Dans quelles mesures nos libertés fondamentales sont-elles menacées par les mesures de lutte contre la pandémie ? Francçois Stecher poursuit pour nous la traduction de l'interview par Die Welt du juge berlinois Schleiter qui dépose un recours constitutionnel contre le confinement.
WELT : on nous explique systématiquement que nous vivons une pandémie.
Schleiter : mais il n’y a plus le super droit fondamental, celui de vivre. Les 83 millions d’êtres humains qui vivent en Allemagne ont, en tant que détenteurs de droits fondamentaux, une multitude de besoins. Ces derniers sont protégés par tout un arsenal de libertés fondamentales. Ces libertés sont également des droits qui servent à se protéger de l’État. Lorsque l’État souhaite empiéter sur eux, il doit toujours apporter la preuve que cette intervention est légitime. En cas de conflits d’intérêt entre des droits fondamentaux, une comparaison des biens doit avoir lieu. Je souhaite voir ma famille, je souhaite ouvrir mon magasin, ce sont aussi des libertés fondamentales. On ne peut établir qu’une mesure est conforme à la constitution, de manière unilatérale, sur la base d’une ou deux libertés fondamentales. C’est plus de 80% des libertés fondamentales qui ont été touchées par les mesures de lutte contre la pandémie. Elles devraient toutes être mises en balance, et je ne vois pas qu’on l’ait fait. Dans les justifications des ordonnances, on ne trouve presque toujours que ce seul motif que l’évolution de la pandémie est dynamique et que l’on doit éviter que le virus se propage. Avec ce motif, il n’est même pas clair que les mesures ont pour objet la protection de la santé. Le fait qu’avec le chômage le taux de suicide augmente, que la déscolarisation partielle aura des conséquences sur les espérances professionnelles et la vie des enfants – ce sont aussi des points de vue qu’il faudrait jeter dans la balance. Après cela seulement, on peut faire les comptes. L’impérative – du point de vue de la constitution – mise en balance des droits fondamentaux entre eux ne connait aucun „Whatever it takes“.
WELT : la chancelière répète sans arrêt que les mesures sont proportionnées, nécessaires et indispensables.
Schleiter : si l’on considère à la lumière de la Loi fondamentale le privilège du parlement, il devient parfaitement clair que ce que nous vivons actuellement est contraire à la constitution. A cet égard, il faut entendre les exhortations de Stephan Harbarth, président de la cour constitutionnelle. Il dit que les parlements devraient être plus fortement impliqués. Il ne le dit pas sans raison.
WELT : expliquez-nous le privilège du parlement.
Schleiter : il s’agit ici de la „Wesentlichkeitslehre“ [théorie de „l’essentialité“ ou „l’importance relative“ ; principe développé par la cour constitutionnelle fédérale, qui définit les domaines réservés du parlement : limitation des droits fondamentaux, engagement des forces armées, approbation du budget fédéral, nomination aux fonctions des organes centraux des pouvoirs exécutifs et judiciaires, ndt.] : les empiétements vraiment significatifs sur les libertés fondamentales doivent être décidés par le parlement, parce que le parlement est l’organe le plus élevé dans notre structure d’État. Nous élisons le parlement, et c’est de lui que découle toute légitimité. Les questions centrales doivent être réservées au parlement.
WELT : mais pourtant, la loi sur la protection contre les infections a bien été approuvée par le parlement, et nos ordonnances découlent de celle-ci.
Schleiter : cela ne suffit pas. Les empiétements sont si vastes dans leurs champs d’application, et si profonds, que l’émetteur des ordonnances, c’est-à-dire le pouvoir exécutif, n’a pas le droit d’en décider simplement ainsi. Tout le processus législatif et réglementaire est conçu pour en assurer le pluralisme. C’est à cela que servent les débats au parlement, c’est à cela que servent les lectures. On y entend des critiques, on y entend des propositions, et on y élabore un projet de loi. La loi est, de cette manière, souvent un compromis, un équilibre entre des intérêts justifiés. Actuellement, ce processus n’a absolument pas lieu.
WELT : que pourrait donc faire le Bundestag ?
