Le "couple franco-allemand" n'existe plus depuis longtemps. Les Allemands le savent et ont l'intelligence politique de ne pas le dire. Car les dirigeants français y croient encore dur comme fer. Et, ce faisant, se privent d'une politique plus conforme aux intérêts français au sein de l'Union Européenne.
Jeudi 1er avril, lors d’une audition devant la commission des Affaires européennes du Sénat, Clément Beaune expliquait à propos d’une évolution du pacte de stabilité européen: « Nous devrons avoir une discussion franco-allemande d’abord, sans doute en fin d’année 2021, début 2022 avec le nouveau gouvernement fédéral » issu des législatives de septembre.
Laissons de côté la maladresse qui consiste à faire de ce sujet un thème pour la campagne électorale allemande de cet été alors qu’une partie non négligeable de l’opinion allemande reste hostile à un assouplissement des règles d’équilibre budgétaire issues des traités européens. Bruno Le Maire lui-même s’est plaint récemment des freins mis par des personnalités conservatrices et le Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe à l’adoption du plan de relance. Laissons de côté aussi la question de fond: est-ce une bonne chose pour la France que la France continue à laisser filer ses finances publiques, tout en obtenant de l’UE une distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement.
Le problème posé par la déclaration de M. Beaune tient au caractère anachronique de la politique française. Les dirigeants français s’accrochent à la priorité du couple franco-allemand au sein des institutions européennes alors qu’ils n’en ont pratiquement rien retiré ces dernières années, comme je l’ai montré dans un livre récent..
Le mythe du couple franco-allemand
Il existe en France tout un récit officiel qui mène de la réconciliation à l’amitié franco-allemande et de cette amitié à l’approfondissement constant de la construction européenne. Or cette “amitié” politique à laquelle les commentateurs français donnent le nom de “couple” – une expression jamais utilisée en Allemagne – (1) a connu de sérieuses interruptions et (2) a été en permanence l’objet de considérations de puissance chez les deux partenaires.
(1) On mentionne rarement le fait que le Général de Gaulle mit largement en sommeil, à partir de 1963, la coopération franco-allemande car la République Fédérale ne voulait, à la différence de la France, aucune prise de distance vis-à-vis de l’OTAN. On ne veut pas rappeler non plus comme les discussions entre François Mitterrand et Helmut Kohl furent âpres, en 1989-90 au moment de la réunification. Ou bien comme Madame Merkel détestait Nicolas Sarkozy, derrière les apparences, et supportait mal la pression que le président français, soutenu par Barack Obama, mettait sur elle pour qu’elle ait une politique financière active de lutte contre la crise. La même Chancelière a traîné des pieds pour se rallier à la vision macronienne d’une “souveraineté européenne”; et sans le COVID 19, il n’y aurait jamais eu d’augmentation du budget européen, malgré le plaidoyer constant d’Emmanuel Macron.
(2) La France et l’Allemagne poursuivent des objectifs différents au travers du partenariat européen: Paris cherche une “Europe puissance“; Berlin fait en sorte que ses voisins suivent les règles d’organisation de la vie économique qui régissent la République Fédérale – en gros “l’ordo-libéralisme” – afin de limiter la compétition pour son économie sur le continent et de pouvoir déployer une stratégie d’exportations à l’échelle du monde.
6 conseils statégiques aux dirigeants français face à l'Allemagne
L’Allemagne est en train de changer à grande vitesse. En particulier, dans les sondages, on assiste à une chute accélérée de la CDU, le parti de Madame Merkel. Elle devrait avoir du mal, lors des prochaines élections législatives, à dépasser les 25% (alors qu’elle était à 41% en 2013) et n’aura vraisemblablement que quelques points d’avance sur les Verts et moins de dix sur le SPD. Le prochain chancelier, vraisemblablement à la tête d’une coalition de trois partis, sera donc bien plus faible que ses prédécesseurs. D’autre part, l’Allemagne a perdu progressivement les arbitrages au sein de l’UE, depuis une dizaine d’années, concernant les politiques d’assouplissement budgétaire et monétaire: ils se sont fait malgré elle. Enfin, le départ de la Grande-Bretagne de l’UE est un coup dur pour l’Allemagne, dans la mesure où cette dernière pouvait le plus souvent compter sur un soutien britannique dans les votes, au service de l’approfondissement du “grand marché”.
Tous ces bouleversements de la donne européenne devraient amener les dirigeants français à changer radicalement de stratégie face à l’Allemagne.
