Sans les USA, le nouveau traité de l’OMS suscite plus de doutes que d’espoir

Sans les USA, le nouveau traité de l’OMS suscite plus de doutes que d’espoir


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L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a célébré l’adoption d’un accord visant à renforcer la préparation mondiale aux futures pandémies, après des négociations de trois ans. Mais son efficacité est remise en question en raison de l’absence des Etats-Unis, son plus grand donateur . Cet accord qualifiué de « coquille vide », soulève autant d’espoirs que de doutes.

Au bout de trois ans de négociations, les membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont adopté mardi l’accord pandémique mondial, un moment historique. Ce traité a été élaboré afin d’améliorer la préparation et la réponse mondiale aux futures pandémies.Cependant, l’absence des États-Unis, principal bailleur de fonds de l’organisation, et les critiques sur le manque de mécanismes contraignants jettent une ombre sur l’efficacité réelle de ce pacte.

Adoption de l’accord sans les USA

Après trois années de négociations , les membres de l’OMS ont adopté le mardi 20 mai à Genève, au cours de la 78e Assemblée mondiale de la santé, l’accord pandémique mondial. L’adoption de ce traité a été accueillie par des applaudissements. Elle a été saluée par le patron de l’OMS, le Dr Tedros Adhanome Ghebreyseus.

« Cet accord est une victoire pour la santé publique, la science et l’action multilatérale. Il nous permettra, collectivement, de mieux protéger le monde contre les futures menaces de pandémie »,

a-t-il déclaré.

Certains experts de la santé estiment également que l’adoption de ce traité pourrait garantir « une grande équité en matière de santé mondiale ». Selon l’OMS, durant le Covid-19, les pays les plus pauvres avaient du mal à accéder aux vaccins et aux outils de diagnostics.

La directrice du plaidoyer politique à l’initiative Drugs for Neglected Diseases, Michelle Childs, a déclaré que ce traité

« contient des dispositions essentielles, en particulier dans le domaine de la recherche et du développement, qui, si elles étaient mises en œuvre, pourraient déplacer la réponse à la pandémie mondiale vers une plus grande équité ».

L’adoption de l’accord n’a pas fait l’unanimité. La Slovaquie, sous l’impulsion de son Premier ministre sceptique vis-à-vis des vaccins COVID-19, a exigé un vote formel, révélant des divisions. Bien que 124 pays aient voté en faveur du traité, 11 autres, dont la Pologne, l’Italie, la Russie, la Slovaquie et l’Iran, se sont abstenus, signalant un manque de consensus.

Aux États-Unis, Robert F. Kennedy Jr., secrétaire à la Santé, a vivement critiqué l’OMS, affirmant que l’accord « enferme tout le dysfonctionnement » de la gestion passée des pandémies. Cette position reflète un scepticisme  envers l’OMS, accusée par certains de manquer de transparence et d’indépendance face à des influences politiques, notamment de certains États membres.

Un pacte ambitieux, mais une « coquille vide »

L’objectif central du traité est de garantir un accès équitable aux vaccins, traitements et tests lors des futures pandémies. Parmi ses dispositions phares, l’accord exige que les fabricants participants réservent 20 % de leurs produits à l’OMS pour redistribution vers les pays les plus pauvres. Cette mesure vise à corriger les inégalités observées pendant la pandémie de COVID-19, où les nations à faible revenu ont été largement laissées pour compte.

Cependant, le texte souffre de plusieurs faiblesses. Premièrement, il manque de réalisme. Gian Luca Burci, conseiller au Centre mondial de santé de Genève, a qualifié l’accord de « coquille vide », soulignant l’absence d’obligations fermes et de sanctions pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements. Deuxièmement, l’accord ne prendra effet qu’après l’adoption d’une annexe sur le partage des informations pathogènes, dont les négociations pourraient s’étendre sur plus de deux ans. Ce délai, combiné à l’absence des États-Unis, risque de paralyser l’application pratique du traité.

Les États-Unis, qui contribuent à hauteur de 1,28 milliard de dollars pour 2022-2023 (près de la moitié des fonds de l’OMS), ont entamé un processus de retrait de l’organisation sous l’impulsion du président Donald Trump. Ce retrait, officialisé par un décret signé le 20 janvier 2025, cite la « mauvaise gestion » de la pandémie de COVID-19 et l’incapacité de l’OMS à se réformer comme motifs principaux. Sans la participation des USA, le plus grand contributeur financier et acteur clé du développement des vaccins, une question capitale se pose: comment un accord mondial peut-il prétendre à l’efficacité sans la participation de son acteur le plus influent ?

Avec le retrait américain, l’OMS risque de voir ses ressources s’amenuiser, limitant sa capacité à coordonner une réponse mondiale efficace. Si l’OMS souhaite transformer cette « victoire » en un véritable rempart contre les futures pandémies, elle devra surmonter des défis financiers, politiques et logistiques colossaux.


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Rédaction

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