Les retraites sont au centre d’une empoignade qui dure depuis plusieurs jours. D’un côté, le Haut-Commissaire Delevoye s’escrime à négocier la réforme avec les partenaires sociaux. De l’autre, Macron et les ministres lancent différents ballons d’essai qui compliquent singulièrement l’exercice. Un allongement nouveau de la durée de cotisations permettrait de compenser rapidement la probable réindexation des retraites voulue par les Gilets Jaunes.
Depuis plusieurs jours, les ministres du gouvernement Philippe s’essaient aux « ballons d’essai » sur les retraites. La stratégie, qui consiste à faire régner l’incertitude sur les propositions réelles, en avançant des idées « mi-chêvre mi-chou », commence à produire pas mal de dégâts. Mais Macron a de bonnes raisons de s’interroger sur la ligne à suivre.
Un encouragement donné en conseil des ministres
On aurait tort de croire que les ballons d’essai sont lancés de façon désordonnée. En réalité, c’est Emmanuel Macron lui-même qui a incité ses ministres à s’exprimer sur le sujet.
Lancez des idées, testez des solutions et surtout, ne fermez aucune porte.
aurait-il dit en Conseil des Ministres. Du coup, ses ministres ne se sont pas gênés pour lancer l’idée qu’un report de l’âge de la retraite serait le bienvenu.
Les dénis de Delevoye
Pendant que les ministres multipliaient les annonces ou les petites phrases expliquant que le recul de l’âge légal était une bonne chose, le Haut-Commissaire Delevoye jouait sa partition sans vraiment dissiper l’équivoque. On lira avec amusement le récit d’une séance de réunion entre lui et la CGT:
Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites se veut rassurant en affirmant qu’il n’est pas question, selon lui, de modifier l’âge légal de départ à la retraite. Toutefois, il indique que, dans le cadre de sa réforme, l’équilibre financier du système ne serait pas assuré, si tout le monde partait à l’âge de 62 ans. C’est pourquoi il entend travailler à des mécanismes d’incitation à reporter l’âge de départ et, finalement, anticipe déjà un décalage à 63 ans avec sa réforme.
Autrement dit, et comme nous en expliquions les raisons dès le mois d’octobre, le gouvernement conserverait le principe d’un âge légal à 62 ans – mais cet âge légal ne donnerait pas droit à une retraite à taux plein. L’astuce ne vaut que ce qu’elle vaut.
Un casus belli pour les Français
Dans la pratique, cette ambition n’est pas près d’aboutir. Un sondage commandé cette semaine montre en effet qu’une large majorité de Français est hostile au report de l’âge légal comme à l’allongement du durée de cotisations. Aller contre cette majorité par les temps qui courent ne serait pas très prudent. A moins de faire le choix d’un grand débat transparent sur le sujet qui n’est pas l’hypothèse retenue à ce stade.
C’est le paradoxe de la situation: alors que le gouvernement a fait le choix d’ouvrir un Grand Débat pour sortir de la crise des Gilets Jaunes, il a maintenu la question des retraites dans une discussion totalement confidentielle.
Plusieurs milliards à trouver
L’idée de repousser l’âge de la retraite peut surprendre de la part d’un Président qui s’était engagé à faire le contraire durant sa campagne électorale. Mais quelques événements ont modifié la donne. En particulier, on sait que l’équilibre de la sécurité sociale ne sera pas atteint à court terme. Les Gilets Jaunes insistent fortement pour que la désindexation partielle des retraites prévue au PLFSS 2019 soit remise en cause.
Cette désindexation rapporte 2 milliards à l’Etat. Sa remise en cause suppose un financement de substitution.
Or… rien ne rapporte autant immédiatement qu’un report de l’âge de retraire, puisqu’il a un effet retard sur les départs. Il apporte donc de la trésorerie immédiatement.
Bref, dans l’urgence, Emmanuel Macron se verrait bien revenir sur ses engagements de campagne pour éviter une déroute budgétaire avant 2022.
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