Schleiter : il serait envisageable que le Bundestag ou bien les parlements des Länder se réapproprient complètement le droit de réglementer. Il serait également envisageable – bien qu’à mon avis insuffisant – que le Bundestag donne des directives bien plus détaillées pour la mise en œuvre de chacune des mesures. Il pourrait dire par exemple : je souhaite que la fermeture des écoles soit décidée seulement en tout dernier ressort. Ou bien : interdisez plutôt les activités de loisir que de fermer les restaurants et les magasins. La pesée concrète des libertés fondamentales, leur mise en balance, qui est vraiment un élément central, ne doit pas être remise comme un chèque en blanc à l’exécutif. C’est pourquoi on pourrait reprocher au Bundestag et aux Landtage, en miroir au comportement des exécutifs, ne commettre de la même manière une violation de la constitution.
WELT : du seul fait de s’abstenir, on serait coupable ?
Schleiter : on ne peut reprocher de s’abstenir qu’à celui qui a l’obligation d’agir. Et je soutiendrais que tous les organes et tous les conseils établis par la constitution ont une obligation, celle d’éviter une violation de la constitution. Dans cette mesure, on devrait probablement défendre le principe d’un devoir d’intervention des parlements. Ce qui se passe actuellement en Allemagne a une dimension que l’on ne pourrait en réalité imaginer que sous un régime d’état d’urgence.
WELT : qu’est-ce qu’un régime d’état d’urgence ?
Schleiter : on trouve dans la Loi Fondamentale les dispositions de l’état d‘urgence constitutionnel. En temps de guerre par exemple, on mettrait en œuvre des procédures qui facilitent le gouvernement en allégeant le processus législatif. Actuellement, nous parvenons à un effet similaire en contournant ces dispositions. La réalité du processus législatif ressemble à celle de l’état d’urgence, mais en se soustrayant à la structure légale.
WELT : la conférence des ministres-présidents, qui siège régulièrement n’est-elle pas l’expression du fédéralisme, de la démocratie et de la séparation des pouvoirs ?
Schleiter : elle permet plutôt un gouvernement centralisé. C’est bien la chancelière fédérale qui y donne le ton, et on finit toujours par s’entendre d’une façon ou d’une autre sur une proposition qui vient de Berlin.
WELT : les ministres-présidents ont bien abandonné la chancelière en rase campagne, à plusieurs reprises.
Schleiter : c’est juste. Cependant, notre constitution dit qui est responsable de quoi. Si l’État fédéral réglementait de manière centralisée ce qui l’est aujourd’hui par le moyen des ordonnances prises par les Länder, on aurait les mêmes règles qui s’appliqueraient dans tous les coins et recoins d’Allemagne, sur l’île d’Amrum comme à Munich. Mais ce n’est pas ce qui est voulu, et ce ne serait pas correct en droit constitutionnel. En outre, le principe du fédéralisme est là pour garantir que des restrictions aux droits fondamentaux ne sont décidées que là où c’est nécessaire. Nous n’avons justement pas un État centralisé – pour de bonnes raisons, comme le montre le IIIème Reich. Aujourd’hui, les Länder prennent formellement chacun leurs ordonnances – mais après un processus de concertation dans une assemblée qui n’est pas prévue par la Loi Fondamentale. D’habitude, on est très réticent face à ce type de concertations, parce que de la séparation entre l’État fédéral et les Länder naît une limitation du domaine de responsabilité et du pouvoir. Il ne convient pas que la chancelière fédérale soumette son projet et essaie de le faire passer en force, avant qu’on apprenne aux informations que la chancelière a réussi à s’imposer. Elle n’a absolument pas le droit de seulement tenter d’exercer cette influence.
WELT : les responsables politiques ne cessent de répéter que l’on n’en sait pas encore assez sur le virus pour prendre la responsabilité de relâcher le dispositif.
