Les Américains nous mènent à l’abattoir avec une facilité dérisoire.
La colossale braderie des âmes qui s’opère réduit à néant tous les cultes connus. Le crédit a remplacé le credo, a déclaré notre Marx, et on détruira et remplacera tout parce que c’est le triomphe de la destruction créatrice et du calcul égoïste. Le zombi touriste remplace le bâtisseur de Notre-Dame, du Taj Mahal ou bien de l’Alhambra. Et voyez ce que nos ploucs de la bourse et du business ont fait de Versailles, des îles ou bien d’Ushuaia. Le pauvre a neuf mètres carrés et un smartphone mais comme me dit un vieux promeneur andalou que je croise sur mon bord de mer assiégé, il n’est plus éduqué. Quant au riche, il se fait avoir à peu près partout, tant les prix ont augmenté, tant les prestations ont baissé, et tant ses clones se sont grotesquement multipliés.
Relisons Baudelaire et Spengler
L’américanisation… Paraphrasons Oswald Spengler : « la domination mondiale américaine est un phénomène négatif, résultant non pas d’un surplus d’énergie d’un côté, mais d’un déficit de résistance. »
Plus l’homme moderne est nul, plus il s’américanise. L’américanisme lui ordonne de renoncer à son argent (sauf s’il est milliardaire en gros lards), sa race, sa famille, sa liberté, son sexe, son rang, sa culture, sa nation, sa tradition. Tout cela manifeste une résiliente toxicité qu’on ne cesse ici de dénoncer, mais aussi cet effondrement vieux de deux siècles. Je cite à nouveau Baudelaire, témoin de notre effilochement lors du stupide dix-neuvième siècle :
« Impitoyable dictature que celle de l’opinion dans les sociétés démocratiques; n’implorez d’elle ni charité, ni indulgence, ni élasticité quelconque dans l’application de ses lois aux cas multiples et complexes de la vie morale. On dirait que de l’amour impie de la liberté est née une tyrannie nouvelle, la tyrannie des bêtes, ou zoocratie… »
C’était avant les véganiens et la nouvelle culture branchée du cannibalisme.
Le poète ajoute avant les attentats de Las Vegas :
« Brûler des nègres enchaînés, coupables d’avoir senti leur joue noire fourmiller du rouge de l’honneur, jouer du revolver dans un parterre de théâtre, établir la polygamie dans les paradis de l’Ouest, que les Sauvages (ce terme a l’air d’une injustice) n’avaient pas encore souillés de ces honteuses utopies, afficher sur les murs, sans doute pour consacrer le principe de la liberté illimitée, la guérison des maladies de neuf mois, tels sont quelques-uns des traits saillants, quelques-unes des illustrations morales du noble pays de Franklin, l’inventeur de la morale de comptoir, le héros d’un siècle voué à la matière. »
Et de rajouter que l’américanomanie gagne du terrain vers 1850 chez le clergé catholique:
« Il est bon d’appeler sans cesse le regard sur ces merveilles de brutalité, en un temps où l’américanomanie est devenue presque une passion de bon ton, à ce point qu’un archevêque a pu nous promettre sans rire que la Providence nous appellerait bientôt à jouir de cet idéal transatlantique! »
La domination impériale romaine relue par Spengler
Il y a donc déficit de notre part. Ortega Y Gasset évoque cette montée de la stupidité que le penseur et économiste oxonien Cipolla a théorisée. Nous ne sommes et ne valons plus grand-chose, et c’est pourquoi, que ce soit sous Macron, Sanchez, Merkel, Hollande, Johnson, Lyen, Truss, nous nous détruisons et nous anéantissons avec allégresse, démographiquement, spirituellement. Le triomphe du féminisme et du multiculturalisme US, dangers autrement plus percutants que l’épouvantail terroriste ou le baril d’islam saoudien, sont là pour le démontrer – et pour nous absorber.
Ce n’est pas la première fois que cela se produit, comme le rappela Oswald Spengler :
« La domination mondiale romaine fut un phénomène négatif, résultant non pas d’un surplus d’énergie d’un côté, mais d’un déficit de résistance ».
Je trouve géniale cette phrase, moi qui aime surtout dans le monde romain les textes lucides sur sa décadence, en oubliant quelques lueurs comme l’Enéide (chant VI), les bonnes lettres de Sénèque ou le songe de Scipion (Cicéron, République). Pour le reste on est formidablement proche de notre entropie actuelle (un autre qui en parle est Ugo Bardi, chimiste de formation mué historien de vocation sur Lesakerfrancophone.fr).
On ne va pas rappeler notre époque et sa soumission, et son adoration, et sa déification des américains. L’action Boeing triplait pendant le scandale du Boeing 737, ce qui signifie que nous voulons mourir – nous « crasher » – par et pour ces dieux américains qui nous hypnotisent (cf. mes rappels de Guénon à ce sujet : le monde moderne est hallucinatoire).