- La consultation par Paris de Berlin, dont la position est affaiblie dans l’UE par la décennie 2010, doit clore une négociation européenne et non être un préalable, comme le croit encore M. Beaune.
- Les décisions en Allemagne se prendront de moins en moins à Berlin et de plus en plus dans les capitales économiques régionales – Düsseldorf, Francfort, Stuttgart, Munich, Dresde. C’est là qu’il faut développer nos réseaux, tisser des liens personnels désormais. La politique franco-allemande ne se traite plus seulement entre gouvernements nationaux mais aussi entre régions, entre villes.
- Les Allemands qui travaillent au sein des institutions européennes sont devenus également très importants comme cible de lobbying. Qu’ils travaillent à la Commission, sous l’autorité d’Ursula von der Leyen ou au Parlement, leur avis compte beaucoup. A l’inverse, si on les oublie, ils peuvent bloquer une politique française.
- Nous devons arriver à Berlin et aux conseils européens en ayant déjà constitué des majorités qui, au besoin, s’imposent à l’Allemagne. Cela veut dire que, du point de vue de la France, il n’y a plus de “petits pays”. Tous les votes comptent.
- La présence à la tête du gouvernement italien de l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, l’homme qui a forcé, en 2012-2013, les Allemands à une politique monétaire plus souple est un atout pour la France. Ce devrait être l’occasion de créer une vraie communauté d’intérêts de la France avec l’Italie et l’Espagne, pour peser plus dans les institutions européennes.
- Enfin, quels que soient nos partenaires de négociation, pour être crédible, la France doit remettre ses finances publiques en ordre. Cela vaut particulièrement, bien entendu, vis-à-vis de l’Allemagne, qui ne nous prend plus au sérieux depuis des années, du fait de nos déficits (réalisés à l’abri des taux d’intérêts bas qu’elle garantit pour la zone euro).
Très bonne analyse, mais des 6 conseils, seul le dernier est vraiment pertinent.
Absolument d’accord avec vous. Nous sommes clairement devenu “l’homme malade de l’Europe” à cause de nos errements socialistes. Et nous ne serons pris au sérieux QUE quand nous aurons remis de l’ordre dans nos finances. Inutile de dire que ça ne s’est donc pas arrangé avec le déplorable Macron à la barre.
Bau papier, qui ne tient hélas pas compte au-delà du pseudo couple franco allemand, du poids des Etats Unis, les grands patrons. M. macron n’est-il pas “Young leader”, c’est à dire agent des États Unis? Mme Merkel, elle-même terriblement proche du grand patron US, n’est-elle pas aujourd’hui en difficulté, au fond, parce que son pays veut reprendre les rennes de sa souveraineté, même si c’est dans des proportions relatives? L’Allemagne conserve des intérêts nationaux. La France les oubliés. Pour rien. Nous en paierons le prix.
Il n’a jamais existé que dans les esprits tordus des zélites
J ‘ ai lu cela formidablement documenté chez Asselineau il y a environ 8 ans.. https://www.upr.fr/dossiers-de-fond/le-mythe-du-couple-franco-allemand-traite-elysee/
La seule façon de faire serait en réalité de quitter l’Union Européenne !
Cette France arrogante n’est plus crédible. Tous les jours dans les médias les macroniens se ridiculise t et les autres ne sont guère plus crédibles. Nous ne sommes plus en capacité de faire émerger des hommes d’état. Le moule est l’ENA, c’est dramatique pour nous de n’avoir qu’une pensée
Le couple franco-allemand? Qui n’a pas comprit que les états n’ont pas d’amis mais des intérêts et que ce n’était qu’une amourette au moment qui arrangeait les deux, après …il faut peut-être voir que lorsque le cancre vient donner des leçons au bon élève il est rare que la lune de miel dure très longtemps . Aujourd’hui, c’est la soupe à la grimace avant le divorce, la seule question est qui partira le premier .
Beau papier… théorique, car les impétrants ne changeront de braquet que lorsqu’il sera trop tard et que la france ne sera plus qu’un pays mineur, ce qu’elle est en passe de devenir.
Le point 5 est intéressant, l’Espagne et l’Italie souffrant des mêmes maux que nous (désindustrilisation, hypertrophie du secteur touristique…). On peut aussi y ajouter le Portugal et la Grèce. Mais pour cela, il faut quitter l’UE et créer une autre structure.