La CDU d'Angela Merkel chute de trois points dans les deux Länder où il y avait des élections, ce dimanche 14 mars. Une baisse était attendue mais le bon score des Verts, des Libéraux et des Sociaux-Démocrates permet d'envisager des gouvernements sans les chrétiens-démocrates. Ces derniers ont du souci à se faire pour les élections législatives de fin septembre prochain.
Nous l’avions anticipé sur ce site. Les chrétiens-démocrates allemands étaient en sérieuse difficulté du fait de l’affaire des masques et, plus généralement, du scepticisme grandissant de la population quant à l’efficacité de la politique anti-COVID 19 de la Chancelière. Mais le résultat est encore plus dur que prévu pour Madame Merkel et son parti. En effet, la CDU perd non seulement dans le Bade-Wurttemberg mais aussi en Rhénalie-Palatinat, longtemps le fief du Chancelier de la réunification, Helmut Kohl (1930-2017).
Avec 35%, le SPD à la fête en Rhénanie-Palatinat
Pour le lecteur qui n’est pas habitué aux soirées électorales allemandes, les couleurs traditionnelles des partis, sont les suivantes: le SPD, parti social-démocrate, est en rouge (avec 35,7%), la CDU, parti de Madame Merkel, en noir (avec 27,7%). Ces deux partis gouvernent ensemble à Berlin. Ils auraient pu souffrir tous les deux de la mauvaise gestion de la crise du Coronavirus. Mais les chrétiens-démocrates paient la manière dont Angela Merkel a toujours voulu accaparer l’attention des médias aux dépens de ses partenaires de coalition, depuis seize ans qu’elle est au pouvoir. A noter, aussi, le bon score des Verts (9,3%), passés devant la droite conservatrice (l’AfD, en bleu). Les Libéraux du FDP (traditionnellement en jaune) ont passé la barre des 5% tandis que la gauche (Die Linke, traditionnellement de couleur amarante) ont un résultat décevant, à 2,5% – le parti est surtout fort dans l’ancienne Allemagne de l’Est. On notera aussi qu’un parti dit des “électeurs libres” (Freie Wähler) a passé la barre de la représentation (5%). Ce sont des électeurs de droite que perdent aussi bien la CDU (devenue trop centriste et étatiste à leurs yeux) que les Libéraux (pas assez à droite sur les sujets sociétaux) et l’AfD (trop à droite sur les sujets identitaires). Il y a là un réservoir de voix qui ne se reconnaît pas dans les partis de droite établis.
En Bade-Wurttemberg, le triomphe en trompe-l'-oeil du ministre-président Vert industrialo-compatible
Comme prévu, le ministre-président Vert, Winfried Kretschmann, l’emporte dans le bastion de l’industrie automobile et de la fabrication des machines-outils allemandes. Incarnant l’aile industrialo-compatible de son parti, le sortant avait de bonnes chances d’être reconduit. Cependant, la victoire est plus large que prévu. La CDU en effet perd trois points tandis que les Verts en gagnent deux. A l’arrivée, cela fait un différentiel de 8,5 points. Pendant des décennies, un tel score a été le résultat des Verts… au niveau national. Le poids acquis par le parti en Bade-Wurttemberg inverse carrément le rapport de forces entre les Verts et le SPD, qui fait un score décevant de 11%, talonné par les Libéraux et l’AfD, qui tournent autour de 10%. On mettra cependant un bémol. Les Verts ont, du fait de l’abstention, perdu plusieurs dizaines de milliers de voix. Ils ont simplement moins perdu que les autres.
La fin de l'ère Merkel : vers une coalition rouge-jaune-verte?
Le résultat de ces élections régionales va plus loin que des sondages grandeur nature en vue des élections législatives de septembre 2021. Dans les deux cas, une coalition est possible sans participation de la CDU. En Rhénanie-Palatinat, le regroupement des Verts, des sociaux-démocrates et des Libéraux serait de 55 sièges (il faudra attendre la vérification définitive des résultats), soit cinq de plus que la majorité requise. Et en Bade- Wurttemberg, SPD et Verts regrouperaient 77 membres du parlement régional, soit là aussi la majorité des sièges. L’appoint du FDP donnerait une majorité encore plus forte, de 95 députés (sur 154).
Il s’agit d’une grosse défaite pour Madame Merkel, qui n’a cessé de pousser son parti vers le centre-gauche afin qu’il ait le choix de ses coalitions, avec un ou deux des trois partis (sociaux-démocrates, Verts, Libéraux) qui, désormais, sont en situation de s’entendre sans les chrétiens-démocrates. De fait, hier soir, il régnait sur les plateaux de télévision et dans les états-majors des trois partis concernés, un sentiment de soulagement, comme s’il était désormais possible de se défaire du carcan de l’ère Merkel.
Une coalition “rouge/jaune/verte” deviendra-t-elle possible, au plan national, aux élections du 26 septembre 2021? Jamais depuis longtemps le jeu n’avait été aussi ouvert dans la politique allemande.