Spengler donc, qui remet notre empire romain, sa bureaucratie, son homogénéisation, ses thermes et son multiculturalisme à leur place :
« Considéré en soi, la domination mondiale romaine était un phénomène négatif, résultant non pas d’un surplus d’énergie d’un côté – que les Romains n’avaient jamais eu depuis Zama – mais d’un déficit de résistance de l’autre. Que les Romains n’aient pas conquis le monde est certain; ils ont simplement pris possession d’un butin ouvert à tous. L’Imperium Romanum a été créé non pas à la suite d’efforts militaires et financiers aussi extrêmes que ceux qui avaient caractérisé les guerres puniques, mais parce que l’Orient ancien renonçait à toute autodétermination externe. L’apparition de brillants succès militaires ne doit pas nous induire en erreur. Avec quelques légions mal entraînées, mal dirigées et maussades, Lucullus et Pompée ont conquis des royaumes entiers – un phénomène qui aurait été impensable à l’époque de la bataille d’Issus… »
Au passage, et toujours dans son introduction, Spengler, dont on a fait un distrait poète, mais qui est surtout un naturaliste compétent, nous voit déjà cuits culturellement, et à l’époque de Picasso, Schoenberg et Stravinsky encore :
« Qu’il s’agisse de peinture ou de musique de qualité, il ne peut plus y avoir de question pour les Occidentaux. Leurs possibilités architecturales sont épuisées depuis cent ans. Seules d’extensives possibilités leur sont laissées… »
Depuis nous avons touché le fond, mais nous creusons encore. C’est ce qu’on nomme l’art contemporain, qui recouvre et pollue Versailles et les ronds-points de l’ancienne France.
La Rome de Crassus
L’empire romain exerce sa fascination comme aujourd’hui notre matrice US. Spengler :
« Il existe un type d’érudit dont la clarté de la vision tombe sous un charme irrésistible lorsqu’il passe d’une redingote à une toge, d’un terrain de football britannique à un cirque byzantin, d’un chemin de fer transcontinental à une voie romaine dans les Alpes, d’un destroyer de trente nœuds à une trirème, des baïonnettes prussiennes aux lances romaines – de nos jours même, du canal de Suez d’un ingénieur moderne à celui d’un pharaon. »
Hypnose, quand tu nous tiens…
Spengler rappelle les conditions romaines, notamment dans le domaine… immobilier :
« Pour moi, c’est un symbole de la première importance que dans la Rome de Crassus – le triumvir et le spéculateur de chantier tout-puissant – le peuple romain avec ses inscriptions fières, le peuple devant lequel tremblaient Gaulois, Grecs, Parthes, Syriens, vive dans une misère effrayante dans des établissements de plusieurs étages de banlieues sombres, acceptant avec indifférence ou même avec une sorte d’intérêt sportif les conséquences de l’expansion militaire: beaucoup de familles célèbres et nobles, beaucoup de descendants des hommes qui ont vaincu les Celtes et les Samnites ont perdu leurs maisons ancestrales en se tenant à l’écart de la précipitation sauvage de la spéculation et ont été réduits à louer des appartements misérables… le long de la voie Appienne, où se trouvent les tombes splendides et encore merveilleuses des magnats financiers, les cadavres de la population ont été jetés avec des cadavres d’animaux, la ville ayant été abandonnée dans une fosse commune monstrueuse… »
La métropole “civilisée” qui se dévore elle-même
La ville se dévore elle-même, comme disait un Guy Debord impressionné par Mumford, elle est devenue cet amas de détritus urbains qui constitue l’universelle mégapole… quant aux vieilles familles, elles ne font plus rêver personne en occident depuis longtemps : elles ont été, comme les rois, réduites à l’état de larves people.
A la place du spéculateur Crassus on a le spéculateur Donaldus qui bute aussi sur les iraniens, pardon, sur les parthes : lisez la vie de Crassus de Plutarque qui vous expliquera mieux que Wikipédia comment les parthes en finirent avec lui (Crassus)…
Et cette cerise sur le gâteau (ou sur le catho, pensez à cet antipape et à sa pacha Mama) sur notre apocalypse touristique :
« dans Athènes dépeuplée, qui vivait de visiteurs et de la richesse de riches étrangers, la foule de touristes parvenus de Rome resta bouche bée devant les œuvres de l’époque péricléenne avec aussi peu de compréhension que le globe-trotter américain de la chapelle Sixtine de Michel-Ange, tous pièce d’art amovible ayant été enlevée ou achetée à un prix avantageux pour être remplacée par les bâtiments romains qui ont grandi, colossaux et arrogants, à côté des structures basses et modestes de l’ancien temps… »
L’épuisement du monde actuel, toujours plus lâche et stérile, ne se peut expliquer une nouvelle fois que par Guénon. Notre désindustrialisation sur ordre (n’en déplaise à tel lecteur à la fois peu instruit et malpoli), qui marque l’américanisation, a une dimension tératologique. Après l’époque de la solidification, survient la désintégration bien méphitique. Lisez l’intuition de Guénon sur les fissures de la grande muraille pour vous en convaincre. Dans le monde déchristianisé où nous évoluons, règne un satanisme extatique et cultuel sur fond d’églises cramées. A la pollution des Indes ou au smog du collectionneur Dorian Gray succèdent Netflix et sa froide inculture Illuminati.