Schleiter : au tout début, lorsque la pandémie était encore jeune, il y avait encore une grande marge d’appréciation pour régler les choses, ce que l’on appelle une prérogative d’évaluation des risques. Mais plus on acquiert de connaissances, plus cette marge d’appréciation se réduit. Du reste, elle se réduit aussi si on ne fait rien. On aurait dû, dès le départ, mettre le RKI en demeure de répondre à toutes les questions ouvertes : tests de masse, études de terrain, études sur les anticorps. On l’a constaté depuis : justement dans les secteurs qui font l’objet de restrictions, comme la restauration ou le théâtre, le taux de transmission du virus est négligeable. La plupart des contagions se produisent dans les maisons de retraite, à la maison et au travail. Ensuite, il faut encore expliquer pourquoi les gens doivent fermer leur magasin, alors qu’ils y font respecter les distances, qu’ils ne laissent entrer que la moitié des clients et qu’ils portent des masques. N’est proportionné que ce qui est justifiable de manière raisonnable.
WELT : celui qui est favorable aux ouvertures doit désormais apporter la preuve qu’elles sont possibles en sécurité.
Schleiter : je me base sur la constitution, et les droits fondamentaux qui y sont accordés aux citoyens. La charge de la preuve revient à celui qui veut restreindre ces droits fondamentaux. Une restriction sur la base d’un soupçon, qui relève de l’exception absolue, n’est plus légitime aujourd’hui.
WELT : quand vous êtes-vous résolu à déposer cette plainte constitutionnelle ?
Schleiter : à l’origine, je voulais juste écrire un essai sur le fait de légiférer dans le cadre de la pandémie. À cette fin, j’ai commencé à m’intéresser, à côté des aspects juridiques, aux aspects pratiques de la pandémie et de la lutte contre celle-ci. Je suis habitué à lire des rapports d’expertise, lorsque l’on rend la justice, c’est un outil d’usage quotidien, qu’il s’agisse de responsabilité pénale, de dangerosité, de permis de construire ou d’analyse génétique. La justice, ce n’est pas seulement le droit, mais le droit appliqué aux situations de la vie. J’ai donc déposé une demande de consultation de documents, afin de voir quels rapports d’expertise on avait commandés, quelles dépositions ou prises de position on avait recueillies, et constater s’il en était bien ainsi, que tous les droits fondamentaux avaient été pris en considération. À la fin de l’été 2020, en vertu des lois sur la liberté d’information, j’ai donc déposé des requêtes auprès de la chancellerie, auprès du ministère fédéral de la santé ainsi que des ministères de la santé du Brandebourg et de Berlin.
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Qu’on ait ou non entendu parler des théorèmes de Condorcet, Arrow et Gibbard-Satterthwaite, c’est plus ou moins manquer de sens critique élémentaire que de considérer comme rationnel et louable notre culte de ce qu’il est abusivement convenu d’appeler « la démocratie », le concept en lui-même – dont l’historicité est très mal connue – déjà et a fortiori son application quotidienne dans les « meilleurs » états considérés comme « démocratiques ». Nos médias sont pourtant quotidiennement emplis des tristes , voire horribles conséquences de ce culte grégaire, a fortiori ces temps-ci .
On aura beau dire, on aura beau faire « Dès que nous disons le mot « démocratie » pour nommer notre mode de gouvernement qu’il soit américain, allemand ou français, nous mentons. La démocratie ne peut jamais être qu’une idée régulatrice, une belle idée dont nous baptisons promptement des pratiques très diverses. Nous en sommes loin, mais encore faut-il le savoir et le dire »(A.E)
« Nous sommes victimes d’un abus de mots. Notre système (les « démocraties » occidentales) ne peut s’appeler « démocratique » et le qualifier ainsi est grave, car ceci empêche la réalisation de la vraie démocratie tout en lui volant son nom. » (S-C.K)
« La démocratie, c’est le nom volé d’une idée violée » (J-P.M).
D’accord à 100% avec vos propos.
DEMOCRATIE = MENSONGE D’ETAT. C’est la manipulation par le détournement du sens des MOTS !
La « gôôôchiasserie » en est la spécialiste !!!
Le capitalisme libéral ainsi que le socialisme démocratique se sont ligués pour faire croire que tout antimodernisme était légataire ou bâtard du fascisme ; feinte de coucou pour occuper le nid de notre civilisation et y faire croitre le matérialisme.