En pleine crise ukrainienne, le pavillon russe de la Biennale d'art contemporain de Venise est resté fermé, pendant que d'autres pavillons majeurs, comme les pavillons espagnols ou allemands, affichaient une totale vacuité. Notre enjeu artistique contemporain est manifestement celui d'une propagande mondialisée manichéenne, où l'oeuvre est la simple expression d'un choix idéologique binaire. Jamais l'Occident n'avait autant réduit sa culture à une option binaire aussi détachée de toute forme d'ambition spirituelle, et aussi entachée de vide.
La Biennale d’art contemporain de Venise (astucieusement qualifiée de « Champs-Elysées » de l’art par le Figaro), dans son édition 2022, vient de mettre en évidence la terrible ironie de l’histoire : l’art en Occident est désormais devenu un simple véhicule pour une propagande manichéenne dont la russophobie constitue la colonne vertébrale. En quelques décennies, l’Histoire a donc effectué un virage complet : il est loin le temps où les artistes occidentaux exprimaient leurs doutes sur le capitalisme, pendant que les artistes soviétiques produisaient du réalisme socialiste au kilomètre. L’aveuglement idéologique a changé de camp.
L’art contemporain en Occident bannit la Russie
Dès le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le commissaire du pavillon russe à la Biennale de Venise avait annoncé la couleur : né en Lituanie, il démissionnait de ses fonctions pour ne pas cautionner le retour en arrière russe. L’intéressé a annoncé sa décision par un message sur Instagram (on ne pouvait trouver meilleur symbole de la subordination de l’art contemporain prétendu libre aux GAFAM) :
À peine un mois avant l’ouverture officielle de l’exposition, les artistes et le commissaire du pavillon condamnaient donc la présence russe sur les Champs-Elysées de l’art. On peut comprendre que ces personnalités aient voulu marquer leur désapprobation vis-à-vis de la stratégie du Président Poutine en Ukraine. Mais ils ne pouvaient mieux mettre en évidence la politisation désormais outrancière de l’art contemporain, outrancière au point que l’art est devenu un simple substrat de l’idéologie dominante, sans aucune forme d’invention en dehors de la ligne du parti.
Car, au fond, ni le commissaire, ni les artistes en résidence, n’auraient été soupçonnés de commettre des oeuvres favorables à Poutine (les pavillons étant conçus deux ans à l’avance). Et en aucun cas, les oeuvres présentées n’auraient été soupçonnées de défendre une invasion dont elles n’étaient ni le sujet ni l’objet.
Mais l’expression artistique est désormais interdite si elle émane d’un « Etat voyou », ou jugé comme tel par la propagande occidentale, même si cette expression artistique est totalement indépendante du pouvoir politique en place dans cet Etat. Comme par hasard, personne ne se souvient que les artistes occidentaux aient décidé de déserter la Biennale lorsque l’aviation américaine transformait l’air viêtnamien en fumerie de napalm, ou lorsque les troupes occidentales réduisaient Bagdad à un champ de tir, à la recherche « d’armes de destruction massive » totalement inventées par la CIA pour justifier son action.
Mais, s’agissant de la Russie, il semble normal que des artistes payés par Poutine décident de politiser leur oeuvre en refusant d’exposer sous le prétexte que leur pays est désormais en guerre avec l’une des anciennes républiques qui le composait.
L’aveu de la Biennale
Que le droit de pratiquer l’art en Occident soit désormais fermé à certaines nationalités dont les ressortissants sont décrétés d’accusation publique par le seul fait de leur origine n’a semblé choquer personne. Ainsi, la direction de la Biennale a déclaré :
La Biennale exprime sa totale solidarité envers ce noble acte de courage et soutient les motivations qui ont conduit à cette décision. Elle incarne dramatiquement la tragédie qui s’est abattue sur la population de l’Ukraine. La Biennale reste un lieu où se rencontrent les peuples à travers l’art et la culture. Elle condamne tous ceux qui usent de la violence pour empêcher le dialogue et la paix.