Sources
René Guénon – Règne de la quantité, XXV
Guy Debord – La Société du Spectacle, § 174
Lewis Mumford – La Cité dans l’Histoire
Philippe Grasset – La Grâce de l’Histoire, le deuxième cercle, éditions mols
Nicolas Bonnal – Tolkien (Avatar), Les Territoires protocolaires (Maule)
Charles Baudelaire – Préface aux œuvres traduites d’Edgar Poe (ebooksgratuits.com)
Oswald Spengler, déclin de l’occident, introduction, archive.org
Miroir mon beau miroir, Ô Narcisse éternel, pourquoi assimilé-je ma situation psychanalytique aux désordres du monde ? Dès lors, suis-je encore en capacité de le comprendre où ne suis-je pas désormais englué jusqu’aux ailes dans mes références bibliographiques, à l’image des oiseaux du rivage incapables de s’extraire de la nappe de pétrole après un naufrage de super tanker.
« Plus le Pékin s’américanise, plus il est nul ! » Qu’est-ce qu’il ne faut pas lire comme imbécilités sous cette plume ! Décidément. En fait, non, la nullité précède ici l’américanisation, on la constate chez Duchamps et son Urinoir au début du XXème siècle. D’autre part la musique, le cinéma et la littérature américaines du XXème siècle ont accouché d’autant de chefs-d’œuvre que le reste du monde. Et européaniser le génie universel est une faiblesse d’un esprit scotché au XIXème siècle, donc qui ne comprend plus rien à son temps… Le « c’était mieux avant » est le réflexe typique des vieux cons. Songez aux progrès insufflés au monde par le génie américain au XXème siècle. Certes toute monnaie a son revers, comme chaque esprit a son côté obscur (de la force). Ah ah ah ! Primo, qu’attends-tu l’auteur pour mettre fin à tes malheurs intérieurs qui te rongent comme un cancer en phase terminale ? Mieux, qu’as-tu proposé de ton vivant pour concurrencer le génie américain qui semble te faire, tels les grands chênes pour les jeunes pousses, une ombre mortelle ? Souvent, les obsessions contre « l’enfer c’est les autres » sont trop symptomatiques de nos impuissances… La vieillesse, ah ! Et le sexe ma bonne dame, et la créativité ? Oui tout est là de nos névroses éternelles. « Salauds de jeunes », hein, c’est ça, hein, le vrai problème de Narcisse devenu vieux à son tour !
L’auteur ne critique pas l’américanisation qui est une chose comme une autre, mais son instrumentalisation à des fins de prédation. Il déplore simplement le moutonisme aveugle qui entraine vers l’enclos ou l’abattoir.
En attendant le métavers et la prison technico-scientifique ceux qui ont les moyens financiers utilisent les choses de la vie comme les phares d’un véhicule pour éblouir le lièvre sauvage.
Je ferai donc une analyse totalement symétrique à celle de l’auteur, ici réputé pour ses névroses nihilistes et par conséquent suicidaires, je dirais, j’affirme même, que c’est parce que l’Europe (pas la Commission européenne que je ne confonds pas avec les Peuples et les Nations homonymes) taille en tous points, affaires, génie créatif, brevets et inventions, des croupières létales aux USA qu’ils ont décidé de nous anéantir économiquement. Le symptôme est donc celui d’un réveil de la « Vieille Europe » et non d’un effondrement, même si l’on peut voir le verre à moitié vide… En conjoncture, on nous apprend toujours à nous méfier de l’observation du court terme pour en déduire des observations de long terme. Le court termisme conduit à n’observer que son quartier à « courte vue ». Le long termisme consiste à une élévation de l’esprit (tel un Google Earth) pour voir les grands mouvements planétaires. A cette enseigne je constate un réveil en Europe et non une mort cérébrale telle que la souhaite l’auteur en bout de course. Question : quand « l’auteur français » (je parle de tous les intellectuels français depuis la Libération) sortira-t-il enfin de sa collapsologie intérieure corrélée de toute évidence à son amour immodéré des marxisme-léninisme et maoïsme de sa jeunesse ? Mai 1968, stop ! On étouffe sous vos monceaux de conneries débitées en saucisses…
L’élitisme socialo ???? cause partout???? désindustrialisation et soumission. La Russie &ses BRICS vaincra parce que l’élitisme russe n’est PAS socialo; à l’Ouest l’élitisme européen, plus répandu que l’américain réussit tristement mieux à funeste sa tache — NOUS sommes tous des socialo français (90%).
Illustration. Un condensé de libertarisme texan ici: INDIAN vs HONDA Which Is Better? The Goldwing or the Indian Pursuit – Cruiseman’s Reviews ???????????? https://youtu.be/338UoOpGLYA
*sa funeste tache
Remarquable papier de Monsieur Bonnal dont, modestement, je partage la vision fondamentale.
Des citations assemblées péniblement avec un texte décousu.