L’AFP a publié les premiers éléments que la réforme Delevoye des retraites devrait comporter pour les travailleurs indépendants et les cadres supérieurs. Conformément aux craintes exposées notamment par la CPME, dont nous avons rendu compte, ceux-ci seront littéralement matraqués, particulièrement pour les plus petits d’entre eux, dans le futur système. En outre, des entorses à la philosophie de la réforme seront prévues pour les salaires supérieurs à 10.000 euros. Jamais la France n’avait construit une telle usine à gaz étatiste débouchant sur une socialisation aussi intense des revenus.
La réforme Delevoye n’épargnera que les grands actionnaires. Les petits patrons et les cadres dirigeants rémunérés à plus de 10.000 euros seront pour leur part mis en coupe réglée. Selon les informations distillées par l’AFP sur le rapport Delevoye attendu pour la mi-juillet, des annonces particulièrement douloureuses devraient frapper les petits entrepreneurs.
Comment la réforme Delevoye va assommer les petits entrepreneurs
Selon toute vraisemblance, la réforme imposera un alignement des travailleurs non salariés sur le régime des salariés pour la tranche A, c’est-à-dire sous 40.000 euros de revenus bruts annuels. Dans la pratique, cette mesure supposera un alignement des assiettes de cotisations entre ces deux catégories pourtant très hétérogènes.Le COR avait, en son temps, simulé l’impact de cette mesure. On sait déjà que, autour de 1,6 SMIC, l’alignement produira un véritable matraquage de cotisations. Le COR avait noté que, faute d’un dispositif dégressif sur les cotisations comme il en existe pour les salariés, les travailleurs indépendants cotiseront proportionnellement plus que ceux-ci.
Le COR s’est livré à quelques simulations. Pour un indépendant à 1,6 SMIC, les cotisations bondiraient de 44 %, passant de 6.768 euros à 9.779 euros, régimes de base plus complémentaire. Elles croîtraient de 17 % à 2,5 SMIC (de 10.247 à 11.956 euros), et de 20 % à 3,5 SMIC (de 11.850 à 14.168 euros).
Les Échos, 18 décembre 2018, Solveig Godeluck
Originellement, la réforme devait poser un principe d’égalité et encourager au travail. Dans la pratique, elle conduira à pénaliser les preneurs de risque pour favoriser les salariés les plus protégés. Une vraie désincitation à l’entreprise.
La réforme crée une nouvelle taxe
Autre particularité, les contributions au régime ne seraient pas plafonnées à 10.000 euros mensuels comme on le pensait jusqu’ici. Les 1 ou 2% de salariés qui perçoivent une rémunération supérieure à 10.000 euros devront finalement participer à l’effort par le biais d’une “cotisation déplafonnée non créatrice de droits”.Autrement dit, au-delà de 10.000 euros, il faudra contribuer au système sans pour autant capitaliser des points de retraite. Là encore, et
comme nous l’écrivons désormais régulièrement, la compatibilité de ce dispositif avec le droit communautaire paraît très contestable. En attendant, il est acquis que la réforme des retraites frappera durement le secteur privé, et épargnera globalement le secteur public.