temps d’ingestion et de digestion, nous y reviendrons.

La notion d’alimentation ultra-transformée ne se confond pas avec celle d’alimentation industrielle, mais concerne une catégorie nouvelle d’aliments, pratiques (facile à préparer, de longue conservation…) et attrayants sur le plan gustatif, et permettant à l’industrie d’accroître son offre.

Le prix de ces aliments étant relativement abordables, en plus du marketing important, les caractéristiques énumérés ci-dessus font en sorte que ces aliments tendent à se substituer aux aliments moins transformés. Dans certains pays à revenus élevés comme les USA ou le Royaume-Uni, où la « malbouffe » est intégrée dans la culture, ces aliments représentent plus de la moitié de l’apport énergétique. En France, on estime qu’entre 30 et 35 % des calories ingérées par les adultes proviennent d’aliments ultra-transformés , ce qui est loin d’être négligeable…

Quel impact sur la santé ?

Dans un article paru le 30 mai 2019, le British Medical Journal (BMJ), met en évidence un risque accru de maladies cardiovasculaires chez les consommateurs de ces produits. Cette étude a été réalisée par des chercheurs de l'Inserm, de l'Inra, de l'Université Paris 13 et de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren).

Ce travail réalisé dans le cadre de la cohorte NutriNet-Santé, par l'Équipe de recherche de l’Eren, plus spécifiquement par le Dr Bernard Srour (épidémiologiste, doctorant), sous la direction du Dr Mathilde Touvier (directrice de recherche Inserm, directrice de l'équipe), en collaboration avec l'Université de São Paulo, au Brésil.

L’étude NutriNet Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN), qui grâce à l’engagement de plus de 160.000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a donné lieu à plus de 160 publications scientifiques internationales.

Plus de 100.000 participants de la cohorte NutriNet-Santé (suivis entre 2009 et 2018) ont été inclus. A l’entrée dans l’étude, la consommation alimentaire habituelle a été évaluée grâce à des enregistrements de 24 h répétés portant sur 3.300 boissons et aliments différents. Ceux-ci ont été catégorisés en fonction de leur degré de transformation par la classification NOVA (voir ci-dessus). Au cours du suivi, la consommation d’AUT s’est avérée être associée à un risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires (1409 cas sur 105 159 participants), en particulier coronariennes (665 cas), ainsi que cérébro-vasculaires (829 cas).

Une augmentation absolue de 10 % de la part d’aliments ultra-transformés dans le régime était associée à une augmentation de 12 % du risque de maladies cardiovasculaires globalement, ce qui fait froid dans le dos, quand on réalise le nombre d’aliments concernés, allant du pain de mie industriel en passant les biscuits apéritifs, les charcuteries, sodas et crèmes glacées ou autre desserts…

Par ailleurs, plusieurs études cohérentes ont révélé une association significative entre la consommation d’AUT et le risque de surpoids et d’obésité , de diabète de type 2, d’hypertension, de dépression et de mortalité toutes causes confondues.

Enfin, plusieurs études isolées ont révélé une association entre la consommation d’AUT et le risque de cancer du sein, et même de cancer en général, de maladies inflammatoires de l’intestin, principalement la maladie de Crohn, et la stéatose non-alcoolique.

Quels mécanismes entrent-ils en jeu ?

Plusieurs mécanismes sont avancés afin d’expliquer le lien entre la consommation de ces AUT et les pathologies évoquées ci-dessus.

Tout d’abord, les AUT sont de qualité nutritionnelle plus faible que les autres aliments, plus riches en sel, sucre et graisses saturées, tout en étant plus faibles en vitamines, minéraux, fibres et bons nutriments. La majorité de ces aliments sont classées nutriscore D ou E, les assimilant quelque part à des « calories vides ».

De plus, comme déjà évoqué, cette modification physique de la matrice alimentaire sont susceptibles d’affecter la digestibilité et la biodisponibilité des nutriments ingérés et les éventuelles synergies qui peuvent exister entre différents composés.

Par ailleurs, en ce qui concerne les additifs (émulsifiants, colorants, texturisants….), certaines études évoquent un risque sérieux de perturbation du microbiote intestinal et/ou du système endocrinien, qui pourrait induire des effets cancérogènes ou inflammatoires.

Pire encore, certains autres composants potentiellement dangereux sont susceptibles d’être présents dans les AUT et d’accroître leur nocivité. En effet, au cours des opérations de transformation, certaines molécules peuvent être dégradées et conduire à la formation de nouveaux composés. Les traitements thermiques sont connus pour générer de nombreuses molécules ayant un effet cancérogène ou diabétogène (acroléine, acrylamide…). Enfin, last but not least, certaines substances issues des emballages en plastic (phtalates, bisphénol A..) sont également susceptibles de contaminer ces aliments. La longue conservation des aliments ultra-transformés amplifient ce phénomène par rapport aux aliments « classiques ». La présence de ces molécules variées mais toutes toxiques soulève un risque d’ "effet cocktail", soit un effet des substances en interaction supérieur à la somme des effets isolés…

Conclusions

Il paraît crucial de poursuivre les recherches publiques sur l’impact des AUT, de leurs composants, et sur les mécanismes sous-jacents qui interviennent dans la survenance des différentes pathologies évoquées ci-dessus.

Le tableau est assez inquiétant, et donne à penser qu’il pourrait à terme devenir un enjeu de santé publique majeur, si on prend en compte que le nombre de cancers ne cesse d’augmenter. L’air du temps fait que l’on cherche constamment à gagner du temps. Intégrer régulièrement ces aliments qui généralement ne doivent plus être que réchauffés pourrait constituer une véritable bombe à retardement, quand on pense que dans certaines familles on commence à consommer ce genre d’aliments dès l’enfance. On aurait envie de dire, comment pourrait-il en être autrement, intégrer la chimie dans l’alimentaire, n’est il pas évident que l’on joue à l’apprenti sorcier ?

D’après l’OCDE , une réduction de 20 % l’apport calorique lié à des aliments riches en sucre, en sel, en calories et en graisses saturées permettrait de prévenir 582 000 cas de maladies non transmissibles en France d’ici 2050. Cela devait permettre également de réduire la part d’aliments ultra-transformés dans la consommation puisque les aliments notés C, D ou E sont majoritairement des AUT. Mais qu’est-il concrètement mis en place pour accompagner le changement d’habitudes bien ancrées ? L’affichage du nutriscore sur les emballages est un premier pas, mais de loin pas suffisant. On peut imaginer qu’une sur taxe pénalisant les aliments les plus trafiqués ne sera pas envisageable, les lobbies veillent. Un autre piste serait d’interdire certains des additifs les plus dangereux, comme les controversées carraghénanes (additif E 407), nous y reviendront dans un autre article. Mais on en est loin…

Amis stratèges, cuisinez vous-même autant que faire se peut des produits frais ! Les AUT se cachent dans tous les éléments de vos repas : chips et biscuits apéritifs, salade de thon, poulet, bâtonnets de « crabes », nouilles instantanées, nuggets et autres saucisses « knacki », pain gris industriels, biscuits et gâteaux, crèmes desserts « danette », au chocolat et autre, crème glacées, sans oublier les sodas « soft », et bien sûr, dans certains plats préparés qu’il n’y a plus qu’à mettre au four à micro-onde : ils sont partout- et même parfois dans le bio...

Si vous voulez connaître le nutri-score et le degré de transformation d’un produit, n’hésitez pas à consulter le site www.fr.openfoodfacts.org . Ce site est remarquablement construit et très complet. A vos clics, et à vos fourneaux…

https://www.youtube.com/watch?v=xip8gZk3xds

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