On pourrait ironiser longtemps sur cet affichage bien-pensant selon lequel la Biennale serait un « lieu où se rencontrent les peuples », puisque cette rencontre est visiblement réservée à quelques invités dont les Russes ne font plus partie. On pourrait aussi ironiser sur ce bannissement au nom du « dialogue ». Et l’on pourrait aussi se gausser du « noble acte de courage » qui consiste à travailler pendant deux ans aux frais du contribuable russe pour finalement le planter comme une vieille chaussette, dans une parfaite obéissance aux dogmes pro-américains (où les possibilités de « big deal » sont plus larges pour les artistes mondialisés que sur le marché russe).
On notera simplement que la Biennale de Venise a réintroduit les frontières dans l’art, et qu’elle entend ne donner la parole qu’aux artistes venus de pays autorisés par le Saint Occident. Les tauliers de ces « Champs-Elysées de l’art » ne pouvaient commettre meilleur aveu sur la véritable nature de l’art contemporain, tel qu’il est financé par les institutions officielles : l’expression d’une propagande binaire où l’on répète des mantras humanistes (le « dialogue », la « rencontre », le « courage ») de façon sectaire pour mieux se dispenser de passer à l’acte.
Le vide sidéral de l’art occidental aujourd’hui
Si le bannissement de la Russie s’accompagnait d’un rayonnement artistique de l’Occident, nous serions plus à l’aise. Nous pourrions croire à la fable officielle selon laquelle la lumière combat les ténèbres, et selon laquelle nous sommes la culture dressée face à la barbarie.
Tout le problème tient au vide sidéral de l’art contemporain actuel en Occident, tel qu’il est institutionnalisé. Il est de bon ton de bannir les ennemis, mais au-delà de ce bannissement, notre culture n’a rien à apporter, ni aucune solution de rechange.
On prendra l’exemple du pavillon espagnol, décrit ainsi dans une publication spécialisée (vous pouvez retrouver les images de ce pavillon dans la vidéo Telegram postée en tête de l’article) :
Là où la plupart des artistes de cette 59e édition remplissent les salles de leurs pavillons d’une ou plusieurs œuvres, Ignasi Aballí a pris au pavillon espagnol le contrepied de cette tradition. Ici, aucune œuvre matérielle, visuelle ni sonore n’est présente dans l’espace, l’œuvre étant en réalité l’architecture elle-même.
On reconnaît, derrière le pédantisme habituel des cultureux, la reconnaissance timide du « roi est nu ». Dans le pavillon espagnol, il n’y a « aucune oeuvre matérielle, visuelle ni sonore ». Bref, l’artiste s’est contenté de laisser un pavillon vide et blanc.
Ce qu’on appelle couramment le vide.
Mais le pavillon allemand ne fait pas mieux. L’artiste en résidence, Maria Eichhorn, s’est contentée de laisser le pavillon vide, en arrachant une partie de son plancher pour en faire apparaître les fondations.
Comment une grande nation artistique comme l’Allemagne peut-elle détruire son image à ce point, en proposant un vide sidéral au moment où l’art russe est banni pour cause de barbarie ?
Je reviendrai demain sur le scandale du pavillon français, dont chacun pourra voir l’utilisation que le ministère de la Culture fait de ses 600.000€ de budget. En attendant, les cuistres de l’art contemporain peuvent, autant qu’ils le veulent, jouer aux intellectuels humanistes : ils ne sont plus désormais que les agents d’une propagande binaire et vide de toute inspiration.
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Un autre exemple ahurissant : le Louvre Lens que j’ai visité il y a une semaine environ. Pour commencer, à l’entrée du musée flottent 3 grands drapeaux : le bleu blanc rouge, l’habituel torchon bleu aux étoiles jaune et surprise, le drapeau bleu et jaune. On rentre dans le musée, et sur le panneau explicatif au début de l’exposition, la seule partie avec une police en gras commence ainsi : »Alors qu’aujourd’hui l’ukraine est frappée par la guerre et son cortège de violences …le Louvre Lens exprime tout son soutien au peuple ukrainien…etc ». Je tiens les photos à votre disposition.
Pour approfondir la question de la manipulation totalitaire et comprendre pourquoi les d’jeuns générations se font avoir aussi facilement, il y a 2 vidéos d’une heure chacune à voir absolument :
Ariane Bilheran et Vincent Pavan : https://reseauinternational.net/ariane-bilheran-il-faut-manipuler-2-emotions-pour-obtenir-la-soumission/
Jean-Paul righelli : https://www.youtube.com/watch?v=alF12D6LrDQ
Merci pour ce témoignage sur l’état de l’art.
Art lover, il m’était inconcevable que des concerts de musique de Tchaïkovski soit annulés dans les pays anglo-saxon parce que l’auteur était russe. Car l’art est un chemin pour la Paix, chaque oeuvre est une sorte de bouteille à la mer contenant un message qu’un public va sentir et comprendre de façon personnelle quelque part et dans un certain temps. C’est une communication qui dépasse les frontières culturelles, linguistiques ou spirituelles.
Ce qui me choque est bien qu’aucun artiste espagnol ou allemand n’ait voulu exposer à Venise sauf un. C’est à la fois une protestation et une réponse d’anxiété face aux temps actuels.
La page blanche est vraiment le syndrome de l’artiste en attente d’inspiration. L’image d’un monde sans vision.
Le montage d’une déconstruction tellement à la mode dans la bouche de nos politiques irresponsables et wokistes montre son horreur dénudée.
Le néant sans être, tout diablement.
Reste à savoir si cette mise en scène n’est qu’un fait purement politique et un masque bureaucratique payé chèrement par les contribuables comme prix de la liberté.
Ce qui me pose problème dans cet article est que l’auteur semble découvrir que l’art occidental est sous influence idéologique. Bannir l’art russe est bien sûr une absurdité totale, et on n’a pas besoin d’être pro-Poutine pour être d’accord sur ce point. Mais je rappellerai que depuis des décennies l’art occidental est de plus en plus noyauté par la gauche et l’extrême gauche qui en profitent pour faire passer leurs idées de merde nihilistes anti-occidentales. Critiquer l’art contemporain et oser dire que c’est de la daube dans la grande majorité des cas est très mal vu. Alors le problème ne date pas d’aujourd’hui.
surtout que cet art contemporain ne survit que grâce aux impôts !!!
Vu ce que produit l’art contemporain, on peut très bien s’en passer. La Biennale de Venise n’intéresse que le marché de l’art, c’est-à-dire les spéculateurs. Les amoureux de l’art passent leur chemin.
Si nos impôts servaient à entretenir notre patrimoine architectural et artistique, et non à soutenir une production contemporaine qui est encore moins artistique qu’une bouse de vache, on aurait de quoi se réjouir.
La bouse de vache serait un moindre mal si les monstrueux étrons n’étaient pas légions, sans sens figuré ! L’axiome central de l’art contemporain est depuis longtemps une équation bien connue : que l’Eschatologie s’exprime par la scatologie.
C’est Aude de Kerros, l’ancienne collègue d’Eruc Verhaeghe sur Contrepoints, qui a la meilleure et la plus complète analyse sur l’AC (le marché de l’art contemporain). Elle conclue que ce marché est un marché de dupes à patate chaude pour valoriser les excédents monstrueux de la finance internationale de type Ponzi, et ceux des blanchiments d’argent sale (armes et drogue). Il n’y a aucun rapport entre ce marché et l’art séculaire tel qu’il s’est développé en Occident depuis 1000 ans. 20.000 à 30.000 ans sur terre où le principal critère était la beauté. La laideur n’est qu’un des attributs du nihilisme. Il est évidemment mortifère. Que le dogme (le Veau d’Or contre le Décalogue) utilise le rap (chant de guerre pour motiver la conquête de l’Occident chez certaines populations) ne nous surprend pas plus… Réveillons nous ! Rapidement. Tout cela est un suicide organisé, une guerre du capitalisme de connivence d’idéologie communiste contre les peuples européens.
C’est d’autant plus scandaleux et regrettable qu’il existe aujourd’hui un véritable art contemporain de qualité. Gérard schlosser qui vient de mourir à 91 ans laisse une oeuvre pleine de sensibilité et de talent.
Il y a à Reykjavik en ce moment une très belle exposition Erro. Les artistes de la figuration narrative qui sont en train de disparaître les uns après les autres en ce moment sont de vrais artistes.
La peinture contemporaine africaine est très riche…
Il ne faudrait pas que l’on jette le bébé avec l’eau du bain et c’est pourtant ce qui est en train de se passer